C’est au plus fort de l’idylle avec Moïse Katumbi Chapwe, au mois d’août 2016, que feu Etienne Tshisekedi wa Mulumba s’impose une entorse aux principes géopolitiques qui présidaient au fonctionnement de l’UDPS jusque-là. Contrairement aux habitudes consacrées, qui faisaient du secrétariat général de son parti une affaire des originaires de la province du Kongo Central, le vieux surprend en nommant Jean-Marc Kabund a Kabund, en remplacement de Bruno Mavungu qui, lui, avait pris la place de Phongo, un autre Ne Kongo.
La nomination du nouveau secrétaire général, un originaire de l’ancienne province du Kasai Oriental comme lui-même (Jean-Marc Kabund est d’une petite tribu, les Kanyok, frontalière de l’ex province du Katanga) sanctionne un virage à 90°. A l’instigation des libéraux belges et de Moïse Katumbi, Etienne Tshisekedi crache sur les négociations en vue de l’organisation du dialogue politique national pour préparer l’organisation des élections apaisées et transparentes, engagées avec la majorité depuis plusieurs mois. Exit donc Bruno Mavungu, dont le péché fut d’avoir été associé par Etienne Tshisekedi lui-même à ces négociations qui se sont tenus dans le plus grand secret dans certaines villes européennes. Le nouveau secrétaire général, un obscur président de l’UDPS/Haut-Lomami où il avait réussi l’organisation de l’une ou l’autre manifestation publique, a la particularité d’être un proche de Moïse Katumbi Chapwe. Le candidat à la candidature à la prochaine présidentielle, qui ne cache plus son intention d’accéder au ‘top job’ par le raccourci des manifestations de rue place ainsi un pion important au cœur du dispositif de son nouvel allié. Jean-Marc Kabund reçoit ainsi mission de « … redynamiser l’exécutif national du parti en l’adaptant aux enjeux politiques de l’heure », selon les termes du communiqué qui annonce sa nomination par le ‘lider maximo’.
Les enjeux politiques de l’heure, c’est la pression et les actions de rue dans lesquelles les nouveaux alliés d’Etienne Tshisekedi le poussent dès ce second semestre 2016. Le décès du président de l’UDPS en février 2017 propulse son fils, Félix Tshilombo Tshisekedi, au sommet du parti aux côtés de Jean-Marc Kabund. Certes, l’accaparant allié de l’UDPS est pour beaucoup dans cette ascension fulgurante du fils Tshisekedi qui a le don de décourager et d’éloigner nombre des fidèles compagnons de lutte de feu le ‘lider maximo’. Moïse Katumbi a besoin d’un représentant de l’UDPS qui, en postulant à la primature, lui laisse la voie libre vers la candidature à la présidentielle. C’est l’affaire du candidat 1er ministre issu du Rassop (Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement) grâce à laquelle l’ancien gouverneur de l’ex Katanga réussira l’exploit de diviser l’UDPS en trois ailes opposées.
Au sein de l’UDPS/Limete dirigée par le tandem Kabund – Félix Tshilombo Tshisekedi, tout semblait marcher comme sur des roulettes jusqu’à ce que le secrétaire général se mette à communiquer à tout-va et à distribuer des cartons rouges à tout ce qui bouge. Jusqu’à ce que le week-end dernier, il dénonce la nouvelle alliance conclue par son comparse, Félix Tshilombo, avec Vital Kamehre (UNC) et Eve Bazaiba (MLC). « J’ai fait savoir à Félix que je n’étais pas d’accord avec son accord avec Vital Kamerhe », a tonné le secrétaire général de l’UDPS/Limete sur les ondes de Top Congo FM. Avant de dénoncer, carrément la démarche de Tshilombo : « Je n’étais pas informé ni de loin ni de près de tout ce qui s’est passé. C’est la position de l’ensemble de notre base », a assuré Jean Marc Kabund.
Ces propos peu amènes du secrétaire général de l’UDPS/Limete sont essentiellement dus à la présence dans l’alliance conclue par Félix de Vital Kamehre. Le président de l’UNC n’est pas bien vu chez les radicaux de l’opposition, qui lui reprochent une inconstance caractéristique. « Kamerhe est parmi les gens qui ont dévoyé l’Accord de la Saint-Sylvestre. En signant avec le MLC l’Arrangement particulier au Palais du Peuple, Vital Kamerhe avait craché sur nous tous », rappelle à ce propos Jean Marc Kabund. En fait, l’UNC avait aussi craché sur Moïse Katumbi qui espérait bloquer la machine de la nomination du futur 1er ministre, et ça, le secrétaire général katumbiste de l’UDPS/Limete ne semble pas prêt de l’oublier.
Dans une interview à un confrère en ligne, le 16 mars 2018, Kabund a Kabund a enfoncé le clou : « Félix Tshisekedi n’engage pas le parti, c’est plutôt à moi de le faire », explique-t-il dans ce qui apparaît aux yeux de certains comme un véritable crime de lèse-héritage biologique dans l’aile « messianique » du parti de la 10ème rue, Limete. Par ailleurs, le secrétaire général de l’UDPS/Limete, se demande si le processus électoral est sérieux et crédible. Il reproche aux signataires de la déclaration du 15 mars 2018 de « marcher sur la mémoire des victimes des manifestations » auxquelles les radicaux et certains ténors de l’église catholique ont appelé ces derniers mois. Mais sans doute surtout, de n’avoir fait aucune allusion à Moïse Katumbi Chapwe, placé à la tête d’une nouvelle plateforme quelques jours auparavant. La déclaration commune signée par l’UNC de Vital Kamerhe, le MLC de Jean-Pierre Bemba et l’UDPS/Limete représentée par Félix Tshisekedi proclamait en effet la détermination des trois partis politiques à aller aux élections cette année ainsi que leur ouverture « à toutes les forces politiques significatives qui veulent les rejoindre pour l’avènement de l’alternance politique en décembre 2018 ». C’en était certainement trop pour le gardien du temple katumbiste au sein du parti tshisekediste, qui a décidé de tenter son va-tout pour essayer d’arrêter cette « dérive » de Félix Tshilombo avant qu’il n’engage le parti plus loin des rives dessinées de son mentor.
J.N.