Ce qui était inconcevable il y a une dizaine d’années, lorsqu’en compagnie d’un certain Dovel Pango, l’inspecteur des finances Adolphe Muzito siégeait au parlement de transition pour le compte du PALU, est devenu une réalité. Quelques années auparavant, c’était la Lune de Miel parfaite entre l’alors jeune cadre du fisc rd congolais et le patriarche Antoine Gizenga. Lorsque l’indéracinable opposant politique au Maréchal Mobutu décide de mettre fin à un exil politique, un vrai, qui remonte aux années ’60, à la faveur de la démocratisation décrétée par le président Mobutu, c’est encore Muzito qui est au four et au moulin pour assurer un retour digne de son rang au patriarche Pende. A sa rescousse accourt un collègue qui deviendra ministre du gouvernement pour le compte du parti Gizengiste, Michel Lokola Elemba, lui aussi cadre au fisc rd congolais.
Retour d’ascenseur, aussitôt le pacte Gizenga-Joseph Kabila conclu à la fin de la transition dite du 1 + 4 et les premières élections démocratiques organisées au pays, Adolphe Muzito est récompensé avec un portefeuille des plus juteux : les finances. C’est que dans l’entretemps, comme en 1960, le parti gizengiste s’impose arbitre du second tout de l’élection présidentielle de 2006. Au 1er tour, Antoine Gizenga et son parti recueillent 2.211.280 suffrages exprimés, soit 18,06 % des votes exprimés en faveur d’une trentaine de candidats. Juste après le challenger de Joseph Kabila, (44,81 %), Jean-Pierre Bemba Gombo, crédité de quelque 20, 30 % de voix. En s’alliant à l’héritier de son vieil ami lumumbiste, Joseph Kabila, Antoine Gizenga regagne les devant de la scène politique de son pays et se voit confier, entre autres, la primature. Fonctions qu’il abandonnera quelques années plus tard … au profit d’Adolphe Muzito. Le successeur du patriarche Pende est, en effet, présenté comme son neveu, et donc son filleul de confiance.
1er ministre pour le compte du Palu et de la famille
Muzito 1er ministre, tout se passe comme dans le meilleur des mondes au PALU, ou presque. Le parti conserve ses portefeuilles importants, aux Mines et aux Finances où Kabwelulu garde le maroquin, Michel Lokola remplaçant son ancien collègue au fisc aux finances. Le parti gizengiste hérite même, durant quelques mois, du poste de vice-ministre à l’Intérieur, confié à Dovel Pango. Ce cadre du parti, réputé pour son aptitude à arranguer les foules est le même qui avait déjà représenté le Palu au parlement de transition mis en place après l’Accord politique de Sun City. Le sankurois est rétribué pour sa fidélité aux idéaux lumumbistes-gizengistes. L’espace de quelques mois.
Parce que chez les gizengistes, les responsabilités politiques sont octroyées par filiation biologique. Seuls les parents du patriarche sont assurés d’accéder et demeurer durablement en fonction. A la base, celle-là même qui a nanti le parti de 13,06 % de voix à la présidentielle 2006, ça grogne, discrètement mais avec insistance. Dans les bas-fonds des quartiers populeux de Kinshasa la capitale où se recrute l’essentiel des combattants-fanatiques du patriarche Pende, la désillusion est plus que perceptible. Le paradis promis, qui est demeuré dans les esprits à peu près le même que celui des années fastes de l’immédiat après indépendance en 1960, semble être l’affaire d’une minorité. Ici, la plupart continue de croupir dans la misère, le chômage et le sous-emploi. Le Palu n’a pas réglé les problèmes sociaux de ses millions de sexagénaires. Loin s’en faut. L’enfer a la peau dure ici, et érode lentement mais sûrement les convictions politiques.
4 ans pour puiser à pleines mains, pour soi-même
A la primature où il demeure durant 4 ans, de 2008 à février 2012, Adolphe Muzito ne s’appauvrit pas. Dans la haute ville à Kinshasa, les rumeurs sur les acquisitions, notamment immobilières de l’ancien inspecteur des finances, font rage. La plus connue d’entre elles, c’est sans doute cette concession de l’architecte belge Marcel Lafleur, en plein centre-ville de la Gombe, située entre le boulevard du 30 juin et l’avenue Lukusa. Le quartier est quasiment belge et seuls quelques privilégiés, comme Léon Kengo wa Dondo ou encore Tshiongo Tshibi Nkubula, l’ancien PDG de la Regideso, y entretiennent confortable logis ou immeuble à usage commercial. Adolphe Muzito s’est hissé à leur diapason, très haut. Trop vite. Et trop seul.
A peine parti de la primature en 2012, l’ancien 1er ministre prend, petit à petit, ses distances avec la majorité présidentielle pourtant alliée à son parti politique, et le Palu même. La fronde prend la forme de tribunes régulières que l’homme rend publiques, qui sont quasiment hostiles au gouvernement en place. Le Palu laisse faire jusqu’à ce le vase de la contestation muzitienne déborde. Plus d’une fois, Muzito est démis de ses fonctions politiques au sommet du parti gizengiste. Plus d’une fois il est réhabilité. L’homme est puissant, mais ne s’est pas allié tout le monde au sein de la classe dirigeante et familiale gizengiste. Et l’ambition qui le ronge n’arrange pas les affaires de certains dans le pré-carré du patriarche où de nouvelles figures sont propulsées sur le devant de la scène politique, au gouvernement particulièrement. Muzito gère de moins en moins autant le patriarche que son avenir politique au sein du parti. Et les élections prévues en décembre 2018 s’approchent à pas de géant. Il faut agir.
Muzito tisse des alliances politiques contre-nature, avec l’opposition politique à l’allié du Palu, la majorité présidentielle. Pire, ce cadre d’un parti de la gauche lumumbiste s’allie à d’anciens mobutistes, les ennemis jurés qui avaient contraint Antoine Gizenga à un exil politique de plus de 20 ans (la plateforme UREP, Unis pour la République, est animée notamment par Charles Bofassa Djema). Il va jusqu’à poser concurremment au patriarche sa candidature à la présidentielle 2018. Muzito contre Gizenga aux élections, le parricide est plus que traître.
J.N.