Il est dans ce pays des artistes-musiciens, des chanteurs-interprètes qui ont incontestablement marqué les esprits, à jamais. Parmi ces perles rares qui ont fait la pluie et le beau temps dans le giron musical rd congolais, on ne peut ne pas se souvenir de la voix envoutante, imposante et incomparable de Gérard Madiata ma Dibi Bagonda. L’artiste possédait une puissance vocale à tout faire vibrer, doublé de talents qui présentaient en concurrent du grand Joseph Kabasele. C’est tout dire.
Auteur-compositeur et excellent interprète, Gérard Madiata a énormément contribué à la promotion de la musique rd congolaise dans des années ‘60 à ’90, avant d’être terrassé par la maladie un matin du 27 juillet 1996 aux cliniques Ngaliema à Kinshasa. Un mal qu’il avait déjà fait soigner à l’Hôpital Saint Luc de Bruxelles à Belgique en 1982, grâce à l’intervention personnelle du Maréchal Mobutu. Au début de l’année 1996, c’est Léon Kengo wa Dondo, alors Premier ministre, qui avait assuré les soins du même mal dont souffrait Gérard Madiata en Afrique du Sud. Sans succès.
Madiata faisait partie de la génération Luambo Makiadi Franco (1938) et Tabu Ley Rochereau (1940), puisqu’il est né à Sonabata dans la sous-région de la Lukaya dans la province du Kongo Central, le 18 avril 1940, dans l’union de papa Sébastien Dibi avec maman Joséphine Bagonda. Avec sa voix hors du commun, Gérard Madiata a été propulsé assez vite sur la scène tant nationale qu’internationale, tant il pratiquait une musique aux styles variés, largement inspirés de l’étanger.
Une carrière éclairée
Après avoir brillamment terminé ses études primaires à Léopoldville aux écoles catholiques des pères de Scheut, notamment à la paroisse Saint Paul dans la commune de Barumbu et à la paroisse Sainte Anne dans la commune de la Gombe, le jeune léopoldvillois entame des études secondaires de l’autre côté du fleuve Congo, à Brazzaville où en 1956 il obtiendra son baccalauréat.
De retour à Léopoldville (Kinshasa), Gérard intègre la chorale catholique de la paroisse Sainte Anne où il sera considéré comme le meilleur ténor du groupe. Il commence sa vie professionnelle comme secrétaire de direction à la Bralima en 1956. En 1957, il signe son entrée dans Micra Jazz, un orchestre de la commune de Saint Jean (Lingwala) où il cotoie le soliste Raymond Braink, l’accompagnateur Simaro Lutumba, les chanteurs José Magnol dit « Soudain Magnol », Tchadé et d’autres. Il y est resté jusqu’en 1958, année où il intègre Conga Jazz du guitariste Paul Ebengo dit Dewayon. C’est à partir de cet orchestre que le jeune chanteur étale ses qualités d’excellent compositeur.
Gérard Madiata largue sur le marché « Lucie Botayi », une œuvre rythmée cha cha cha qui grimpe jusqu’à caracoler au sommet du hit-parade de l’époque. Le refrain de l’œuvre, « Lucie chérie … je t’adore … » est sur toutes les bouches des gentlemans à Kinshasa, dans les rues, dans les bureaux, à la maison …
En 1959, Madiata conclut un contrat de collaboration (verbal) avec Franco, son frère du terroir kongo, pour se produire en lever des rideaux des concerts de l’O.K. Jazz. A ces occasions, l’artiste se distinguait par l’interprétation des classiques européens dans les styles boléro, tango, valse, swing, etc dans les bars comme Zeka (croisement des avenues Kalembe-lembe et Wangata/Commune de Kinshasa, Kongo bar (croisement des avenues Tshuapa et du Marché dans la même commune) et ailleurs.
C’est au début de 1960, juste après l’indépendance, que Madiata décidera d’évoluer en solo. Assuré de sa voix exceptionnelle, il pouvait compter sur son talent inouï. Il avait déjà créé son propre orchestre baptisé « Kongo Jazz ».
Madiata a eu la chance de livrer concerts à Bruxelles en Belgique lors des assises de la Table Ronde. Il en a profité pour y demeurer jusqu’en 1967. Pendant son séjour européen, il a étudié la musique à l’Ecole des Hautes Etudes des Musique à l’Académie Royale de Bruxelles. Il a, plus d’une fois, représenté le Congo dans des grands festivals comme à Cuba, au Festival des Arts Nègres à Dakar au Sénégal en 1963.
Les vedettes en herbe comme Emile Soki, Antoinette Etisomba, Abeti Masikini, etc. furent les premiers lauréats de la première édition du Grand Prix et festival de la Chanson, organisé en 1972 par Gérard Madiata qui portait en même temps l’étoffe de mécène de la musique
Un bar : « Baninga », un orchestre : « Bisengo »
A partir de 1980, Madiata se fixe à Kinshasa. Il prend l’initiative d’ouvrir un lieu de rencontres, de loisirs, c’est un espace (bar) dénommé « Baninga ». Son orchestre, Kongo Jazz change d’appellation et devient « Bisengo ». Ce dernier, animait des concerts chaque week-end à « Baninga », un lieu très fréquenté par les nationaux et des étrangers en séjour à Kinshasa qui y assouvissaient leur nostalgie en écoutant les beaux vieux airs musicaux congolais et internationaux.
« Baninga » fut même une fois honoré de la visite du Président Mobutu et de son homologue mauritanien Moktar Ould Dada accompagnés leurs épouses, qui y ont savouré la belle musique distillée par Madiata dans son antre de l’avenue Usoke (Raïls) entre les directions Bakongo et Kasaï.
Contrat discographique avec Polydor
Gérard Madiata a enregistré chez Polydor des œuvres à succès comme « Mono ngiedi », « Bonjour Ndjili », « Congo twist », « Je veux » et « Jardin d’amour en 1960 » ; « Unfua nkenda »(1962) « Marie Helena », « Madison for you », « Les copains » et « May darling » (1963 ; « La paix » et « Marsupilami » (1964) ; « Vive les 3 Z » (1969). Il a interprété les chansons de Dalida, Johnny Hallyday, Claude François, Charles Aznavour, etc.
Les témoignages d’un ancien collaborateur
Le Maximum a eu l’occasion d’aborder un ancien très proche collaborateur de Gérard Madiata du surnom de Goyi. Ce dernier, de ses vrais noms Kizaka Kiatezua Pascal, est depuis 1984 le maître à jouer de l’orchestre d’interprétation à l’hôtel La Crèche au quartier Matonge dans la commune de Kalamu.
Goyi a travaillé pendant longtemps aux côtés de Madiata au sein de l’orchestre Bisengo. Il renseigne que son patron, un chanteur d’opéra et diplômé de Conservatoire de Musique de Namur en Belgique, participait très rarement aux séances de répétition d’ensemble, mais se révélait toujours extraordinaire en concerts. En préparation de grands événements à agrémenter, Madiata convoquait une séance de répétition à laquelle il prenait part de 8 à 22 heures.
Comme chanteur, Madiata exploitait le plus souvent la gamme de Do, a fait savoir Goyi qui a reconnu que grâce à Madiata, il a pu tisser d’importantes relations auprès des personnalités politiques et administratives de notre pays jusqu’au haut niveau. Madiata ne touchait jamais aux fétiches. L’interlocuteur du journal a précisé que Madiata est principalement mort du diabète. Chaque année, il en était hospitalisé. Il parlait couramment le français, le lingala, le kikongo, le swahili, le tshiluba et le flamand. Il a laissé une veuve et des orphelins.
Zenga Ntu