« …Nous sommes dans la vérité. Nous avons gardé la ligne historique. Et cette vérité d’ailleurs est en train de se voir. Jamais Etienne Tshisekedi n’aurait été dans un gouvernement sous le patronage de Joseph Kabila, ce qui est le cas de Monsieur Tshibala», a déclaré le nouveau président de l’Udps/Limete le 5 avril dernier sur Rfi. L’héritier Tshisekedi révèle ainsi que même en le signant, l’Udps ne s’est jamais inscrite dans la logique de l’application de l’Accord politique signé le 31 décembre 2016 au Centre interdiocésain de Kinshasa.
Invité Afrique de Christophe Boisbouvier, Félix Tshilombo s’est laissé piéger par la question : « Bruno Tshibala a été très longtemps un compagnon de votre père. Aujourd’hui, il est Premier ministre et revendique l’étiquette UDPS. Ne craignez-vous pas que, vu sa position à la tête du gouvernement, il obtienne satisfaction devant les autorités administratives et judiciaires ? ». Ce à quoi il a répondu en laissant parler son cœur plutôt que sa tête : « J’aimerais rectifier quelque chose. Cela n’a pas été un compagnon, il a été un accompagnateur. Les compagnons d’Etienne Tshisekedi sont connus. Il y en a qui sont vivants. Posez-leur la question, ils vous diront que Bruno Tshibala n’a jamais été leur compagnon. Il a toujours été dans les tribunes comme moi, à l’époque il y a 30 ans d’ici. Ce n’est que petit à petit, avec le départ de certains cadres, etc. qu’il a pu se forger une place ; ça c’est une chose. La seconde, je n’ai peur de rien parce que je sais que nous, nous sommes dans la vérité. Nous avons gardé la ligne historique. Et cette vérité d’ailleurs est en train de se voir. Jamais Etienne Tshisekedi n’aurait été dans un gouvernement sous le patronage de Joseph Kabila, ce qui est le cas de Monsieur Tshibala. Cela veut dire clairement, il a quitté notre ligne de conduite, il n’a qu’à assumer ce nouvel engagement que je respecte, c’est son problème. Maintenant, qu’il nous laisse continuer notre route, il a abandonné le combat, c’est tout »….
Ainsi, il aura fallu exactement un an, trois mois et cinq jours, du 31 décembre 2016 au 5 avril 2018, pour que l’Udps/Limete, par la voie autorisée de son nouveau président, révèle qu’il n’a jamais été question pour ce parti de participer à un gouvernement tant que Joseph Kabila serait le président de la République.
Pendant que l’Occident, et des organisations internationales fagocytables comme les Nations Unies, l’Union européenne, l’Organisation internationale de la francophonie, mais aussi les pays euro-américains comme les Etats-Unis, le Canada, la France, la Belgique, l’Allemagne, la Grande-Bretagne etc. ont passé ces quinze derniers mois à faire pression sur le Président de la République, le Parlement, le Gouvernement de la RD Congo, et même la CENI et le CSAC en vue de l’application de l’Accord dit de la Saint Sylvestre, en ce qu’il stipule que la primature soit confiée à l’opposition dite radicale, les Udépésiens ne l’entendaient pas de cette oreille. Ils ont pourtant, plus d’une fois, invité le congolais lambda à battre le pavé contre le pouvoir en place pour réclamer l’application d’un accord qu’ils n’entendaient nullement respecter eux-mêmes.
Ainsi, la CENCO – qui a tenté de consacrer ledit accord comme instrument international aux Nations Unies en mars 2017 – suivi quelques mois plus tard le Comité Laïc de Coordination (CLC), ont amplement « diabolisé » et fait « diaboliser » la majorité au pouvoir en RD Congo et son autorité morale pour non-respect du même accord, alors que le principal bénéficiaire des concessions convenues n’en voulait guère.
Oui pour la CENI, non pour le Gouvernement
L’ennui est que, tout en ne voulant pas du principal acquis de l’Accord arraché aux acteurs politiques tard dans la nuit du 31 décembre 2016, l’Udps n’en a pas moins continuellement exercé les pressions de son cru que sont les manifestations publiques, la diabolisation, la désinformation, la manipulation. Obtenant ainsi par ces stratagèmes qui lui réussissent depuis les années 1990, la victimisation, le soutien des forces politiques et diplomatiques qui comptent dans la gestion de l’enjeu démocratique hier au Zaïre, aujourd’hui en RD Congo. Peu importe que des compatriotes aient mortellement subi les effets pervers de cette politique qui implique que la fin justifie les moyens.
En réalité, cette stratégie d’auto-exclusion pratiquée par l’UDPS/Tshisekedi ne date pas d’hier. Au sortir du Dialogue intercongolais de Sun City en Afrique du Sud, le parti d’Etienne Tshisekedi s’était exclu de la «Transition 1+4» entre juin 2003 et décembre 2006 au motif que Joseph Kabila ne voulait pas d’Etienne Tshisekedi. Une bonne partie de l’opinion y avait cru. Mais les observateurs avertis savaient ce qu’il en était : de l’auto-exclusion. Dans une interview au journal Le Potentiel n° 3193 du 9 août 2004, Valentin Mubake Nombi, alors tout puissant conseiller politique du lider maximo, affirmait que «…quand nous sommes arrivés à Sun City, nous nous sommes battus non pour avoir des postes, mais pour l’avènement de ce cadre juridico-politique. (…) Nous avons même été plus loin : les différents postes réservés à l’Udps au gouvernement, à l’Assemblée nationale et au Sénat, nous les avons cédés à ceux qui en voulaient. Nous, ce n’est pas le poste ».
Mais, quelques années plus tard, dans le cadre des élections présidentielle et législatives du 28 novembre 2011, le parti de Limete avait fait de cette auto-exclusion un des thèmes majeurs de sa campagne électorale. A l’heure de vérité, le résultat de cette sorte de politique de l’autruche fut un échec électoral suivi de la contestation de la vérité des urnes. Par la suite, l’UDPS conforta cette stratégie d’auto-exclusion en décrétant … l’exclusion des premiers députés nationaux élus de ce parti en 29 ans de lutte politique à l’installation de l’actuelle Assemblée nationale. Ces élus du peuple se constitueront en groupe parlementaire «Udps et Alliés» dont est issu le rapporteur actuel de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) Jean-Pierre Kalamba, aujourd’hui contraint à la démission pour permettre à Félix Tshilombo Tshisekedi de désigner un remplaçant de l’obédience de ceux qui s’étaient auto-exclus, sous prétexte d’application d’un accord auquel ils ne croient que de manière sélective.
Dans cette logique, en effet, l’Accord dit de la Saint Sylvestre serait applicable en ce qui concerne ses recommandations relatives à la CENI, pas en ce qui concerne le gouvernement. Ici, les tshisekedistes ne se voient pas composer avec Joseph Kabila au sein d’un gouvernement. Même si les questions aussi essentielles que le financement et la sécurisation des élections relèvent des prérogatives gouvernementales.
Pitié, pitié, pitié…
Pitié donc pour le Rassemblement des Forces politiques et sociales acquises au changement (RASSOP), et principalement pour Pierre Lumbi. Le président du G7 s’était totalement investi dans la désignation Félix Antoine Tshilombo en qualité de Premier ministre.
Pitié pour la CENCO (Conférence Nationale Episcopale du Congo) qui a battu campagne étranger en faveur de l’application intégrale et stricte de l’Accord du 31 décembre 2016, principalement en ce qui concerne la cession de la primature à l’opposition dite radicale.
Pitié également pour les partenaires extérieurs bilatéraux et multilatéraux qui, à l’initiative de la CENCO, ont consacré les résolutions de ce dialogue comme instrument international. De Nikki Haley à Cécile Kyenge en passant par Thomas Pierrelo, Didier Reynders et autres Arena Maria, quelle déconvenue !
Pitié surtout à le cardinal-archevêque de Kinshasa, Laurent Monsengwo, qui a cru se rattraper via l’Accord du 31 décembre 2016, de la «trahison» de 1994 qui avait ouvert une 3ème voie disqualifiant les schémas Conférence nationale souveraine (CNS) et Conclave politique de Kinshasa (CPK) au profit des Accords du Palais du Peuple qui ramenèrent son ami Léon Kengo wa Dondo à la primature. Près d’un quart de siècle plus tard, Félix Tshilombo a subtilement fait semblant de jouer le jeu des prélats catholiques tout en sachant qu’il ne participerait jamais à la cogestion de la période tampon précédant la tenue des élections, et peut-être même pas à ces fameuses élections.
Pitié, singulièrement, pour les membres du CLC autant que pour ces «martyrs » des appels à exiger l’application de l’Accord de la Saint Sylvestre», qui se rendent compte à leurs dépens combien ils ont été littéralement bernés par Félix Antoine Tshilombo, successeur digne de son père qui, de son vivant, avait aussi littéralement trompé la communauté nationale et internationale, de même que les combattants.
Le mérite de l’interview de Fils Etienne Tshisekedi à Rfi est de révéler la nature véritable du candidat à la présidentielle voté à main levée au cours d’un congrès controversé. L’homme a mis K.O. l’Accord de la Saint Sylvestre !
Omer Nsongo die Lema avec Le Maximum