Quelques heures encore avant la révélation de l’identité du candidat du Front Commun pour le Congo à la présidentielle du 23 décembre 2018, le ton était au pessimisme absolu dans les travées de l’opposition politique et dans une partie de la communauté internationale. Dans une interview à la Libre Afrique, le 7 août 2018, Antipas Mbusa Nyamuisi déclarait que « Kabila n’organisera des élections que s’il est certain de demeurer au pouvoir lui-même ou à travers un président fantoche qui n’aura pas les mains libres ». Ajoutant que « ce Monsieur ne nous laisse pas le choix ! On doit se prendre en charge. L’article 64 de la Constitution est là pour nous pousser à réagir. On ne peut laisser un homme s’approprier le pays ».
Même son de cloche de la part de Moïse Katumbi Chapwe, le dernier gouverneur des riches provinces katangaises poursuivi et condamné par la justice de son pays pour des crimes de droit commun. Dans une vidéo largement diffusée sur les réseaux sociaux, Joseph Kabila est présenté comme « un homme qui ne veut pas la paix, un homme qui ne veut pas la démocratie dans notre pays. Un homme qui veut choisir ses candidats … ».
Depuis le milieu de l’après-midi du mercredi 8 août, le ton des uns et des autres a littéralement basculé. D’abord franchement sonnés, les médias prétendument globaux, RFI, BBC, AFP, Le Monde … ont bien dû larguer l’information du jour : Joseph Kabila Kabange ne briguera pas un troisième mandat présidentiel en RD Congo. Avant de revendiquer à travers des pages spéciales la paternité de ce qui est présenté comme un revirement consécutif aux diverses pressions exercées sur le Chef de l’Etat de ce pays de l’Afrique Centrale.
Récupération d’attentistes patentés
Dans la classe politique rd congolaise, la récupération de l’événement frôle le ridicule, en même temps qu’il révèle à quel point les acteurs politiques de l’opposition, incapables du moindre projet et de la moindre initiative politique constructive au cours des deux mandats présidentiels de Joseph Kabila, demeurent éternellement à la traîne.
C’est ainsi qu’on a pu entendre du Comité Laïc de Coordination, une nébuleuse créée par l’ambitieux Cardinal archevêque de Kinshasa pour renverser le pouvoir en place par des voies insurrectionnelles, se réjouir de la candidature d’Emmanuel Ramazani Shadary. Même si tout le monde sait que les mousquetaires du Cardinal Monsengwo préparaient activement des soulèvements conformément à un calendrier rendu public il y a quelques semaines. « La bataille est gagnée à ce stade, cependant le combat pour la démocratie continue. Beaucoup de choses restent à faire. Vous savez que la répression se poursuit, la machine à voter sans consensus est encore là, le fichier électoral n’est pas encore nettoyé selon les recommandations de la francophonie, les mesures de décrispation ne sont pas encore appliquées, etc », clamait Jonas Tshiombela, le porte-parole du groupe qui a son siège dans une paroisse catholique de Kinshasa.
Même parmi les lieutenants de Moïse Katumbi Chapwe dont le groupe devrait faire face à de sérieuses contradictions doctrinales les jours à venir, il s’est trouvé des voix pour se féliciter de la décision prise par un homme que leur mentor traitait encore de tous les noms quelques jours plus tôt. « Le peuple congolais vient de remporter une victoire historique. Pour la première fois, un peuple d’Afrique centrale est parvenu à empêcher un Chef d’Etat puissamment soutenu par les forces armées de modifier la Constitution et l’a forcé à quitter le pouvoir », écrit le juriste du groupe, Christophe Lutundula, dans un posting sur twitter.
Delly Sessanga, le secrétaire général de la plateforme électorale de l’ancien gouverneur de l’ex Katanga, assure lui aussi que « c’est par le sacrifice et le combat que nous sommes arrivés à bout de Joseph Kabila qui voulait se maintenir au pouvoir en violation de la constitution ».
Tandis que la secrétaire générale du Mouvement de Libération du Congo (MLC), Eve Bazaiba, « … félicite ardemment le peuple Congolais pour la victoire obtenue en ce jour pour le respect de la constitution. Enfin, pas de troisième mandat pour Joseph Kabila », soupire-t-elle.
Même Sindika Dokolo, le ressortissant rd congolais et époux d’Isabel Dos Santos, la fille de l’ancien Chef de l’Etat angolais Eduardo Dos Santos, a donné de la voix de la lointaine capitale angolaise, Luanda, se félicitant du fait que « la non-candidature de Kabila respecte la Constitution et renforce la démocratie … l’exclusion de certains candidats sont des urgences à résoudre ».
J.N.