Le recours à la machine à voter pour les élections prévues le 23 décembre 2018 fait couler beaucoup d’encre dans la classe politique congolaise. Les partis de la majorité présidentielle ne jurent que par elle, alors que les opposants n’y voient qu’un instrument de tricherie électorale, allant jusqu’à la qualifier de « machine à frauder ». Peut-on faire confiance à cette machine ? Sommes-nous obligés d’y recourir pour mieux organiser les élections ?
Contacté à ce sujet, Paul Ndiaye, expert sénégalais en matière électorale, nous donne cinq bonnes raisons d’utiliser la machine à voter. L’expert sénégalais était venu à Kinshasa en février dernier dans le cadre d’une formation sur le traitement de l’information électorale.
La machine à voter est différente du vote électronique
D’entrée de jeu, Paul Ndiaye définit cette machine comme étant un « ordinateur à écran tactile permettant à l’électeur de faire son choix sur écran et non sur un bulletin pré-imprimé en papier ». Cette machine est dotée d’une imprimante qui permet l’impression du bulletin portant les choix de l’électeur après qu’il ait terminé son vote.
Concrètement en cas de vote, plutôt que de cocher son choix sur un bulletin papier pré-imprimé, l’électeur fait son choix sur écran tactile, et la machine imprime le bulletin de vote papier, qui est introduit dans l’urne par l’électeur. Ceci est différent du vote électronique qui, selon Paul, est « un système de vote dématérialisé, car ne fournissant pas de trace papier, avec un comptage des voix automatisé ».
1 – La machine à voter réduit le coût des élections
Vous vous souviendrez que lors des élections précédentes (2006-2011), la Céni était obligée d’importer des bulletins de vote pré-imprimés. Avec la machine à voter, la Ceni va économiser près de 200 millions de dollars car il n’y aura pas de bulletins pré-imprimés à transporter des pays étrangers vers la RDC, ni de Kinshasa vers les provinces. Le volume et le poids des bulletins à transporter est en outre réduit, en raison de la réduction de la taille du bulletin qui est adaptée à la machine à voter.
2 – Le comptage des bulletins est à la fois manuel et automatique
Le comptage des bulletins de vote faisait partie de ces autres éléments à problème lors des élections précédentes. Selon l’expert Paul Ndiaye, le comptage sera manuel (décompte des bulletins insérés dans l’urne) et automatique (décompte fait par la machine qui compile les votes effectués), ce qui permet de comparer les résultats issus des urnes et ceux imprimés par la machine. Cela peut réduire la fraude électorale.
En même temps, les témoins disposent, à la clôture du scrutin, des procès-verbaux des dépouillements automatiquement imprimés par la machine pour chaque bureau de vote. « Cette facilité d’accès aux résultats contribue à renforcer la fiabilité et la transparence de la procédure de vote », souligne l’expert.
3 – Rapidité dans la transmission des résultat
Non seulement la transmission des résultats est plus rapide avec la machine à voter, mais elle est aussi sécurisée grâce au modem Thurayaou au V-SAT. Le risque de piratage de données transmises est aussi écarté car la Céni est sur un réseau Intranet (fermé) et non Internet, a expliqué Paul Ndiaye.
Les résultats sont donc transmis à la fois aux Centres locaux de compilation des résultats (CLCR) et au siège de la Céni à Kinshasa. Ce qui a pour conséquence la réduction de la période de proclamation des résultats.
4 – Utilisation multiple des mêmes machines
Contrairement à ce que l’on a connu en 2006 et 2011, les machines à voter peuvent servir pour plusieurs cycles électoraux après leur première utilisation. Les Congolais peuvent ainsi rêver de continuer avec le processus électoral après les scrutins présidentiels et législatifs. Ce qui n’a pas été le cas lors des élections de 2006 et 2011.
5 – Utilisation adaptée aux masses analphabètes
La machine à voter est facile à utiliser même par la population non alphabétisée. Celle-ci fait un choix basé sur les photos des candidats en compétition, car ces photos sont intégrées dans la machine.
Si la machine à voter continue de souffrir d’une crise de confiance et d’un manque de crédibilité dans l’opinion congolaise, il revient à la Céni, suggère Paul, d’organiser le plus de démonstrations possibles pour l’ensemble de ses partenaires et des Congolais, en recourant notamment – au-delà des médias classiques – aux réseaux sociaux afin de susciter un dialogue citoyen serein et politique sur la crédibilité à accorder à cette machine à voter.
AVEC AGENCES