En France, en Belgique, en Suisse et au Canada (Québec), les lois s’appliquant aux manifestations publiques soumettent les organisateurs à l’obligation d’une déclaration préalable indiquant le but, le lieu, la date, l’heure et l’itinéraire à communiquer impérativement aux autorités municipales ou à la police… Curieusement, les mêmes pays font faire aux Congolais l’exception !
Qu’il y ait eu deux morts ou plus, une cinquantaine de blessés ou moins, une centaine d’arrestations ou davantage est sans importance. Il s’agit de victimes gratuites d’une politisation fondée sur la manipulation, l’intoxication et la désinformation. Ce qui est surtout choquant, c’est de voir la Cenco – sans être l’organisateur de la Marche du 25 février 2018 – se substituer au Clc pour brandir le bilan pendant que l’organisateur véritable se contente de publier un énième communiqué confirmant le choix délibéré de la confrontation avec l’Autorité établie. Evidemment, le Clc prend des ailes avec le soutien extérieur. Pourtant, il suffit de consulter les textes légaux de certains pays européens et américains pour découvrir que les manifestations publiques s’organisent autrement sous leurs cieux. Tenez !
SUISSE
Commençons par la Suisse. La loi sur les manifestations sur le domaine public – LMDPu-F3 10 – du 26 juin 2008 entrée en vigueur le 1er novembre 2008 prévoit à son article 3 le principe d’autorisation de manifestation. «L’organisation d’une manifestation sur le domaine public est soumise à une autorisation délivrée par le département de la sécurité et de l’économie», y lit-on.
Consacré effectivement à la procédure d’autorisation, l’article 4 dispose à son alinéa 1 que «Les demandes d’autorisation doivent être présentées au département par une ou plusieurs personnes physiques, majeures, soit à titre individuel, soit en qualité de représentant autorisé d’une personne morale, dans un délai fixé par voie de règlement». L’alinéa 2 poursuit : «Le Conseil d’Etat définit dans le règlement le contenu de la demande d’autorisation». Et l’alinéa 3 : «Si la demande ne respecte pas les exigences fixées par le règlement, un bref délai est imparti au requérant pour s’y conformer. A défaut, la demande peut être refusée». L’alinéa 4 ajoute : «Le département peut percevoir un émolument par autorisation» (eh oui !). Tandis que l’alinéa 5 déclare : «Le bénéficiaire de l’autorisation ou une personne responsable désignée par lui est tenu de se tenir à la disposition de la police pendant toute la manifestation et de se conformer à ses injonctions».
C’est à l’article 5 portant sur la délivrance, les conditions et le refus de l’autorisation, que les choses sont claires. Ainsi, selon :
– l’alinéa 1 : «Lorsqu’il est saisi d’une demande d’autorisation, le département évalue l’ensemble des intérêts touchés, et notamment le danger que la manifestation sollicitée pourrait faire courir à l’ordre public. Le département se fonde notamment sur les indications contenues dans la demande d’autorisation, sur les expériences passées et sur la corrélation qui existe entre le thème de la manifestation sollicitée et les troubles possibles» ;
– l’alinéa 2 : «Lorsqu’il délivre l’autorisation, le département fixe les modalités, charges et conditions de la manifestation en tenant compte de la demande d’autorisation et des intérêts privés et publics en présence. Il détermine en particulier le lieu ou l’itinéraire de la manifestation ainsi que la date et l’heure du début et de fin prévues de celle-ci» ;
– l’alinéa 3 : «A cet effet, le département s’assure notamment que l’itinéraire n’engendre pas de risque disproportionné pour les personnes et les biens et permet l’intervention de la police et de ses moyens sur tout le parcours. Il peut prescrire que la manifestation se tient en un lieu déterminé, sans déplacement» ;
– l’alinéa 4 : «Lorsque cette mesure paraît propre à limiter les risque d’atteinte à l’ordre public, le département impose au requérant la mise en place d’un service d’ordre. L’ampleur du service d’ordre est proportionnée au risque d’atteinte à l’ordre public. Le département s’assure avant la manifestation de la capacité du requérant à remplir la charge. Le service d’ordre est tenu de collaborer avec la police et de se conformer à ses injonctions» ;
– l’alinéa 5 : «Lorsque la pose de conditions ou charges ne permet pas d’assurer le respect de l’ordre public ou d’éviter une atteinte disproportionnée à d’autres intérêts, le département refuse l’autorisation de manifester» et l’alinéa 6 tranche : «Le département peut modifier ou retirer son autorisation en cas de circonstances nouvelles».
CANADA (Québec)
Au Québec, pour tenir une marche ou une manifestation, les textes légaux indiquent que «Toute marche ou manifestation organisée sur le territoire de la ville de Québec est encadrée notamment par l’article 19.2. du règlement sur la paix et le bon ordre, R.V.Q. 1091».
Les obligations à respecter lors de la tenue d’une marche ou d’une manifestation consistent à «- informer le Service de police de la Ville de Québec, via le formulaire (PDF : 55 ko), de l’heure et du lieu de la manifestation et de l’itinéraire si une marche est organisée ; – respecter l’heure, le lieu et l’itinéraire tel que remis au Service de police, – respecter les lois et les règlements en vigueur».
L’article 19.2. précise qu’«Il est interdit à une personne de tenir ou de participer à une manifestation illégale sur le domaine public. Une manifestation est illégale dès que l’une des situations suivantes prévaut : 1. La direction du Service de police de la Ville de Québec n’a pas été informée de l’heure ou de l’itinéraire de la manifestation ; 2. L’heure, le lieu ou l’itinéraire de la manifestation dont a été informé le Service de police n’est pas respecté ; 3. Des actes de violence ou de vandalisme sont commis».
FRANCE
«En France, depuis le décret-loi du 23 octobre 1935, les manifestations sur la voie publique sont soumises à l’obligation d’une déclaration préalable indiquant le but de la manifestation, le lieu, la date et l’heure du rassemblement et l’itinéraire projeté», lit-on. Le texte poursuit : «Les autorités peuvent demander aux organisateurs des modifications de parcours ou d’horaire. Elles peuvent interdire une manifestation si elles la jugent de nature à troubler l’ordre public ou si ses mots d’ordre sont contraires à la loi, mais ces interdictions sont rares» et «Toujours en France, en vertu de l’article 431-3 du Code Pénal, ‘’Tout rassemblement de personnes sur la voie publique ou dans un lieu public susceptible de porter atteinte à l’ordre public (…) peut être dissipé par la force publique’après les sommations d’usage».
Il y a surtout ce passage : «Appeler à une manifestation interdite est considéré comme un délit».
Les textes légaux français livrent une panoplie d’initiatives pouvant désigner les manifestations politiques, à savoir l’«amélioration des conditions de vie, souvent à l’appel des syndicats, ou à l’occasion de grèves», la «protestation contre la brutalité policière», la «protestation contre une loi, un décret, une réforme», la «protestation contre une fermeture d’usine ou contre des licenciements jugés abusifs», les «revendications politiques (exemple : lutte contre le racisme, le sexisme, ou pour la démission d’un gouvernement)», les «manifestations pour la paix et contre la guerre»
BELGIQUE
En Belgique, il est question de «manifestations revendicatives». «Les manifestations à caractère revendicatif doivent faire l’objet d’une autorisation. Selon le règlement général de police (art. 43), ‘tout rassemblement, manifestation ou cortège, de quelque nature que ce soit, sur l’espace public ou dans les galeries et passages établis sur assiette privée, accessibles au public, est subordonné à l’autorisation du bourgmestre».
Aussi, est-il demandé à l’organisateur d’une manifestation pareille d’«adresser une demande d’autorisation écrite à la police de la zone Bruxelles Capitale Ixelles. C’est sur la base de cette demande visée par les services de la police que le bourgmestre autorisera ou non cette manifestation».
Cette demande est à adresser «par écrit ou par e-mail à la police au moins 10 jours ouvrables avant la date prévue pour la manifestation» et «devra donc absolument comporter les éléments d’information suivants : «le nom, adresse et numéro de téléphone (en Belgique) de l’organisateur ou des organisateurs », «l’objet de l’événement», «la date et l’heure prévues pour le rassemblement », «l’itinéraire projeté», «le lieu et l’heure prévus pour la fin de l’événement et, le cas échéant, la dislocation du cortège», «Le cas échéant, la tenue d’un meeting à la fin de l’événement», «L’évaluation du nombre de participants et les moyens de transport prévus» et «les mesures d’ordre prévues par les organisateurs».
Et les textes légaux précisent : «A défaut de respecter les conditions fixées dans l’autorisation délivrée par le bourgmestre, celui-ci pourra retirer l’autorisation». D’ailleurs, un espace et un jour de semaine sont exclus de tout programme de manifestations à Bruxelles : Grande-Place ou dans les rues qui y aboutissent et samedi dans certaines parties de la ville. Bien plus, y lit-on, «Sauf autorisation, il est interdit de se dissimuler le visage sur l’espace public par des grimaces, le port d’un masque ou tout autre moyen» !
Ce qui a tout d’une discrimination…
L’enseignement à tirer de ces exemples est que les quatre pays occidentaux cités dans cette analyse ne transigent pas sur les exigences fondamentales que sont le but, le lieu, la date, l’heure et l’itinéraire des manifestations ou des réunions publiques.
Or, en prenant le cas des marches initiées par le Clc (hier sous l’autorité de l’archevêque de Kinshasa, le cardinal Laurent Monsengwo, aujourd’hui sous celle apparemment de l’abbé Donatien Nshole, secrétaire général de la Cenco, que du président, Mgr Marcel Utembi), on réalise que :
– le but est en soit discutable (application intégrale de l’Accord de la Saint Sylvestre, tenue des élections le 23 décembre 2018, déclaration solennelle du Président de la République de ne pas être candidat à sa succession, lutte contre la dictature, libération du peuple etc.),
– la date est indiquée ;
– si l’heure du début de la marche est connue, celle de fin ne l’est pas,
– et, surtout, le lieu de chute et l’itinéraire sont simplement tus !
En Occident – démonstration vient d’en être faite – l’absence de l’un de ces éléments est un motif suffisant d’annulation de la manifestation. Mais pour RDC, curieusement, ce motif n’en est pas un à ses yeux.
Notons seulement qu’une bonne partie de l’élite congolaise donne sa caution à cette discrimination.
Qui alors assume la responsabilité de toutes ces victimes ?
Bien entendu, et hélas !, les victimes, elles-mêmes…
Omer Nsongo die Lema avec Le Maximum