La publication vendredi 11 mai 2018 de la liste des 599 partis politiques autorisés à fonctionner en RD Congo suscite des débats engagés. Peut-être un peu trop engagés et qui occultent des évidences dont il faut se demander s’il faut s’en plaindre ou s’en réjouir, en réalité. Comme c’est souvent le cas en RD Congo, c’est des rangs de l’opposition politique que s’élèvent des véhémentes protestations, contre la coexistence des partis politiques qui portent les mêmes dénominations, ou presque. Les cas les plus cités sont ceux de l’UDPS, dont au moins 4 dissidences sont autorisées à concourir aux prochains scrutins électoraux. En plus de l’UDPS/Kibassa, dont l’existence est officialisée depuis les deux dernières élections organisées en RD Congo, se sont ajoutées les UDPS/Tshisekedi (Félix Tshilombo), UDPS (Bruno Tshibala) et UDPS/Renové (Valentin Mubake). Une situation qui a fait se dresser les cheveux de plus d’un chez les tshisekedistes. Même parmi les plus modérés comme Corneille Mulumba qui accuse carrément le gouvernement d’avoir programmé la mort du parti en reconnaissant l’existence officielle de 4 tendances différentes. L’apparente complexité du dossier UDPS ne se limite pas à la multiplication officielle des ailes antagonistes, les UDPS/Tshisekedi et l’UDPS (Tshibala) sont quasiment logés à la même enseigne, parce qu’officiellement hébergés à la même adresse, sur le Petit Boulevard dans la commune kinoise de Limete.
Les autres récriminations autour des l’identité des dénominations tournent autour de l’Alliance pour le Renouveau du Congo (ARC), qui se voit affublée d’une jumelle, l’Alliance pour le Renouveau du Congo Originale (ARCN). Ou encore l’Avenir du Congo, légalement obligé de coexister avec l’Avenir du Congo/Banza.
De nombreuses dénominations apparentées
Les cas des dénominations qui ne se distinguent parfois que par une particule sont pourtant légion sur la liste publiée vendredi dernier et remontent à des nombreuses années, souvent. Preuve que les pouvoirs publics n’ont pu se mêler outre mesure des querelles intestines propres aux partis politiques. Sans prétendre que le travail fastidieux abattu par le ministère soit parfait, il parait néanmoins exagéré et égocentrique de rejeter l’irresponsabilité d’acteurs politiques incapables de se surpasser sur le seul gouvernement de la République. Et les UDPS ou les ARC ne sont pas seuls partis politiques affectés par cette véritable tare politique rd congolaise. « Si des personnalités politiques aussi respectables que les anciens mobutistes Mokonda Bonza et Kiakwama Kia Kiziki n’ont pu se départager autrement qu’en faisant agréer chacun sa Convention des Démocrates Chrétiens augmentée de son patronyme, que voulez-vous attendre de plus jeunes acteurs politiques du pays », rétorque au Maximum un sénateur interrogé sur cette guerre de dénominations.
Kiakwama et Mokondo ne sont pas les seuls dans ce cas, du reste. Sur la liste rendue publique subsistent bien la Convention des Démocrates Travaillistes (CDT) et la Convention des Démocrates Travaillistes Unifiés (CDTU) ; le Front Commun des Nationalistes – FCN/Me Kamanda et le Front Commun des Nationalistes – FCN/Mme Ntumba ; le Mouvement National Congolais Lumumba – MNC/L/François T’OLENGA et le Mouvement National Congolais – MNC/L Christophe Gbenye. On ne peut pas non plus passer sous silence la coexistence en toute légalité désormais du Mouvement Populaire de la Révolution « Fait Privé » – MPR fait Privé et le Mouvement Populaire de la Révolution – MPR.
Rejeter la faute sur le gouvernement, trop facile
La guerre des dénominations dissimule, en outre, une sorte d’immaturité politique qui consiste en cette véritable inflation des partis politiques que très peu de choses distinguent par ailleurs. La liste rendue publique au début du week-end dernier se présente ainsi comme un véritable défi lancé contre les abréviations et autres acronymes en usage en RD Congo et à travers le monde. Sans que cela ne paraisse gêner quiconque. Ainsi, en parcourant les abréviations des 599 partis politiques agréés en RD Congo, ne vous méprenez pas en lisant AAAAAAA. Ce n’est pas un cri, c’est l’abréviation d’”Aujourd’hui, Avançons, Assurons l’Avenir, Agissons sur l’Amont et sur l’Aval”, le parti politique n° 1 sur la liste publiée. Lorsqu’en parcourant la même liste vous tombez sur AMEN, ne vous signez pas, pas tout de suite : “Alliance « MEYA » pour l’Education Nationale” est un parti politique qui existe bel et bien. Tout comme il siéra de ne guère se méprendre sur l’ANR, “Alliance Nationale pour la République” ; elle n’est pas à confondre avec l’office national des barbouzes officiellement dénommé Agence Nationale des Renseignements, ANR. Par ailleurs, même si comme chacun le sait, l’Armée Patriotique Rwandaise, APR, n’entretient pas les meilleurs souvenirs du monde à travers les territoires de la RD Congo, un parti politique national en porte les initiales, c’est l’”Alliance des Peuples Redoutables pour la Restauration” (APR !). La liste de ces défis aux acronymes n’est pas exhaustive, parce que les inventeurs des dénominations des partis politiques rd congolais n’ont pas épargné le monde médical dans leurs investigations. Ainsi, AVC, “Autre Vision du Congo”, est bel et bien un parti politique qu’il est souhaitable de ne pas confondre avec un bénin Accident Cardio-Vasculaire (AVC). De même, dans le répertoire des partis politiques au pays de Lumumba, le FMI n’a rien à voir avec le Fonds Monétaire International. C’est “Front des Mobutistes Indépendants”, tout simplement.
J.N.