Malgré les pressions et les menaces à peine voilées de la « haute finance internationale », la loi qui augmentera les recettes minières de 400 millions à 2 milliards USD pour le Trésor sera promulguée.
Annoncée pour mardi 6 mars 2018, le rendez-vous sollicité par les patrons de l’industrie minière mondiale auprès du Président de la RD Congo a été reporté de 24, et s’est tenu. De 14 heures à 22 heures, mercredi 7 mars 2018, Joseph Kabila, entouré notamment du ministre des Mines, Martin Kabwelulu, du président de la Fédération des Entreprises du Congo, Albert Yuma, de son directeur de cabinet, Néhémie Mwilanya, a fait face aux géants de l’industrie minière. Presque tous ont effectué le déplacement du Palais de la Nation : Mark Bristow (Rangold Resources), Kalidas Madhavpeddi (CMOC International), Ivan Glasenberg (Glencore), Srinivasan Venkatakrishnan (Anglo Gold Ashanti), Lars-Eric Johansson (Ivanohe Mines), Qixue Fang (Gold Moutain International/Zijin Mining Group) et Mark Davis (MGG Limited). Huit heures de discussions n’ont pas réussi à faire plier Joseph Kabila : le code minier dicté par les institutions de Bretton Woods et promulgué en 2003 sera remplacé par le nouveau code adopté par les deux chambres du parlement. “Sans modification”, a expliqué à la presse Martin Kabwelulu à l’issue de la rencontre. Point barre. Les préoccupations des miniers « seront pris en compte à travers un dialogue constructif avec le Gouvernement après la promulgation de la loi minière en vue de trouver un terrain d’entente sur les problèmes spécifiques soulevés à la suite de l’abrogation de l’ancienne loi », indique le communiqué final bilingue (anglais et français) rendu public mercredi dernier.
Deuxième indépendance de la RD Congo
Coup double donc pour un Joseph Kabila agressé de toutes parts en raison principalement des ressources minières qui détermineront l’avenir de l’économie mondiale : le Président de la République a confirmé son engagement à assurer ce qu’on appelle la deuxième indépendance de la RD Congo (l’indépendance économique), en même temps qu’il esquivé le piège du non-respect du principe de la séparation des pouvoirs, le texte du nouveau code minier ayant déjà été formellement adopté par les deux chambres du parlement (Encore que la constitution lui permette de solliciter une seconde lecture d’un texte voté par les deux chambres parlementaires !).
En RD Congo, la production cuprifère par exemple, est passée de 400.000 à 1 million de tonnes depuis quelques années, sans que cela ne se ressente dans le quotidien du rd congolais moyen. Faute à une loi minière qui, tout le monde le sait, a fait la part belle aux exploitants miniers. La loi en attente de promulgation portera les recettes minières de 800.000 millions à 2 milliards USD, assurait encore le week-end dernier, Néhémie Mwilanya, le Dircab du cabinet du Président de la République. Dans la pratique, et à ce contre-quoi se dressaient les exploitants miniers, elle revoie à la haute le taux des royalties qui passe de 2 à 3,5 % pour les minerais classiques (cuivre, or), et surtout de 2 à 10 % pour les minerais stratégiques comme le cobalt. La nouvelle loi minière stipule également qu’une taxe de 50 % sera désormais levée sur les profits exceptionnels, c’est-à-dire, les profits supérieurs de 25 % au business plan présenté au démarrage de l’activité minière. De même que la participation gratuite de l’Etat dans les entreprises d’exploitation minière passe de 5 à 10 % et augmentera de 5 % supplémentaire à chaque renouvellement de permis. C’est le nerf de la guerre des minerais, et principalement du cobalt, qui après les guerres du cuivre (1960) et du coltan (2000), sévit déjà en RD Congo de l’avis des observateurs des joutes économiques planétaires.
Contre vents et marrées
A Indaba dans la province Sud-Africaine du Cap où se réunissait début février comme chaque année le gotha mondial des exploitants miniers, le débat sur la révision du Code minier de la RD Congo est revenu à l’avant-plan alors que la quasi-totalité d’Etats du continent qui dispose du plus petit carré minier a revu ses dispositions légales en la matière sans s’attirer la moindre foudre de guerre. Au propre comme au figuré. C’est Mark Bristow, le patron de Kibali Gold Mines, une filiale de Rangold Ressource qui exploite l’or à Durba dans la province du Haut-Uélé, qui a lancé la salve antigouvernementale la plus menaçante, le 7 février dernier. En faisant état de « graves conséquences » qui découleraient d’un code minier « inconsidéré » et en se déclarant prêt à faire appel à l’arbitrage international pour trancher sur ce dossier. « Tout ce que nous et d’autres sociétés avons construit est mis en péril », avait déclaré Bristow. Quelques jours plus tard, Rangold Resources Ltd et Glencore Plc se regroupaient pour tenter d’arrêter les réformes fiscales adoptées au parlement rd congolais. China Moybdenum Co., Ivanhoe Mines Ltd, MMG Ltd., Zijin Mining Group Co., et AngloGold Ashanti Ltd se sont joints aux deux géants de l’industrie minière pour créer une association des grandes sociétés minières de la RD Congo à l’intérieur de la Fédération des Entreprises du Congo (FEC). « L’environnement minier en RDC doit être amélioré, mais amélioré en consultation avec les principaux investisseurs, qui sont China Molybdenum, Glencore et nous-mêmes », fulminait Mark Bristow le 5 février 2018 à Indaba. Niet, selon Albert Yuma, le président de la FEC : « Le marché imagine que « le futur du cobalt est entre les mains de Glencore, Trafigura et CMOC et non du Congo ou de la Gécamines. Nous voulons légitimement contrôler le marché du cobalt parce qu’il est à nous », répliquait-il vertement. Mercredi dernier, Joseph Kabila a tranché. La loi qui permet à la RD Congo de contrôler ce marché sera promulguée.
Le Chef de l’Etat rd congolais n’empiètera pas non plus la procédure légale d’adoption d’une loi. Le nouveau code minier adopté fin janvier 2018 par les deux chambres parlementaires après d’intenses débats et discussions ne sera pas renvoyé au parlement. Pas parce que de puissants et potentiellement malfaisants miniers en ont ainsi décidé.
J.N.