C’est un « tweet » en kiswahili d’un prêtre de l’Est qui a mis la puce à l’oreille de nos limiers : lors de son dernier séjour dans la capitale belge, le Cardinal Laurent Monsengwo se serait vu offrir un pactole de 25 millions d’euros pour mettre le feu aux poudres dans son pays, la RDC, ce qu’une opposition radicalisée orpheline depuis la disparition de son ‘lider maximo’ Etienne Tshisekedi peinait à faire. Peu d’analystes avaient fait foi à cette révélation pourtant de bonne source, tant elle paraissait énorme… jusqu’à ce que Didier Reynders et Alexander De Croo, deux des principaux ministres de la coalition au pouvoir dans l’ancienne métropole coloniale annoncent le plus sérieusement du monde que le gouvernement belge venait de décider de « punir » le gouvernement congolais de ses violations des droits de l’homme lors de la manifestation ratée du 31 décembre 2017 en le privant d’un fonds de 25 millions d’euros préalablement destiné à l’aide publique au développement pour le confier à des structures non gouvernementales. A voir l’inhabituelle agitation autour du flop que fut la fameuse marche annoncée par un Comité Laïc de Coordination et récupérée après coup par le cardinal archevêque de Kinshasa, il ne faut pas être sorcier pour débusquer qui se cache derrière ces fameuses « structures non gouvernementales » cooptées par le duo des néo-libéraux au pouvoir en Belgique pour se substituer aux représentants légitimes en place du peuple congolais.
Comme en 1960, un putsch plutôt que des élections
Oubliées les belles promesses faites il y a peu par le chef de la diplomatie belge qui, parlant des projets de son pays dans son ancienne colonie, avait promis de se focaliser dans l’accompagnement du processus électoral. « Ce qui nous intéresse, ce n’est pas soutenir un courant politique ou un autre », avait-il claironné en réponse à la bouderie des autorités en place qui avaient séché la cérémonie d’inauguration de l’imposante ambassade belge construite boulevard du 30 juin à Kinshasa. Avant d’ajouter « Nous n’avons pas de candidat ou de candidate à présenter et à soutenir, nous avons simplement un processus démocratique à soutenir ».
Les dernières évolutions politiques à Kinshasa en particulier et en RD Congo en général apportent leur lot d’indications sur les enjeux réels qui se nouent et se dénouent en Belgique autour de ce pays géant de l’Afrique Centrale. Et sur la dernière rencontre à Bruxelles des radicaux de l’opposition congolais qui n’en sont pas à leur premier forum du genre.
Le 15 décembre dernier, c’est l’Américain Tom Periello ex. envoyé spécial Grands Lacs de l’ancienne administration dont les relations exécrables avec le régime Kabila sont un secret de polichinelle, qui y a réussi la passe d’arme d’imposer le retour parmi les extrémistes anti-Kabila de l’UNC Vital Kamerhe. Les Kamitatu, Lungwana, Mbungani, Mbusa Nyamuisi, Félix Tshilombo et leur gourou Moïse Katumbi ont consenti à taire momentanément leurs ambitions personnelles pour se conformer à la stratégie de l’union dictée par leurs mentors. Peine perdue semble-t-il car aussitôt les brèches colmatées, les dissensions sont de nouveau apparues avec la lettre assassine de Pierre Lumbi sommant Tshilombo Tshisekedi de convoquer le Rassemblement pour « un entendement commun » de la stratégie à suivre pour rendre effective la stratégie de « transition sans Kabila » sur laquelle des sérieuses divergences s’observent au sein du Rassop/Limete.
Tout semble indiquer que la grande question est celle de s’aligner ou non derrière les oukases des pères spirituels des radicaux qui ont choisi de miser dorénavant sur le Cardinal Monsengwo comme président de la fameuse « transition sans Kabila ». Ce n’est pas un hasard si le dernier séjour bruxellois de l’archevêque de Kinshasa a coïncidé cette énième messe basse des radicaux. Faute de crédibilité de réelle assise populaire et de capacité à mobiliser la rue, les acteurs de cette opposition plus divisée que jamais auraient accepté de se ranger derrière le leadership de Laurent Monsengwo Pasinya qui s’est fait fort du poids et des technostructures de l’église catholique dont il est le primat en RDC pour faire céder le pouvoir en place et l’amener à accepter le principe d’une transition moyennant quelques aménagements qui « permettraient aux uns et aux autres de mieux se préparer pour les élections à venir ». Objectifs à court terme de la nouvelle union sacrée : empêcher à tout prix la tenue des élections prévues pour la fin de l’année en cours, modifier la composition de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et instaurer une période de transition susceptible de permettre aux « amis des occidentaux » d’être sûrs de pouvoir rafler la mise sans coup férir le moment venu.
Panique dans les rangs
Le publication, début novembre 2017, d’un calendrier électoral qui atteste de l’irréversibilité de la tenue des scrutins selon le calendrier publié par la CENI (le 23 décembre 2018) ainsi que la promulgation de la Loi électorale par le Président de la République comptent parmi les signaux rouges qui ont alarmé les « parrains » des radicaux et les ont poussé à passer à la vitesse supérieure. « Toutes les analyses, confortées par les observations objectives des diplomates européens en poste en RD Congo indiquent qu’en cas d’élection, la majorité au pouvoir l’emporterait face à une opposition invertébrée et divisée et qui n’y est pas du tout préparée », explique des sources au Maximum. Un vrai cauchemar pour un certain nombre de gros bras au pouvoir dans la capitale belge particulièrement qui n’en veulent pas et tiennent absolument à se débarrasser de Joseph Kabila et de ses partisans jugés trop réfractaires à toute idée de mainmise de l’ancienne métropole sur l’économie de la RD Congo qu’ils considèrent comme une survivance anachronique de l’ordre néocolonial.
Les néolibéraux au pouvoir en Belgique et certains milieux d’affaires sur le vieux continent ne décolèrent pas de voir leur échapper la manne minière rd congolaise (coltan, cobalt, cuivre, etc.) dont les prix ont repris l’ascenseur et qui glisse entre les mains de concurrents asiatiques, particulièrement chinois, et bien d’autres marchés juteux. Notamment ceux relatifs à l’impression des passeports ordinaires, diplomatiques et de service pour un pays qui compte plus de soixantaine dix millions d’âmes. L’affaire, on s’en souvient, avait fait les choux gras des colonnes des médias belges bienpensants qui avaient dénoncé ce qui était présenté comme une arnaque opérée par l’entourage du Président Joseph Kabila. « En réalité, le marché juteux fut arraché au … belge Zetes et confié à Semlex. Une raison suffisante pour provoquer une levée de boucliers dans l’ancienne métropole : ce sont des centaines de millions d’euros qui ont ainsi été perdu », selon un chroniqueur français. Et encore, ce n’est pas tout.
Intérêts économiques et financiers
Les commandes électorales rd congolaises représentent, elles aussi, un important marché que se disputent habituellement les opérateurs économiques occidentaux. Sur ce terrain aussi, les asiatiques, qui sont en passe de remporter le marché de fabrication des « machines à voter » pour quelques 46 millions d’électeurs enrôlés, au détriment des occidentaux. « C’est à peine si une entreprise française, Gemalto, a arraché le marché de fourniture d’équipements informatiques qui ont permis l’enrôlement des électeurs », explique la source du Maximum. Qui estime que ce n’est pas un hasard si dans les travées de l’opposition tout le monde s’est jeté à corps perdu dans une campagne téléguidée de diabolisation de ces engins fabriqués en Corée du Sud, que l’on tente de présenter, sans la moindre démonstration, comme des « machines à tricher ». Comme on peut le voir, le problème de ces machines à voter, qui répondent pourtant à une exigence de rationalisation du processus électoral commandée par les parties à l’Accord du 31 décembre 2016 et dont un important échantillon est arrivé à Kinshasa en début de semaine, se situe ailleurs, dans la couleur de leurs fabricants et le continent de leur provenance.
La croix sollicitée en désespoir de cause
Trop importants donc, les intérêts économiques en jeu en RD Congo, pour laisser indifférents ces mercantilistes belges. Sans beaucoup d’imagination, ils ont décidé de passer, comme au bon vieux temps des années de la colonisation, par l’église catholique romaine. Selon des sources, également répercutées sur les réseaux sociaux, l’entregent du Pape François aurait été mis à contribution par divers créneaux liés à la diplomatie belge. C’est en effet, suite à la suggestion insistante du Souverain Pontife que le protestant Joseph Kabila aurait accepté selon la même source, de solliciter la médiation des évêques catholiques pour permettre une passation de pouvoir civilisée à travers des discussions directes entre les différentes composantes de la classe politique rd congolaise pour éviter violences et effusion de sang. Las, les « clients » de Bruxelles n’ont pas fait le poids face à la machine du taciturne quatrième chef d’Etat congolais. Pas plus, du reste, que les mouvements dits citoyens, Lucha, Filimbi, etc, créés et soutenus à bout de bras par l’ambassade du Roi Philippe Ier à Kinshasa avec pour mission de bousculer les institutions établies en RD Congo. Elles auraient, avec l’opposition radicale coûté pas moins de 172 millions d’Euros destinés à l’origine à la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) et qui en ont été délibérément détournés pour financer l’organisation de manifestations contre les institutions en place en RDC, y compris ladite Commission elle-même, rapportent nos sources.
Ce n’est donc pas un fait du hasard si la marche organisée à l’appel du Comité Laïc de Coordination (CLC) a eu lieu deux semaines seulement après la rencontre Bruxelles parrainée par un Tom Periello, inconsolable d’avoir vu Kabila « survivre » à son patron Obama et appelé à la rescousse par ses alliés de circonstances belges. Et encore moins si depuis lors, les Vital Kamerhe et autres Félix Tshilombo Tshisekedi ont promptement repris le chemin des paroisses catholiques longtemps dédaignées. C’est le chemin de la croix au bout duquel ils seront replacés sur orbite.
J.N.