Réuni à huis clos lundi 21 mai 2018, le conseil de sécurité des Nations-Unies a rendu public un communiqué qui trahit une sorte de double-jeu, selon certains observateurs de la situation politique en RD Congo à l’approche des scrutins de décembre 2018. A la demande de la France, le conseil a notamment entendu le rapport du représentant du secrétaire général de l’ONU et patron de la Monusco, l’Algérienne Leila Zerrougui. Avant d’exhorter Kinshasa à lever l’interdiction générale des manifestations publiques décidée en septembre 2016, après que des manifestations organisées à l’appel de l’opposition radicale eurent dégénéré en émeutes et provoqué mort d’hommes. Les membres du Conseil ont appelé les autorités de Kinshasa à « mettre fin aux restrictions de l’espace politique et les ont encouragées à lever l’interdiction générale des manifestations », a déclaré l’ambassadrice polonaise Joanna Wronecka, citée par des médias. Qui renseignent que quelques jours auparavant, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, avait eu des entretiens avec les autorités américaines sur la situation rd congolaise et avait, lui aussi, exhorté le gouvernement à mettre fin à l’interdiction, affirmant que cette initiative « contribuerait grandement à l’ouverture de l’espace politique ».
Il semble plutôt, selon des diplomates africains à Kinshasa, qu’une confusion est entretenue entre «ouvrir » et « pourrir » l’espace politique en RD Congo. Parce qu’il est clair que « ce que vise l’opposition politique ici ce sont des perturbations sociales de nature plutôt à compromettre l’organisation des scrutins qu’elles prétendent souhaiter », explique-t-on. « On n’appelle pas aux élections en cassant tout sur son passage, y compris du matériel électoral », renchérit-on. A Kinshasa et dans certaines agglomérations du pays, les organisateurs des manifestations publiques se sont faits comme un point d’honneur de défier les lois en vigueur et les autorités administratives locales, allant jusqu’à refuser de communiquer itinéraires et heures des manifestations publiques, lorsqu’ils ne s’abstiennent pas de s’identifier, carrément, ainsi que l’exige la législation en vigueur. Au nom de la démocratie, de la liberté de manifester et de l’ouverture des espaces publics. Et la situation a chaque fois dramatiquement dégénéré.
Derrière l’exhortation à ouvrir l’espace politique sans appeler les organisateurs des manifestations à se conformer à la loi et aux usages universellement admis en la matière, se dissimule donc, pour certains observateurs, un encouragement à peine déguisé des perturbations susceptibles de compromettre les élections en RD Congo. Double jeu d’une partie de la communauté internationale en réalité hostile aux élections dans cet immense pays au cœur du continent africain depuis les scrutins de 2011. Dans une intervention sur la radio Top Congo captée à Kinshasa, mardi 22 mai 2018, le pasteur Théodore Ngoy Mulunda révélait encore une fois les pressions subies en 2011 pour annuler les législatives et la présidentielle qui eurent lieu au mois de novembre. L’ancien président de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) a déclaré qu’«on m’avait offert 25 millions de dollars américains pour que je puisse abandonner les élections et partir », ajoutant que « la communauté internationale était opposée aux élections de 2011 ». Des propos que rend crédible le scénario ivoirien, quelques années plus tôt, où le président de la commission électorale nationale s’était opportunément exilé en Europe, provoquant un chaos que les Africains ne sont pas prêts d’oublier.
J.N.