En RD Congo plus qu’ailleurs à travers le monde et sur le continent, les mots ne disent presque pas ce qu’ils veulent dire. Surtout en politique, cette science pratique de la gestion de la cité, caricaturée en son temps par les contemporains de la période des lendemains de l’accession du pays à l’indépendance, qui estimaient que les acteurs politiques n’étaient que des menteurs, la politique étant elle-même assimilée dans l’imaginaire collectif à l’art de tromper, de jongler avec la crédulité des populations. Une rétrospective, non exhaustive certes, de l’actualité politique rd congolaise de l’année qui tire laborieusement à sa fin l’atteste de manière plus que flagrante : tout ou l’essentiel dans les prestations de la plupart des composantes de la classe politique et assimilé ou affidés (société civile, clergé catholique…) était mensonger, faux.
Après des tiraillements sans fin, ces acteurs politiques rd congolais avaient clôturé l’année 2016 par un geste d’espoir : la signature de l’Accord politique du 31 décembre 2016, autrement dénommé l’Accord de la Saint Sylvestre, au terme de négociations dites « directes » entreprises sous une médiation confiée par le président Joseph Kabila à la supposée très sérieuse Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO). Il s’agit des évêques (tous Congolais) de l’église catholique romaine en fait, qui trois mois plus tôt avaient boudé et saboté les discussions et l’Accord obtenus grâce à l’entregent de l’Union africaine entre la majorité au pouvoir, la société civile et une partie de l’opposition politique mais auxquels l’opposition dite radicale avait refusé de se joindre.
Il fallait s’assurer de la plus grande inclusivité possible, assurait-on bon enfant, pour mettre toutes les chances du côté de la décrispation de la situation politique du pays et ainsi préparer une respiration pacifique du jeu démocratique, par l’organisation des élections au sommet de l’Etat.
Quelques jours plus tôt, le 19 décembre 2016, était arrivé à échéance la durée constitutionnelle du second mandat présidentiel du Président de la République en fonction, Joseph Kabila Kabange. La constitution en vigueur permettait au Chef de l’Etat en fonction de demeurer au pouvoir jusqu’à son remplacement par le nouveau Président de la République élu.
L’Accord conclu in extremis le 31 décembre 2016 tard dans la nuit au centre catholique interdiocésain de Kinshasa consacrait l’entente de la classe politique, toutes tendances confondues, pour gérer ensemble (gouvernement d’union) la période précédant les élections de l’alternance au sommet de l’Etat à travers la participation de l’opposition au pouvoir d’Etat.
Accord ‘in extremis’
Les principales questions qui fâchaient avaient théoriquement fini par trouver solution, grâce à des concessions mutuelles que s’étaient faites les parties en présence, les signataires et les non signataires de l’accord du 18 octobre 2016, a-t-on assuré.
Mais, c’était, semble-t-il, trop beau pour être vrai malgré l’enthousiasme ambiant que l’on avait observé au début de l’an 2017. Surtout en RD Congo.
En fait de concession, il était apparu que c’est la majorité présidentielle au pouvoir qui avait concédé la primature à l’opposition radicale réunie sous la bannière du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement (Rassop), une coalition des partis de l’opposition constituée quelques semaines auparavant à Genval en banlieue de Bruxelles, la capitale belge. Compte tenu du fait que pour le reste des problèmes qui pouvaient constituer matière à controverse, les parties à l’accord de la Saint Sylvestre avaient convenu unanimement ils trouvaient solution à travers la constitution de la République, sur laquelle les uns et les autres avaient choisi de s’en tenir.
Ainsi en était-il de la question des institutions à caractère électif, au sujet desquelles le texte fondamental stipule ‘expressis verbis’ qu’elles ne peuvent cesser de fonctionner, même après la forclusion formelle de leurs mandats qu’à l’installation de nouveaux animateurs élus par le peuple congolais. Il en est ainsi du Président de la République, des assemblées nationales et provinciales ainsi que des gouverneurs et vice-gouverneurs des provinces.
Quant au principe du partage des responsabilités au sein du gouvernement et des entreprises publiques, il était déjà acquis depuis le dialogue de la Cité de l’OUA en octobre dernier, et a simplement été reconduit par les négociateurs du Centre interdiocésain de Kinshasa-Gombe.
Un chapitre avait été consacré à la décrispation du climat politique dans ces accords. Quelques avancées ont été notées qui concernaient l’arrêt des poursuites judiciaires contre un certain nombre d’acteurs politiques, essentiellement ceux qui n’étaient poursuivis que par la République pour des dommages causés à l’Etat, selon les explications de Lambert Mende, le ministre de la communication, au cours d’un point de presse lundi 2 janvier à Kinshasa.
Les mesures de décrispation avaient notamment ouvert la voie à la relaxation de détenus comme Moïse Moni Dela et au retour au pays d’exilés comme Roger Lumbala et Raphaël Katebe Katoto de revenir au bercail, d’autres comme Antipas Mbusa Nyamuisi ayant préféré sillonné les pays étrangers en quête d’appuis pour des projets d’un « grand soir » bien utopique. Les autres cas « emblématiques » soulevés par le Rassop demeuraient problématiques et qui le sont encore aujourd’hui, un an après (dossiers Moïse Katumbi, Jean-Claude Muyambo et Diomi Ndongala) ont été confiés à l’entregent des évêques de la CENCO et d’une commission de hauts magistrats du fait de l’implication d’intérêts privés et de problème de violences sexuelles qui était devenu une situation plus que préoccupante pour l’opinion publique et l’image du pays.
Décrispation et inclusivité
Les négociations directes du Centre interdiocésain de Kinshasa avaient aussi achoppé sur la fameuse question de l’inclusivité. Le Front pour la défense de la Constitution emmené par le Mouvement de Libération du Congo de Jean-Pierre Bemba notamment avait refusé de signer l’accord conclu au motif que le départ préalable du pouvoir de Joseph Kabila n’avait pas été acquis.
De même qu’une partie de l’opposition signataire de l’accord du 18 octobre, opposée à la cession de la primature au Rassop, et sans doute aussi à la recomposition du gouvernement qu’implique cette cession. José Makila Sumanda, Jean-Lucien Bussa et autres Samy Badibanga se sont déclarés opposés à l’accord du Centre interdiocésain.
De sérieux problèmes à régler subsistaient donc, malgré la signature de l’accord de la Saint Sylvestre dont la mise en application est présentée par d’aucuns comme un défi. Outre les problèmes non réglés au chapitre de la décrispation politique et le défaut d’inclusivité qui menace la pax politica arrachée samedi 31 décembre 2016, il était resté à décider du calendrier d’application de l’accord qui dépendait largement de la mise sur pied du Conseil National de Suivi de l’Accord et du Processus électoral (CNSA) qui aurait dû lors de sa création être chapeauté par Etienne Tshisekedi, l’alors leader incontesté de l’opposition radicale. Mais aussi d’une loi organique à voter par le parlement dont les forces en présences étaient loin d’être acquises aux structures issues des travaux du Centre interdiocésain.
Avec le recul, on peut aujourd’hui se demander en quoi l’entente « arrachée » par les prélats catholiques en était une.
Terrorisme Kamuina Nsapu
A l’évidence, peu dans la classe politique rd congolaise se faisaient d’illusions autour de l’Accord de la Saint Sylvestre. Et, certainement pas les terroristes se réclamant du trône des Kamuina Nsapu dans les provinces du Kasaï et du Kasaï Central. Le phénomène dévastateur né à la suite de la mort d’un détenteur du pouvoir coutumier dans une petite chefferie du territoire de Dibaya alors qu’il affrontait les forces de l’ordre à la tête d’une horde de miliciens un semestre plus tôt, avait pris de l’ampleur. Rien que pour la première semaine de l’année, 26 victimes de ce groupe terroriste avaient été formellement identifiées par les autorités provinciales, dont au moins 9 éléments de la Police Nationale Congolaise (PNC), le 8 janvier 2017. A Tshimbulu, le foyer insurrectionnel Kamuina Nsapu, 30 autres victimes de cette escalade de violence étaient dénombrées peu après dont l’épouse de l’Administrateur de territoire, horriblement mutilée après avoir été violées publiquement.
Deux semaines après, le 22 janvier 2017, des affrontements meurtriers entre adeptes Bundu dia Kongo (BDK) de Ne Mwanda Nsemi et les forces de police étaient signalés à Kimpese dans la province du Kongo Central. Bilan : un mort, des blessés graves et des maisons d’habitation incendiées. Des activistes de la société civile cités par la radio onusienne Okapi avaient rapporté que des adeptes de BDK avaient saccagé le domicile de Papy Mantezolo, vice-ministre des Infrastructures, membre du parti politique Bundu dia Mayala d’un des leaders de leur parti, en délicatesse avec le gourou Ne Mwanda Nsemi. Les policiers avaient dû intervenir en tirant des coups de feu en l’air, pour ramener le calme.
Pourtant les négociations directes reprises au Centre interdiocésain, étaient suffisamment avancées fin janvier 2017, parce que les parties en présence avaient abouti à un pas supplémentaire avec la signature de l’Arrangement particulier incluant notamment la répartition des portefeuilles ministérielles dans le futur gouvernement au moins 18 ministres issus de la Majorité Présidentielle, 13 du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement, 8 de l’opposition signataire de l’Accord du 18 octobre 2016, 2 de l’opposition républicaine de Léon Kengo, et 2 autres de la Société civile.
Restait, néanmoins l’épineuse question des modalités de désignation du Premier ministre, chef du gouvernement d’union convenu par l’accord. L’affaire bloquait encore jeudi 26 janvier malgré les conciliabules de plus en plus fréquents entre les principales parties aux négociations directes : la MP et le Rassop. Pour la famille politique de Joseph Kabila, il n’était pas question d’imposer au Chef de l’Etat en exercice l’entérinement des desiderata d’un parti politique, l’UDPS fût-il. Là où la Constitution lui donne plutôt le droit de nommer de manière discrétionnaire.
L’Accord apparaissait déjà comme un profond désaccord sur les principes : pour la Majorité présidentielle l’engagement des parties prenantes de respecter la Constitution équivalait à privilégier la Loi fondamentale… là où le Rassop était d’avis que faute d’élections organisées dans les délais constitutionnels, toutes les Institutions tiraient désormais leur légitimité de l’Accord négocié sous la sainte médiation cléricale.
La haine contre Kabila fait tout capoter
Janvier 2017 s’est ainsi achevé sans qu’un accord soit trouvé sur ces divergences de fond. Jusqu’au samedi 28 janvier, la Majorité présidentielle et le Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement n’avaient pas su consentir les dernières concessions qui auraient permis de boucler la seconde partie des pourparlers du Centre interdiocésain de Kinshasa. Obligeant les évêques de la CENCO à rendre public un document présentant « la synthèse des acquis et les points d’achoppement ». En guise d’acquis, le format du gouvernement d’union nationale à venir, le profil du Premier ministre et des membres du gouvernement ; le Conseil National de Suivi de l’Accord et du Processus électoral (CNSA) ; le profil des membres du CNSA ; et le rôle et la place des vice-présidents du CNSA. Au chapitre des points qui bloquent figuraient déjà le mode de désignation du 1er ministre, la nomenclature des ministères (affectation entre parties prenantes), le chronogramme concernant la date de nomination du 1er ministre et le déroulement des activités, ainsi que le rôle de la CENCO durant la période charnière précédant les prochaines élections.
De l’aveu des évêques qui assuraient les bons offices pour ces discussions directes du Centre interdiocésain eux-mêmes, c’est le problème des modalités de désignation du 1er ministre qui était le plus sensible. La Majorité Présidentielle s’en tenait à sa position de principe, tirée du prescrit de l’article 78 de la constitution de 2006, selon laquelle le Rassemblement de l’opposition, dorénavant assimilé à une composante de la majorité parlementaire, conformément à l’Accord dit de la Saint Sylvestre, devait proposer une liste de 3 à 5 candidats premiers ministres à soumettre au Président de la République. Tandis que l’aile ultra-radicale de l’opposition estimait ne devoir présenter qu’un seul nom du (déjà) premier ministre à nommer, ou plutôt à entériner, par le Chef de l’Etat dont la compétence serait, en quelque sorte « liée ».
Derrière ce qui ressemblait à une guerre de nombre, 3 à 5 candidats ou 1 seul, se dissimulait en réalité tout l’enjeu des pourparlers facilités depuis décembre dernier par les évêques de la CENCO : le partage du pouvoir avec Joseph Kabila et sa Majorité, sur fond d’une drastique réduction des prérogatives présidentielles, mêmes constitutionnelles.
La question du partage du pouvoir durant la période charnière courant jusqu’aux prochaines élections s’était doublée donc, insidieusement, d’une sorte de tentative de réduction des pouvoirs présidentiels qui n’avait, à aucun moment, été envisagée par les négociateurs du Centre interdiocésain. Surtout pas par ceux de la délégation de sa famille politique, la Majorité Présidentielle. Et c’est là tout le problème du blocage qui se répercute sur le reste des points d’achoppement. En effet, lorsqu’elle stipule que le Chef de l’Etat reste en fonction jusqu’à son remplacement par le nouveau Chef de l’Etat élu, l’article 70, alinéa 2 de la constitution n’indique nulle part que le Président de la République soit, en cette circonstance, dépouillé de quelque prérogative que ce soit au profit de qui que ce soit. Or, les ultra-radicaux Rassemblement se sont acharnés – et s’acharnent – à prétendre que du fait qu’il serait « coupable » de n’avoir pas pu organiser les élections dans les délais, le Président Kabila avait perdu ‘ipso facto’ une partie de ses prérogatives…
Les blocages sur la question du partage des portefeuilles ministériels dits de souveraineté, sur le rôle de la CENCO durant la période charnière jusqu’à la tenue des élections, se fondaient eux aussi sur ce projet de réduction insidieuse des pouvoirs présidentiels. En définitive, le problème qui s’est posé et se pose encore aujourd’hui, est celui de la plénitude des pouvoirs présidentiels durant la période à venir.
Février : La mort d’Etienne Tshisekedi
Un mythe rd congolais a définitivement tiré sa révérence lundi 1er février 2017 à Bruxelles. Etienne Tshisekedi wa Mulumba, le président de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social, UDPS, a succombé à une embolie pulmonaire à la Clinique Ste Elisabeth de la capitale belge. Agé de 84 ans, celui que ses partisans surnommaient ‘lider maximo’ avait précipitamment regagné la capitale belge une semaine plus tôt, le 24 janvier, à bord d’un jet privé. Une évacuation d’urgence, à ce qu’il paraissait mais qui avait été présentée par ses proches comme un « check up » de routine. Probablement en raison de la conjoncture politique du moment : le dernier voyage d’Etienne Tshisekedi était intervenu une semaine avant la fin (théorique) du second round des négociations politiques du Centre interdiocésain de Kinshasa entre le Rassemblent des forces politiques et sociales acquises au changement (Rassop) et ses affidés non signataires de l’Accord de la Cité de l’OUA d’une part et la Majorité Présidentielle (MP) avec les partis de l’opposition signataires de ce premier accord politique de l’année 2016 ; et un peu moins d’un mois après que les parties en présence aux pourparlers du Centre interdiocésain eurent convenu de lui confier « intuitu personae » les rênes du Conseil National de Suivi de l’Accord et du Processus Electoral (CNSA) à créer au terme de l’accord politique intervenu le 31 janvier 2016. La présence du vieil opposant à Kinshasa donnait du poil de la bête à ceux qui, à tort ou à raison, le considéraient comme une sorte de garde-fou ou de marchepied pour eux-mêmes pendant la période politique charnière à courir jusqu’à la tenue des prochaines élections. On peut comprendre que ses familles biologique et politique aient préféré ne pas émettre des signaux inquiétants, même contre toute évidence.
A sa mort, le 18ème jour de sa 84ème année d’existence, Etienne Tshisekedi était aussi bien le président de son parti politique, l’UDPS (ou ce qui en restait) et du Conseil de sages du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement (Rassop) encore uni jusque-là. Cette dernière plate-forme politique de l’opposition avait été créée début juin 2016 à l’instigation de Moïse Katumbi Chapwe, ancien gouverneur de l’ex province du Katanga en exil en Europe après avoir fui la justice congolaise et de milieux politiques libéraux belges dans le but déclaré de précipiter la chute de Joseph Kabila au pouvoir à Kinshasa même avant la date du 19 décembre 2016, date officielle de la fin de son deuxième mandat constitutionnel.
Propulsé à la tête du Rassemblent dit Tshisekediste-katumbiste qui s’était donné la mission de « dégager » vite fait Joseph Kabila du Palais de la Nation, mais surpris par la mort, après avoir été tiré de son lit d’un hôpital bruxellois, l’octogénaire Etienne Tshisekedi wa Mulumba n’aura donc pas atteint son objectif. En dépit des avis contraire de ses médecins, le vieil opposant rd congolais avait pourtant jeté ses dernières forces dans cette bataille et s’y était littéralement épuisé, sur pression de sa famille dit-on. Le Rassop n’est pas parvenu à déboulonner le taciturne quatrième président de la République Démocratique du Congo à la date « fatidique » du 19 décembre 2016 et a, de guerre lasse, continué à négocier laborieusement son affaiblissement ainsi que quelques espaces du pouvoir avec ses ‘missi dominici’ dans le cadre d’une gestion concertée de la période charnière précédant l’organisation de la prochaine présidentielle.
Tshisekedi « achevé » par les siens
Lorsqu’il avait quitté Kinshasa le 24 janvier 2017 par avion médicalisé, le ‘lider maximo’ de l’UDPS venait de passer sept mois sous forte pression politique dans la capitale. On s’en souvient encore aujourd’hui : de Bruxelles, le vieil homme avait regagné son pays par avion médicalisé le 27 juillet 2016. Les images de son arrivée à l’aéroport de N’Djili, du meeting du 31 juillet sur le Boulevard Triomphal, de son apparition aux funérailles de quelques victimes des incidents du 19 et du 20 septembre 2016 au siège de l’UDPS, mais surtout de son message du 20 décembre, avaient étalé aux yeux de l’opinion la grave détérioration de son état de santé. Qu’à son retour à Bruxelles il ait été directement acheminé au pavillon du quatrième étage des Cliniques d’Europe Ste-Elisabeth à Uccle affecté aux « soins performants et appropriés aux patients atteints de maladie incurable et en fin de vie… », constituait la preuve qu’à l’instar de sa famille biologique, nombre de membres de sa famille politique au niveau le plus élevé savaient la fin du sphinx de Limete inéluctable mais avaient décidé de garder secrète l’information. Une querelle éclatera parmi les proches du leader défunt à ce sujet après que le tshisekediste Blanchard Mwamba eut accusé carrément Raphaël Katebe Katoto, demi-frère de Moïse Katumbi, d’avoir « tué » le lider maximo. Ce dont Katebe s’est défendu avec véhémence, se déclarant profondément choqué d’avoir perdu un grand ami, un grand frère, par médias interposés. « Avant son retour à Kinshasa, pendant sa convalescence il le visitait chez lui à la maison et lui portait régulièrement assistance. (A son retour de Kinshasa) Mr Katebe s’est naturellement présenté à la réception de la clinique Ste Elisabeth vers 10h00’ pour prendre des nouvelles. La réception a indiqué le 4ème étage, chambre 488 pour aller au pavillon soins palliatifs. L’accès au Pavillon soins palliatifs est contrôlé et sécurisé. Mr Katebe a dû sonner et une infirmière est venue pour l’accompagner auprès du patient de la chambre 488. L’infirmière a ouvert la porte du pavillon verrouillée et l’a accompagné à la chambre 488 qui était aussi verrouillée. L’infirmière a ouvert la porte avec son badge et était présente pendant la rencontre qui a été très brève (environ 2 minutes). Le président Tshisekedi était tout seul sans aucun membre de la famille. Il a constaté l’état de santé de son ami qui s’était détérioré, en sortant de la clinique il a directement téléphoné à monsieur l’abbé Théo, secrétaire du président Tshisekedi, pour l’informer de l’état inquiétant du président », avait rapporté un quotidien de la place.
Il y a eu manifestement fuite de responsabilité dans le chef de ceux qui ont « managé » le lider maximo, au propre comme au figuré, de près ou de loin. Membres de famille, acteurs politiques et sociaux, partenaires extérieurs, belges en particuliers, savaient cet homme très malade. En 2002 déjà, à Sun City, par exemple, il ne pouvait embarquer sans aide en voiture ni en débarquer. Il ne pouvait non plus monter seul les marches d’un escalier ou en descendre. Pendant la campagne électorale de 2011, à peine pouvait-il rester debout une vingtaine de minutes pour tenir un meeting. Tout le monde avait craint le pire lorsque, le 20 juin 2014, lorsqu’il il avait fallu l’évacuer en catastrophe sur Bruxelles par avion médicalisé. A l’ouverture du conclave de l’opposition radicale de Bruxelles-Genval en 2016, il marchait très difficilement.
Et pendant son séjour à Kinshasa, on lui a fait expressément manquer ses rendez-vous avec son équipe médicale, sous prétexte de « veiller à la matérialisation de l’accord de la Saint Sylvestre », comme si pareille tâche qui sera de toute façon maintenant accomplie par un autre Congolais avait plus d’importance que sa propre vie.
La saga du rapatriement du corps du ‘lider maximo’
L’UDPS d’Etienne Tshisekedi, représentée par le secrétaire général adjoint fils du propriétaire de l’œuvre contestataire, Félix Tshisekedi, ainsi que le représentant du parti de Limete au Benelux ont animé, lundi 13 février 2017 un point de presse très suivi à Kinshasa. D’autant plus qu’il était auréolé de la participation du porte-parole de la famille biologique du défunt, Mgr Gérard Mulumba, ci-devant frère cadet de l’illustre acteur politique de l’opposition politique congolaise et évêque honoraire du diocèse de Mweka. Mais, comme on dit, rien de nouveau sous les tropiques : le parti tel que représenté au point de presse bruxellois ainsi que la famille n’ont pas résolu l’équation des obsèques du ‘lider maximo’ de l’UDPS. Bien au contraire, même si pour la forme langagière, les intervenants de Bruxelles ont voulu donner le change en faisant semblant de lever les plus extrémistes des préalables posés au gouvernement en place à Kinshasa, qui a dès l’annonce de la mort de Tshisekedi père, avait officiellement offert ses services pour des obsèques dignes ce que l’homme avait été officiellement : ancien premier ministre et plusieurs fois ministre. Non. Du point de presse de lundi au Press Club Brussels Europe situé au n° 95 de la rue Froissart à Bruxelles, n’ont été annoncés ni la date du rapatriement du corps d’Etienne Tshisekedi en RD Congo, ni la perspective de la fin des obsèques de l’illustre disparu. Pas du tout.
De Félix Tshilombo Tshisekedi, les témoins présents au point de presse retiennent que s’il a déclaré que le parti politique de Papa et sa famille politique ne conditionnaient pas le rapatriement du corps à sa nomination à la primature, il a néanmoins soutenu que la famille et le parti ne souhaitaient pas la présence aux obsèques de Samy Badibanga , l’alors Premier ministre et chef du gouvernement rd congolais. En d’autres termes, les mêmes préalables que depuis le point de presse du secrétaire général de l’UDPS, Jean-Marc Kabund : sans nomination du fils comme premier ministre, pas de rapatriement du corps du défunt…
Certes, Félix Tshisekedi avait aussi déclaré : « Nous voulons un lieu de sépulture, il n’y a pas de préalables politiques ». Des propos qui sonnaient d’autant plus faux qu’ils seront aussitôt complétés par la communication de la volonté de la famille de procéder à l’autopsie du corps du vieil opposant (84 ans) décédé des suites d’une embolie pulmonaire. Sur le problème médical, Félix a étalé l’étendue de ses connaissances dans le domaine en exposant son étonnement du fait qu’ « une simple intervention au pied du malade aboutisse à son décès ». Et en reprochant au pouvoir en place à Kinshasa d’avoir seulement « écouter le parti et la famille » sans prendre une décision, même si en fait de décision, il y en a bien une, consistant notamment en la mise en place d’un comité de préparation des obsèques et de l’envoi d’une délégation mixte famille biologique/UDPS à Bruxelles aux frais du contribuable pour les préparatifs du rapatriement funéraire. Toujours rejetée par la famille du défunt et des ultra-radicaux de l’UDPS.
Ce que le secrétaire général adjoint de l’UDPS a enveloppé dans un langage quelque peu touffu, son oncle paternel et évêque retraité de Mweka l’a dit en termes plus clairs : « La décision du rapatriement du corps est une décision qui revient surtout à la famille », a assuré le prélat. En insistant toutefois sur le fait que la famille et le parti politique de l’illustre disparu comptaient sur « une ambiance de sérénité en conformité avec ce qu’a été le fondement de la vie d’Etienne Tshisekedi ». De la sérénité à retirer de la vie politique de Tshisekedi ? L’évêque aurait voulu se moquer du monde qu’il ne se serait pas exprimé autrement. Il suffit d’interroger les mobutistes de la fin de la décennie ’90 pour s’en rendre compte. Mais l’homme de Dieu s’est immédiatement « rattrapé » en précisant que pour éviter toute dérive, la famille n’exigeait rien moins que la mise en œuvre préalable de l’accord arraché à la classe politique par les évêques de la CENCO (Conférence Episcopale Nationale du Congo) le 31 décembre dernier. L’œuvre de ses collègues calottes sacrées était présentée comme le « testament politique du défunt » par Gérard Mulumba.
Les parents et le carré politique du fils d’Etienne Tshisekedi sont donc restés arcboutés dans leurs préalables politiques au rapatriement du corps de ce dernier. Même de Bruxelles, on apprend que conformément aux textes légaux en vigueur, la famille du défunt fait face à des pressions pour rapatrier ou inhumer le corps sur place. La deuxième alternative paraissant d’autant plus proche des possibilités qu’une autopsie est réclamée par le fils du défunt, qui n’est pas pour accélérer les formalités de retour du corps du sphinx de Limete dans son pays natal.
L’Affaire du testament : Mgr. Utembi contredit Lumbi
« Etienne Tshisekedi n’a pas donné d’instruction directe aux évêques ». Tel un couperet, la dépêche est tombée des ondes de la très sérieuse radio « Top Congo Fm » de Kinshasa, le 23 février. « Etienne Tshisekedi n’a pas donné d’instruction directe aux évêques. Dans leur rapport remis au chef de l’état sur la mission des bons offices de la CENCO, les évêques ont déclaré ne pas avoir vu Etienne Tshisekedi avant son décès à Bruxelles, le 1er février 2017 », assuraient nos confrères. Pourtant, le même 23 février, la même radio venait d’annoncer que le défunt aurait « laissé une lettre avec le nom du premier ministre », citant Pierre Lumbi Okongo, l’ancien flic en chef de Joseph Kabila passé avec armes et bagages au G7 de Moïse Katumbi. Le président en exercice de ce regroupement de l’opposition ultra-radicale, président du MSR/Rassemblement et candidat à la succession du lider maximo à la tête de « Rassop » déclarait à ce propos : « J’affirme que le président (Tshisekedi) a bel et bien laissé une lettre avant son voyage pour la Belgique, lettre signée de sa propre main et dont nous avons parlé avec lui du contenu ». Il prenait à témoin l’abbé Théo Tshilumba, secrétaire particulier du Sphinx de Limete… « Cette lettre présente le nom du premier ministre désigné par toutes les composantes du Rassemblement, à transmettre à qui de droit via la CENCO (…). Cette lettre, nous l’avons remise le 17 janvier 2017 en mains propres, à Mgr Marcel Utembi, président de la CENCO, en présence de l’Abbé Théo Tshilumba, contre un accusé de réception », poursuivait-il, avant de préciser : « Nous avions tous un devoir de réserve et de confidentialité jusqu’à ce que cette lettre parvienne au destinataire. La vérité étant rétablie, il ne reste plus que la nomination du premier ministre ainsi présenté par le Rassemblement, conformément au point III.3.3, de l’accord du 31 décembre 2016 ».
Las, premier concerné puisque premier soupçonné, le président de la CENCO révélait au contraire que « la rencontre sollicitée par les évêques avec l’autorité morale du Rassemblement, le 21 janvier, n’a pas pu avoir lieu à cause des ennuis de santé de cette dernière (Etienne Tshisekedi) ». Cette déclaration avait été faite par les évêques au Président Joseph Kabila, selon Aubin Minaku, le Secrétaire général de la Majorité Présidentielle et Président de l’Assemblée Nationale. Et Mgr Marcel Utembi d’ajouter : « Une autre rencontre prévue par les évêques devait se tenir à Bruxelles après le séminaire atelier de Suisse (du 31 janvier au 7 février 2017). Mais elle n’a pas pu avoir lieu à cause de la mort de l’interlocuteur visé, Monsieur Etienne Tshisekedi, le 1er février 2017 ».
Sans se démonter, Pierre Lumbi réagira aux propos d’Aubin Minaku selon lesquels « le président Kabila n’a jamais reçu cette correspondance, même pas le jour où il a accordé une audience aux évêques ».
Il reste que c’est lui, Pierre Lumbi, qui apparaît comme l’homme qui a fait dire aux évêques de la CENCO ce que ces derniers démentent.
Il faut reconnaître que cette tentative de rendre Mgr Marcel Utembi responsable du blocage du processus de désignation du Premier ministre s’est faite au mauvais moment, lorsque les membres du Rassop peinaient à désigner le successeur d’Etienne Tshisekedi.
On sait que six candidats se bousculaient au portillon : Bertrand Ewanga pour le compte de l’AR (Alternance pour la République), Joseph Olenghankoy Mukundji et Martin Fayulu pour la Dynamique de l’Opposition (scindée en deux ailes par la suite), Jean-Pierre Lisanga Bonganga pour la CAT (Coalition des Alliés de Tshisekedi) et, évidemment, Pierre Lumbi pour le compte du G7. Le 6ème candidat, on s’en doute, est de l’UDPS, parti du défunt Etienne Tshisekedi. Ce parti s’estimait en droit de revendiquer le poste occupé par son président disparu.
Bons offices : Les évêques « glissent » aussi
Les évêques chargés de la facilitation des pourparlers entre les acteurs politiques signataires de l’accord de la Cité de l’Union Africaine et les réfractaires au même accord réunis sous le label du Rassop ont pris d’eux-mêmes a résolution de poursuivre la mission de bons offices après que le Président de la République qui la leur avait confiée aient pris acte de la fin de celle-ci et les en ait remercié. « Toutefois, fidèle à sa mission prophétique, la CENCO est décidée à accompagner le Peuple congolais dans la mise en œuvre de l’Accord de la Saint-Sylvestre », ont décrété leurs Excellences au cours d’un point de presse, lundi 27 février 2017. La décision cléricale aurait été prise au terme d’une assemblée plénière extraordinaire qui a duré 5 jours, du 20 au 25 février 2017, passant en revue la situation politique du pays, qui n’incite pas au repos des âmes, il est vrai.
Dans l’ensemble, la décision des évêques de la CENCO de convertir la mission de bons offices reçue du Président de la République, en principe, en « accompagnement du peuple » n’a pas suscité de notables réactions. Seul Lambert Mende Omalanga, le ministre de la communication et des médias et porte-parole du gouvernement Samy Badibanga, avait, au cours d’une interview à des confrères en ligne, appelé les prélats à ne guère se lancer dans le jeu de distribution de bons et mauvais points à la classe politique. « Il faut que la CENCO nous produise l’Arrangement particulier avant d’interpeller le Président de la République », avait-il déclaré en substance. Probablement parce que les anciens « chargés des bons offices par le Président de la République » s’étaient laissés aller à émettre moult recommandations, à l’endroit des Forces armées de la RDC, de la Police nationale, de la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante !), et même du… Chef de l’Etat lui-même !
Produire l’Arrangement particulier, ces accommodements entre protagonistes du Centre interdiocésain qui doivent définir dans le détail la mise en œuvre de l’accord politique global conclu le 31 décembre dernier, les prélats n’y étaient pas parvenus. En raison de blocages majeurs, mais qui ne portaient que sur 5 % de l’ensemble des points de désaccords apparus et aplanis à fin décembre dernier. « Il y a blocage sur les points de divergence ci-après, écrivaient leurs excellences : 1° le mode de désignation du Premier Ministre. A ce propos, l’article III.3.3. de l’Accord stipule que « Le Gouvernement de la République est dirigé par le Premier Ministre présenté par l’Opposition politique non signataire de l’Accord du 18 octobre 2016/Rassemblement et nommé par le Président de la République conformément à l’article 78 de la Constitution ». Elles expliquent que « Cependant, les parties prenantes ont convenu à l’article III.3.4. que « Les modalités pratiques de la mise en œuvre des principes énoncés ci-dessus (dont le mode de désignation du Premier Ministre) sont déterminées par un arrangement particulier conclu entre les parties prenantes et faisant partie intégrante du présent Accord ». La conclusion cléricale sur ce sujet qui fâchait depuis près de deux mois était sans appel : « A la lumière de ces deux articles, il ne se justifie nullement l’intransigeance de présenter un ou plusieurs noms en vue de la nomination du Premier Ministre. Il y a nécessité d’un dialogue franc, basé sur la bonne foi et la confiance mutuelle, entre la Majorité présidentielle et le Rassemblement ». Il transpirait comme un ras-le-bol des prélats de l’église catholique romaine rd congolaise, interprétable en sens divers. Dont au moins un ne souffre d’aucune contestation, puisque les évêques disaient « non au blocage » (de la mise en application de l’accord de la Saint Sylvestre), ainsi que l’indique aussi le titre de leur communication du lundi 27 février 2017. Ce faisant, ils se sont laissés aller à « glisser » eux aussi, au propre comme au figuré. D’abord, en ce que leur nouvelle mission, même si elle consiste à accompagner un peuple mal défini qui ne le leur avait pas demandé dans les dispositions de l’accord de la Saint Sylvestre, sortait résolument du cadre des bons offices leur confiée par le Président de la République, en sa qualité de garant du bon fonctionnement des institutions nationales. Ensuite, parce que les prélats en référer désormais à « leur » accord plus qu’à la Constitution qui régit la vie politique en RD Congo sur laquelle l’accord de la Saint Sylvestre était adossée ‘expressis verbis’ et dont ils ne pipaient mot, du reste. Une attitude qui coulait comme de source, en quelque sorte, parce que selon leur point de vue, ce n’est que grâce au fameux accord qu’une seule parmi les nombreuses confessions religieuses rd congolaises a pu indéfiniment tenir le haut du pavé de l’architecture institutionnelle d’un pays pourtant réputé laïc. En cela, le glissement clérical ne différait en rien du glissement dont les politiques rd congolais s’entraccusent mutuellement depuis près de 5 ans : avec l’accord de la Saint Sylvestre, leurs excellences évoluaient allègrement, et au nom du Christ, à la lisière de la légalité constitutionnelle. Oubliés donc, les appels au respect de la légalité constitutionnelle dont les évêques catholiques, eux aussi, s’étaient faits les hérauts dans un passé peu lointain !
Les dessous du désaccord : l’UE sort du bois
Lundi 6 mars 2017, le Conseil de l’Union Européenne (UE) s’invitait dans le débat en rendant publiques ses conclusions sur la situation politique en RD Congo. Une sorte d’analyse de la crise politique et économique au pays de Patrice Emery Lumumba, assortie de menaces à peine voilées contre les autorités rd congolaises, d’injonctions pour le moins comminatoires et de propositions de voies de sorties de crise manifestement motivées par les intérêts… européens et occidentaux. C’est une Europe nostalgique de son passé colonial extrêmement empêtrée dans les affaires internes d’un pays africain, membre de l’ONU qui voit le jour. L’affaire durait depuis plusieurs mois, pour ne pas dire plusieurs années, et coïncidait avec la décote de l’influence occidentale sur nombre de théâtres de la vie internationale, de même que l’arrivée au pouvoir dans la plupart de ses Etats-membres de dirigeants plus ou moins progressistes, qui aspirent à un mode de coopération dit « gagnant-gagnant » avec les anciennes colonies. Ce qui est loin d’être acquis, à en juger par la énième sortie européenne relative à la République Démocratique du Congo, mais aussi à d’autres incuries occidentales du genre au Gabon du fils Bongo, Ali, à qui il est reproché … une balance commerciale qui vire au jaune : dans ce pays du continent noir aussi, l’Europe capitaliste a perdu du terrain en faveur des chinois et autres asiatiques, plus ‘win-win’ il est vrai en matière de coopération.
Rien de neuf sous les tropiques donc. Lorsque le Conseil de l’Union Européenne s’autorise à statuer sur les affaires d’un pays africain supposé indépendant depuis près de 60 ans, en l’occurrence la RD Congo, l’assaut n’a rien d’une œuvre philanthropique, loin s’en faut. C’est un véritable coup d’Etat contre des institutions que les rd congolais se sont choisies par voie référendaire qui est en gestation. Comme dans les années ’60, lorsque la prétendue indépendance politique s’est subtilement travestie en eau de boudin à l’avantage de l’ancienne colonie belge.
Au point 1 des « Conclusions de l’Union européenne sur la République démocratique du Congo, on apprend ainsi que « la situation politique en République démocratique du Congo (RDC) (est) provoquée par le blocage de la mise en œuvre de l’accord politique inclusif du 31 décembre 2016 … ». Rien n’était plus substitutif du vrai et réel problème rd congolais, qui résultait plutôt du non-respect de la constitution adoptée par référendum dans les en 2006, du pays et de ses institutions. La constitution congolaise stipule que des élections présidentielle et législatives, nationales et provinciales, se tiennent tous les 5 ans pour assurer l’alternance, au sommet de l’Etat notamment. Elles n’avaient pu se tenir pour diverses raisons à la fois politiques (sécuritaires) et économiques (financiers) et replongeaient le pays-continent post-conflit dans une nouvelle crise de légitime du pouvoir. C’est cette crise de légitimité due au non-respect du prescrit de la Loi Fondamentale rd congolaise que les Européens ont tenté de résoudre par un forcing à travers l’accord politique dit de la Saint Sylvestre. C’est une substitution de la constitution par un accord politique conclu par 32 personnes dans le frou-frou des soutanes cléricales d’une confession religieuse, l’église catholique romaine rd congolaise en l’occurrence, que les Européens veulaient imposer pour s’assurer un back home en RD Congo. Ce dont ne se cachaient guère les 28 ambassadeurs de l’UE signataires des conclusions du 6 mars dernier. « L’UE salue l’accord du 31 décembre 2016 qui représente la seule voie pour asseoir la légitimité nécessaire aux institutions qui devraient gérer la transition, y compris celle de la présidence », écrivaient-ils, au mépris de la constitution que les rd congolais s’étaient massivement choisie lors du référendum de 2005 et qui, elle, stipule que des élus ne peuvent être remplacés que par d’autres élus, au terme de l’organisation d’élections pour ce faire. En fait, c’est au laborieux mais néanmoins salutaire processus électoral rd congolais que l’on tentait ainsi de mettre fin, subtilement.
Le reste des conclusions européennes sur la situation politique et, accessoirement, économique en RD Congo était un déploiement de mécanisme de reprise du pouvoir politique par les Occidentaux à travers des hommes-liges locaux. Comme dans les années des indépendances, en 1960. Là où la constitution rd congolaise prévoit que seules des élections assurent l’alternance politique, le Conseil de l’UE décrète que l’accord substitué à la loi fondamental « prévoit entre autre le maintien en fonction du Président pour autant qu’un Premier Ministre présenté par l’opposition soit nommé et que toutes les institutions soient assurées par intérim jusqu’à la fin de l’année. Il exclut par ailleurs le maintien du Président actuel au-delà de cette échéance ». Rien n’est plus faux, parce que même ledit accord politique global et inclusif du Centre interdiocésain se fonde, lui aussi, sur le strict respect des prescrits de la constitution, laquelle édicte qu’en tout état de cause, un élu ne peut être remplacé que par un autre élu.
En RD Congo, les Occidentaux tentent donc, en ces débuts de mars 2017, de substituer la légalité à leur « légitimité ». Parce que légalement, en attendant les élections il n’y avait rien à tenter. Ce n’est qu’au détour de scrutins électoraux que la légitimité correspondra à la légalité. Il y avait manifestement tentative de résolution d’une crise de légitimité par une autre crise de légalité montée de toutes pièces. Le forcing occidental en RD Congo consistait en une substitution de légalité. Un coup de force qui ne disait pas son nom.
Jeudi 23 mars 2017, Bart Ouvry, l’ambassadeur de l’Union Européenne en RD Congo, diffusait un communiqué annonçant que l’appui aux élections était désormais conditionné à la mise en place d’un nouveau gouvernement dont le Premier ministre sera issu du Rassop tel que conclu dans l’Accord de la CENCO. A l’en croire, les Etats membres de l’UE se préparent à apporter un appui important à l’organisation des élections en RDC, mais à la condition expresse qu’il y ait, au-préalable, la formation d’un nouveau gouvernement d’union nationale, à travers la mise en œuvre de l’accord du 31 décembre 2016. A elle seule, cette nouvelle conditionnalité en disait long sur la nature des liens entre l’UE et le fameux Accord de la Saint Sylvestre dont elle exige la mise en œuvre : un diktat européen pour, dans le contexte de l’après échec d’activation du protocole de révolution de couleur, s’assurer de la présence de « nègres de service » dans les instances de prise de décisions à Kinshasa
Mars : 2 experts onusiens tués et mutilés au Kasaï
La nouvelle a créé plus que de l’émoi, lundi 13 mars 2017 dans les milieux concernés à Kinshasa. Dès les petites heures de la matinée, il se rapportait de bouche à oreille que deux journalistes venaient d’être proprement égorgés, probablement par des miliciens se réclamant du défunt Chef Kamuina Nsapu Mpandi Jean-Pierre dans la périphérie de la ville de Kananga, au Kasai Central. Vérification faite, il s’est avéré que de journaliste, il n’y avait que notre consœur, chef du bureau de RFI à Kinshasa, Sonia Rolley, qui se trouvait dans cette région perturbée alors qu’officiellement elle était en vacances en Europe. Depuis plusieurs mois, ce coin du territoire rd congolais avait été décrété secteur opérationnel des FARDC qui y combattaient une offensive de groupes terroristes. Nul ne pouvait s’y aventurer pas sans risques réels.
Ce n’est que lundi 13 mars 2017 que de plus amples précisions ont filtré des officines de renseignements et de la mission onusienne en RD Congo. Donnés pour égorgés, l’Américain Michael Sharp et la Suédoise (d’origine chilienne) Zaïda Katalan, ne l’étaient peut-être pas encore. Parce que leurs corps n’avaient point été retrouvés. Les deux, experts de la Monusco et pas journalistes, était donc jusque-là réputés « disparus ». L’information sera confirmée par le porte-parole onusien en RD Congo, Charles Bambara, qui a assuré à l’AFP que « les deux experts sont portés disparus » dans la région de Tshimbulu. Et qu’« Ils ont été kidnappés au niveau du pont de la rivière Moyo et conduits dans la forêt par des éléments inconnus ainsi que 4 Congolais : trois chauffeurs de taxi-moto et un interprète », selon des précisions de Lambert Mende Omalanga, le ministre rd congolais de la communication et porte-parole du gouvernement, cité par la même source.
Les experts onusiens s’étaient rendus au Kasai Central à la recherche de « fosses communes » qui auraient été signalées dans la région. Et au sujet desquelles la communauté internationale s’affairait à diligenter recherches et enquêtes. Le gouvernement central n’aurait pas été informé de ce déplacement d’experts onusiens que la MONUSCO elle-même rechignait à confirmer. Une autre source, onusienne celle-là, avait expliqué que « les experts onusiens » ne relèvent pas de la responsabilité de la mission comme telle car faisant partie d’un groupe de recherche sur les droits de l’homme dont les travaux sont financés par des officines euro-américaines…
Mardi 28 mars 2017, les corps mutilés des deux experts onusiens et de leur guide, un Congolais de Kananga, étaient retrouvés à Moyo sur l’axe Bukonde-Tshimbulu dans… une fosse commune. Ils avaient vraisemblablement été tués par par une bande de criminels agissant sous l’étiquette de milice Kamuina Nsapu.
Reprise des négociations directes : le partage du pouvoir bloque
Les négociations directes entre signataires et non-signataires de l’accord politique de la Cité de l’UA ont repris jeudi 16 mars au Centre interdiocésain de Kinshasa. Mais elles n’ont guère évolué en ce premier jour, comme on pouvait s’y attendre, au grand dam des évêques de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) qui les facilitaient. S’adressant aux protagonistes réunis en plénière, les évêques ont fait observer que les discussions autour de l’arrangement particulier avaient pris plus de temps que celles qui ont eu lieu autour de l’accord politique lui-même. Rien de vraiment rassurant. Piqué au vif, Mgr Fridolin Ambongo, le vice-président de la CENCO a alors brandi une menace à peine voilée sur les institutions congolaises, en invitant le peuple à « faire pression sur les acteurs politiques pour que l’on aille de l’avant (car) des fois, nous nous posons des questions : est-ce qu’ils sont intéressés à aller aux élections ? Que ce soit ceux de la majorité ou ceux de l’opposition. On a l’impression que quelque part, ils sont tous d’accord qu’on fasse traîner les choses », a-t-il déclaré plutôt excédé.
Certes, leurs excellences ont dit prendre acte de la restructuration intervenue à la tête du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement. Assurant que l’on devait désormais aller de l’avant. Mais c’était plus facile à dire qu’à faire, même en menaçant les protagonistes de des foudres d’une populace dont on sait qu’elle n’appartient à personne, même pas aux prélats. Au premier jour de la reprise des discussions, les antagonismes crevaient les yeux.
D’abord, la majorité présidentielle avait posée la question du remplacement d’Etienne Tshisekedi à la tête du Comité National de Suivi de l’Accord et du Processus Electoral (CNSA). Comme si la fuite en avant cléricale qui avait consisté à reconnaître la solution Pierre Lumbi – Félix Tshilombo Tshisekedi était tombée dans les oreilles de sourds non muets. La question rebondira donc. D’autant plus qu’il est apparu que dans les rangs de l’opposition non signataire de l’accord de la Cité de l’OUA, des antagonismes internes qui vont aller crescendo, et que le camp opposé au duo Lumbi-Tshilombo avait tendance à s’élargir. Désormais, on comptait parmi les adversaires du tandem des radicaux purs et durs comme l’Ir Mubake Nombi, qui se montrait plutôt réservé jusque-là. L’homme ne jurait plus que par la perte de ses anciens collègues qui selon lui tentaient d’usurper l’héritage politique du défunt ‘lider maximo’. La question de la succession du sphinx de Limete allait donc rebondir et retarder encore les échéances, assurément.
Echec et mat : la CENCO jette l’éponge
Personne parmi les protagonistes aux négociations directes du Centre interdiocésain de Kinshasa n’y croyait plus, 10 jours après la reprise des négociations directes, lundi 27 mars 2017 dans la journée, date de la clôture des assises facilitées depuis janvier dernier par les évêques de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO). Il était clair pour tout le monde qu’on courrait droit contre un mur épais de refus et de contestation, y compris pour les prélats eux-mêmes, qui avaient subtilement substitué la mission de facilitation leur confiée par le Président de la République en obligation salvatrice d’inspiration plus ou moins divine et peu cernable pour le commun des mortels.
Comme pour préparer l’opinion au pire, dans la mi-journée du lundi 27 mars, la Majorité présidentielle avait animé un important point de presse au Pullman Fleuve Congo Hôtel, pour faire le point de … l’échec à venir des négociations directes. Alors qu’on annonçait pour le même jour le point de presse du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement dans le même dessein.
Le secrétaire général de la MP, Aubin Minaku Ndjalandjoko, n’y est pas allé par quatre chemins pour rejeter la responsabilité de l’échec de ces pourparlers sur le Rassop. « Rien ne va malgré les nombreuses concessions faites par la MP. Le Rassemblement campe sur sa position et ne veut rien céder », avait-il expliqué. Laissant à son compère Ramazani Shadary, le soin de rappeler que sur le problème des modalités de désignation du 1er ministre, sa famille politique avait commencé par exiger une liste de 10 noms à soumettre au choix du Président de la République, avant d’aller de concessions en concessions jusqu’à ne plus exiger que trois noms. « Parce que le Chef de l’Etat ne peut pas être réduit au niveau d’une banale machine à signer les nominations décidées par l’opposition » avait-il expliqué. Et d’ajouter : « Le Rassemblement refuse d’intégrer le fait que le Chef de l’Etat jouit des pleins pouvoirs lui reconnus par la constitution », avait ajouté Shadari. Sur cette question qui a bloqué jusqu’à la plénière de dimanche 26 mars 2017, la position de la MP a été claire : c’était une liste de trois noms ou rien. La famille politique de Joseph Kabila pouvait se prévaloir en l’espèce du soutien d’un certain nombre de plateformes présentes au Centre interdiocésain à ce sujet, notamment l’opposition signataire de l’accord du 18 octobre, le Front pour le Respect de la Constitution et une partie de la société civile.
Sur l’autre question qui fâchait, celle relative à la succession de feu Etienne Tshisekedi à la tête du Comité National de Suivi et l’Accord et du Processus électoral (CNSA), la MP avait aussi confirmé le blocage. La personne désignée par le Rassop, le G7 Pierre Lumbi Okongo, ne rencontrait guère son assentiment. « Le nom de ce monsieur avancé pour être le président du Conseil National de Suivi de l’Accord ne nous arrange pas », avait sèchement déclaré Ramazani Shadary. Expliquant qu’on ne peut pas donner une prime à la trahison. Sans ambages. « Si dans sa famille politique on le conteste, vous pensez que nous allons l’accepter ? », avait lancé l’ancien président du groupe parlementaire PPRD à l’Assemblée Nationale. Qui a déploré au passage que sur ce point aussi, les radicaux du Rassop se soient refusés à l’idée que le président du CNSA doive être accepté par toutes les composantes, comme l’avait été feu Etienne Tshisekedi wa Mulumba.
Au-delà de ces deux points de blocage s’ajoutait un autre, plus complexe, et qui n’en compliquait pas moins la clôture en beauté des assises du Centre interdiocésain de Kinshasa. C’était la question de la source de légitimité du pouvoir durant la période pré-électorale, sur laquelle les prélats de la CENCO s’étaient trop hâtivement – et maladroitement – prononcés du haut de la tribune du Conseil de sécurité des Nations-Unies. Contrairement à Marcel Utembi, l’archevêque de Kisangani et président de CENCO, pour qui toutes les institutions de la RD Congo étaient « illégitimes », pour Me Nkulu Kilombo de la MP, « aucune institution n’est illégitime et ne le sera, après le 19 décembre 2016 ». Pour la Majorité, la date de la fin du mandat constitutionnel du Président Kabila n’enlevait rien à la légitimité de ce dernier à la tête de l’Etat rd congolais, parce que la constitution et les lois de la République lui assignaient formellement le devoir d’exercer sa fonction jusqu’à l’installation du nouveau président élu. A la MP, on se fondait comme aujourd’hui encore sur les articles 70, 103 et 105 de la loi des lois rd congolaise pour soutenir que toutes les institutions à mandats électifs demeuraient légitimes.
Un contentieux de taille s’était donc installé entre les prélats catholiques, qui fondaient leur action politique dans l’hypothèse de la fin de la légitimité des institutions, et trahissaient une lourde tendance dans leurs rangs à se transformer en source de légitimité des pouvoirs temporels en RD Congo. La MP pour sa part était d’avis qu’il n’est de légitimité que celle issue des urnes en attendant de retourner aux mêmes urnes. Ce contentieux transparaissait dans la définition du rôle que tenait à jouer la CENCO durant la période pré-électorale. Les évêques ont proposé une formulation de ce rôle : « La CENCO désigne un représentant pour siéger au sein du CNSA en tant qu’observateur. Chaque fois, en cas de nécessité, les parties prenantes peuvent recourir à la CENCO ». Elle n’avait pas rencontré l’assentiment de la MP qui l’avait sans doute jugée trop gloutonne et l’avait rogné en proposant un amendement : « La CENCO désigne un représentant pour siéger en qualité d’observateur ». C’est tout dire des joutes en sens divers qui se sont entendues lors des derniers jours des négociations directes du Centre interdiocésain.
C’est après avoir ainsi vainement joué des pieds et des mains pour s’auto-attribuer un rôle d’arbitre des divergences entre les acteurs politiques rd congolais, en lieu et place de la Cour Constitutionnelle, que les évêques avaient arraché de justesse un accord le 31 janvier 2016, qui s’avérait inapplicable en l’état. Un accord sans modalités d’application, c’est un échec. Les prélats, qui se rendaient finalement compte de la difficulté de la tâche qu’ils se s’étaient arrogés, se sont vite rendus à l’évidence : ils avaient fait moins bien que le sémillant diplomate togolais Edem Kodjo. Et surtout mal fait de mépriser la solution africaine pour résoudre l’équation.
Lundi 27 mars 2017 jusque tard dans la soirée, la plénière de clôture des assises du Centre interdiocésain ne démarrait pas toujours. En raison, entre autres choses, d’une formulation particulièrement écornée des points de divergence qui ont fait capoter l’affaire par les services de la CENCO. En toute discrétion, la délégation de la MP avait délégué une petite équipe de négociateurs pour faire comprendre à leurs excellences que leur texte ne reflétait pas la réalité, et qu’il fallait le corriger. Chose qui a été faite non sans perdre du temps : jusqu’à 21 h 30’ passées, rien à se mettre sous la dent. Ce n’est qu’autour de 22 H 00 que les évêques avaient gagné la salle. Pour annoncer qu’ils jetaient quasiment l’éponge et renvoyaient le dossier au Président de la République. Tout en en appelant au sens de responsabilité de Joseph Kabila pour le respect de l’Accord de la Saint Sylvestre et la mise sur pieds des institutions qui en sont issues. A 23 h, le même lundi soir, il était acquis pour tout le monde que les fameux arrangements particuliers ne seraient plus signés, Félix Tshisekedi déclarant devant la presse prendre acte de l’échec des négociations et promettant de fixer « son » peuple mardi 28 mars 2017.
Opposition shégués : les radicaux de nouveau dans la rue
Le lendemain de la clôture des négociations directes du Centre interdiocésain, mardi 28 mars 2017, Jean-Marc Kabund, le secrétaire général de l’UDPS, s’est empressé d’animer un point de presse sur la 10ème rue plutôt qu’au siège du parti sis sur le Petit Boulevard, en raison d’échauffourées provoquées par des délinquants se revendiquant du parti d’Etienne Tshisekedi, qui avaient entraîné l’intervention des forces de maintien de l’ordre. Jean-Marc Kabund entendait donner la suite des ultra-radicaux de l’UDPS à la situation provoquée par l’échec des négociations directes. « Nous allons maintenant nous prendre en charge », avait-il lancé à la cantonade, invitant les « combattants » à des actions de résistance pacifique contre la dictature, à se mobiliser pour une grande marche pacifique sur toute l’étendue de la République et dans la Diaspora. Le secrétaire général de l’UDPS avait également demandé aux éléments des forces armées et de la police nationale à ne plus obéir aux ordres d’un pouvoir devenu illégitime.
Mais cet exercice de récupération allait s’avérer plus compliqué qu’il n’y paraissait à première vue. En réalité, il ne semblait pas que quiconque maîtrisait encore quoi – ou qui – que ce soit dans les rangs des combattants. En guise d’actions de résistance pacifique, c’est bien à des agressions de paisibles automobilistes dont les véhicules arpentaient le boulevard Lumumba avaient été caillassés, que les combattants s’étaient livrés dès le lendemain de la fin des travaux du Centre interdiocésain.
Le 29 mars 2017, c’était au tour du Rassop aile Félix Tshisekedi-Pierre Lumbi de se réunir, au siège de l’UDPS cette fois-là, pour procéder à « l’évaluation sans complaisance du dialogue national et inclusif du Centre interdiocésain … ». Le document de quelque 3 pages signé Félix Tshisekedi aurait pourtant prêté à rire sous d’autres cieux. Mais il avait été rendu public à Kinshasa où peu sont à même de s’étonner d’entendre dire que le Rassop avait « … renoncé à son exigence initiale – par ailleurs largement soutenue par le peuple congolais – du départ de Monsieur Joseph Kabila de la Présidence de la République Démocratique du Congo à l’échéance de son deuxième et dernier mandat le 19 décembre 2016 », en vue d’assurer la continuité de l’Etat … Comme si un parti ou un regroupement politique avait le droit de décréter la fin de la continuité de l’Etat ou de s’octroyer lui-même la direction d’institutions étatiques que sont le gouvernement et la présidence du CNSA…
Faute d’avoir obtenu gain de cause, le Rassop Tshisekedi-Lumbi confirmait, lui aussi, le plan de mobilisation générale déjà annoncé par Jean-Marc Kabund la veille.
Même s’il se dégageait comme une contradiction entre cette proclamation de la fin de la légitimité du Président Joseph Kabila et l’attachement renouvelé à l’Accord du 31 décembre 2016, un document qui stipule noir sur blanc que Joseph Kabila demeurait Président de la République jusqu’à l’élection du prochain président de la République. Il ne s’agissait donc pas d’une réelle proclamation de la fin de la légitimité de Joseph Kabila, à laquelle personne ne croyait vraiment, même au Rassop. C’est de pressions à exercer sur l’homme qui détient la clé de l’énigme qu’il s’agissait, s’il faut appeler le chat par son nom.
Accord de la Saint Sylvestre : Kabila reprend l’initiative
L’arène politique rd congolaise, ce n’est pas une affaire d’enfants de chœur. Les nouveaux princes de l’église catholique qui s’y sont lancés il y a quelques mois non sans trahir d’innocentes mais non moins coupables présomptions, l’auront appris à leurs dépens. L’acteur politique rd congolais n’a rien d’un catéchiste obséquieux, ainsi qu’en attestent les tribulations qui ont émaillé la mission des bons offices conduite par les prélats de l’église catholique romaine depuis début novembre 2016. Sur les principes, un accord avait bien pu être arraché tard dans la nuit de la Saint Sylvestre, le 31 décembre 2016. Mais au sujet des ambitions politiques personnelles qui ont dominé les négociations dites directes du Centre interdiocésain de Kinshasa, il n’avait pas été possible de sortir de l’auberge des aspirations et ambitions individuelles. A l’étape des arrangements de partage de strapontins, l’affaire cléricale a capoté, ainsi que le constatait en termes autrement plus réalistes, l’ex. MLC José Makila. Sur les antennes de nos confrères de la Radio Top Congo FM, le ministre d’Etat en charge des Transports et voies de communication du gouvernement issu de l’accord de la Cité de l’OUA avait qualifié l’Arrangement particulier d’arrangement entre personnes. Comme pour soutenir que d’une manière ou d’une autre, l’affaire était vouée à l’échec dès le départ, compte tenu du fait qu’on ne pouvait satisfaire tout le monde à la fois.
Près de 5 mois se seront donc écoulés avant que les évêques catholiques réunis au sein de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) ne se rendent compte de leur méprise : c’est depuis l’épisode de la Tour de Babel que l’humain s’apparente à un loup pour l’autre. Rien à faire, même au nom du Christ Sauveur et Rédempteur. Et peut-être aussi qu’à César, il faut rendre ce qui lui est dû. C’est chose faite, depuis l’échec constaté de la signature de l’Arrangement particulier. Marcel Utembi, le président de la CENCO et son équipe, ont renvoyé la balle dans le camp de Joseph Kabila. Le Président de la République Chef de l’Etat, selon la constitution encore en vigueur en RD Congo, a repris les commandes des opérations de remise en ordre dans l’écurie. Avec le mérite d’avoir laissé s’épuiser toutes les voies de recours hors de son autorité établie mais soumise à contestation. Y compris par les princes de l’église catholique auxquels il avait un moment confié une mission de bons offices.
C’est le secrétaire général de la Majorité kabiliste, Aubin Minaku, qui s’est lancé dans des consultations avec la classe politique pour parachever l’œuvre cléricale. Non sans buter sur la naturelle et impossible inclusivité totale de la classe politique. Dans le compte rendu de la réunion du bureau politique de la MP du lundi 3 avril 2017, Alain Atundu Liongo, le porte-parole de la famille politique joséphite, avait reconnu que tous les protagonistes du Centre interdiocésain avaient répondu à l’appel à l’exception notable du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement, aile Félix Tshisekedi-Pierre Lumbi. Sans vraiment surprendre l’opinion rd congolaise, parce que dans la presse paraissant à Kinshasa et sur internet, Félix Tshilombo Tshisekedi avait décrété que les concertations initiées par Joseph Kabila ou sa famille politique étaient … illégales.
Il n’empêche qu’après avoir reçu le rapport de la mission des bons offices de la CENCO Joseph Kabila avait, dans un message à la Nation fait au parlement réuni en congrès, annoncé sa décision de reprendre les commandes des négociations directes et de consulter tout ce que la RD Congo compte de tendances politiques et sociales. Pour la journée du lundi 3 avril 2017, les délégués de la société civile signataire de l’Accord du 18 octobre et leurs adversaires non signataire du même accord étaient inscrits au rendez-vous. Ainsi que les délégués de l’opposition signataire de l’accord du 18 octobre et ceux de l’opposition dite républicaine.
Avril : Appels à des « marches » qui font flop
La prochaine fois serait peut-être la bonne, espérait-on dans les travées de l’opposition politique rd congolaise aux lendemains de l’échec des négociations du centre catholique interdiocésain. Particulièrement pour les forces politiques et sociales acquises au changement, qui avaient appelé à une série de manifestations de rues sur toute l’étendue du territoire national lundi 3 avril 2017. Mais dans une certaine mesure, pour la Majorité Présidentielle qui, elle, avait lancé un contre-appel à manifester, accusant l’opposition de manœuvrer pour retarder le processus électoral. Parce que selon les informations disponibles au milieu de l’après-midi de ce lundi, toutes les grandes agglomérations de la RD Congo avaient bel et bien fonctionné, quoique au ralenti. Alain André Atundu Liongo, le porte-parole de la MP, rendant compte d’une réunion du bureau politique, pouvait féliciter les Congolais en général et les Kinois en particulier de n’avoir pas suivi le mot d’ordre du Rassop.
Ce qui n’a pas empêché les empoignades habituelles entre les adeptes du « verre à moitié plein » et ceux du « verre à moitié vide », dans les rues de Kinshasa et sur les réseaux sociaux particulièrement.
Pour protester contre la nomination de l’un des leurs, l’UDPS Bruno Tshibala aux fonctions de 1er ministre du gouvernement d’union, le 7 avril 2017, l’UDPS et le Rassop/Limete ont appelé les rd congolais à une marche le 10 avril. Mais la marche opposante n’a simplement pas eu lieu, contrairement aux prétentions du SG Katumbiste de l’UDPS, Jean-Marc Kabund, qui assurait au cours d’un point de presse à Limete pouvoir marcher jusqu’au Palais de la Nation et y remettre en mains propres la déclaration des opposants à Joseph Kabila. « Le secrétaire général le plus folklorique qu’ait connu l’UDPS », selon le commentaire d’un confrère habitué aux manifestations du Rassop avait brillé par… son absence au point de rencontre de la commune de Lingwala. Autant que son ami Félix Tshisekedi Tshilombo qui, dimanche 9 avril encore, présidait au siège du parti paternel sur le Petit Boulevard à Limete, une réunion réputée « importante » de sa frange du Rassop consacrée à cette marche alors qu’il s’apprêtait déjà à prendre un vol régulier d’Ethiopian Airlines, vers Marrakech au Maroc via Addis-Abeba. « Convoqué par son mentor Moïse Katumbi », selon une source à Limete. L’ancien gouverneur de l’ex province du Katanga séjournait depuis plusieurs heures dans la bourgade marocaine d’où il s’était fendu d’un nouvel appel au djihad contre les autorités rd congolaises. Parce qu’elles ne l’avaient pas nommé à la tant convoitée primature.
Kinshasa n’aura donc pas marché et l’appel de l’opposition n’a pas été suivi d’effets escomptés. D’autant plus que dimanche dans la soirée, les autorités urbaines avaient diffusé un communiqué interdisant toute manifestation publique, et menacé de disperser tout regroupement de plus de 10 personnes. Conséquence : la capitale de la RD Congo a tourné au ralenti, avant de reprendre son train-train habituel, petit à petit. Un peu en raison de l’important dispositif sécuritaire mis en place par les services de la police, dont véhicules et éléments armés et non armés sillonnaient les principales artères lorsqu’elles ne protégeaient pas les points dits chauds d’où partent habituellement les émeutes kinoises.
Autre réaction contre la nomination de l’ancien porte-parole de feu Etienne Tshisekedi et organisateur de la réunion de Genval : celle de l’Union Européenne, que la Majorité Présidentielle avait lourdement fustigée au cours d’un point de presse le même 10 avril 2017. Au terme de la réunion de son bureau politique au Pullman Fleuve Congo Hôtel, la famille politique de Joseph Kabila avait rendu publique une déclaration en trois points, dont la déclaration de certains ambassadeurs de l’Union Européenne relative à cette nomination ; ainsi que les déclarations d’un acteur politique rd congolais à partir du territoire d’un pays ami. En fait, il s’agissait de l’appel à manifester lancé de Marrakech au Maroc par Moïse Katumbi, qui incitait les militaires à trahir leur serment et à se retourner contre l’autorité établie. La MP a invité les autorités judiciaires à se saisir de ce fait infractionnel dont s’était rendu coupable l’ancien gouverneur de l’ex. province du Katanga. Au sujet de la déclaration de certains ambassadeurs de l’UE, précisément du bureau de la délégation de l’Union Européenne à Kinshasa, Aubin Minaku avait rappelé le principe de la souveraineté qui fonde les relations entre Etats, et indiqué que la famille politique du Chef de l’Etat condamnait la sortie médiatique du bureau de la délégation de l’UE au sujet de la nomination d’un nouveau 1er ministre par Joseph Kabila. Enfin, la famille politique de Joseph Kabila a pris acte de la nomination de l’UDPS Bruno Tshibala en qualité de 1er ministre et lui assurait son soutien républicain.
Coopération militaire belgo-congolaise suspendue
Le 13 avril 2017, Laurence Mortier, porte-parole du ministère belge de la Défense, annonçait à la presse que la République Démocratique du Congo avait décidé de suspendre sa coopération militaire avec la Belgique. Cette coopération était essentiellement axée sur la formation des FARDC. Notamment, des unités commandos au Centre d’instruction de Lukando au Maniema. Kinshasa manifestait ainsi son vif mécontentement à l’égard de la position belge par rapport à la nomination de Bruno Tshibala au poste de Premier ministre et aux trop nombreuses interférences de l’ancienne métropole coloniale dans la politique intérieure de la RD Congo.
Le Royaume de Belgique, comme la France, l’Union européenne et d’autres puissances occidentales ont critiqué la nomination de Tshibala estimant qu’elle « ne reflètait pas l’esprit et la lettre de l’Accord du 31 décembre », sans élaborer. « En fait tout se passe comme si ces anciens colonisateurs avaient leurs hommes-liges qu’ils ont tenté vainement d’imposer au président Kabila et à sa majorité », estime un chercheur de l’Université de Kinshasa.
Mai : le gouvernement Tshibala
L’opinion rd congolaise et internationale avait pris connaissance, mardi 9 mai 2017,dans la mi-journée, de la composition du gouvernement d’union dirigé par le 1er ministre/Rassop nommé un mois plus tôt, Bruno Tshibala. Une équipe de 60 personnes comprenant, outre le 1er ministre, 3 vices-premiers ministres, 9 ministres d’Etat, 35 ministres et 11 vice-ministres, que d’aucuns ont jugé éléphantesque : la nouvelle équipe gouvernementale battait le record de ministres d’Etat, c’est déjà cela. Mais il faut sans doute voir dans cette pléthore le souci de ratisser large et de rassembler autant que faire se pouvait. Par rapport à l’objectif visé, c’est-à-dire, dans l’optique de l’organisation d’élections aussi peu contestables que possible, associer le plus de tendances politiques possibles à la gestion des périodes pré-électorales et électorales. Dans cette optique, l’équipe Bruno Tshibala, c’est déjà mieux que l’équipe précédente, dirigée par l’UDPS Samy Badibanga, dont une grande partie des ministres faisait, du reste, partie de la nouvelle mouture. L’ordonnance n° 17/005 du 8 mai 2017 signée par le Président de la République s’inscrivait donc dans la logique enclenchée avec le dialogue de la Cité de l’OUA, qui s’est poursuivie à travers le dialogue du Centre interdiocésain de Kinshasa dont le but ultime était de ratisser plus large qu’en septembre 2016, au terme des assises facilitées par le Togolais Edem Kodjo.
Certes, il n’aura pas été possible d’inclure tout le monde dans la démarche unificatrice souhaitée par tous, le Président de la République, Joseph Kabila en premier. L’inclusivité parfaite derrière laquelle certains se sont abrités s’est avérée un vaste leurre susceptible de compromettre plus dangereusement encore la poursuite du laborieux processus électoral rd congolais en gestation. Le centre interdiocésain aura révélé que les acteurs politiques sont plus portés sur le partage du pouvoir au terme de conciliabules répétitifs et sur le dos du souverain primaire que vers les urnes.
Le gouvernement d’union nationale dirigé par le Rassop Bruno Tshibala, c’est donc, en plus des ralliements à l’objectif d’une co-organisation des prochains scrutins acquis au terme du dialogue de la Cité de l’OUA, l’arrivée d’une partie de la frange de l’opposition née à Genval en Belgique à l’instigation d’Etienne Tshisekedi et Cie. On y a enregistré ainsi l’arrivée de Joseph Kapika, un économiste très proche du défunt président de l’UDPS connu pour avoir pris part aux rencontres ultra sécrètes Ibiza et de Venise. Mais aussi Jean-Pierre Lisanga Bonganga, le coordonnateur du groupe des Amis d’Etienne Tshisekedi, récemment mué en plate-forme politique. Le député national Emery Okundji des Fonus y représente sans doute plus que tout autre l’aile Kasavubu du Rassop dirigé par son frère aîné, Joseph Olenghankoy. De même que le professeur Tshibangu Kalala, le juriste maison à qui revient le mérite d’avoir bétonné le dossier de cette aile du Rassop créée en réaction à la désignation du Katumbiste Pierre Lumbi Okongo en remplacement d’Etienne Tshisekedi à la présidence du Comité National de Suivi de l’Accord et du Processus Electoral. Avec eux, il faut ajouter le député Lumeya Dhu Maleghi, Ingele Ifoto et autre Eva Mwakasa.
Restent en dehors de cette tendance consensuelle vers l’organisation dans les meilleures conditions des scrutins présidentiel, législatifs et sénatoriales, les animateurs de l’aile dure du Rassop. Essentiellement donc, le G7 katumbiste et une partie de l’UDPS d’Etienne Tshisekedi, qui peuvent constituer un contrepoids rassurant quant à l’objectivité et à la transparence du processus en cours même s’ils ne font pas parties du gouvernement dit d’union nationale. Le Rassop/Limete, comme on le désigne pour le distinguer du Rassop/Kasavubu de Joseph Olenghankoy et Cie, vient d’ailleurs de se constituer en groupe parlementaire de l’opposition, et demeure donc dans les institutions de la République.
Le gouvernement Tshibala, a donc été le fruit du ras-le-bol au chantage à l’inclusivité parfaite. On prend ceux qui en veulent et fonce vers les urnes.
Samedi 13 mai 2017, Bruno Tshibala et son équipe ont subi l’épreuve de l’adoubement par la chambre basse du parlement.
Les protestants ne suivent pas les catholiques
Sur l’évolution de la situation politique en RD Congo, les confessions religieuses, comme les acteurs politiques, sont loin d’émettre sur la même longueur d’ondes. Loin s’en faut. Au terme de leur session extraordinaire, tenue du 11 au 14 mai 2017 au Centre des conférences Mgr Shaumba de Kinshasa, les évêques de l’Eglise du Christ au Congo, la plus grande confession religieuse après l’église catholique romaine, ont rendu publique une déclaration qui tranche avec les habitudes qui consistent à tirer invariablement sur le pouvoir en place, auxquelles les rd congolais ont été habitués par les prélats de l’église catholique romaine, depuis l’ère de la dictature mobutiste. La déclaration signée par au moins 11 des évêques de l’Eglise du Christ au Congo (ECC) dimanche 14 mai 2017 surprend par son ton modéré, humble, conciliant aussi bien que constructif pour le peuple et les chrétiens rd congolais. Et en cela, « sort des sentiers battus », selon l’expression d’un enseignant à l’université de Kinshasa, pourtant catholique pratiquant. Sans doute un peu parce que les évêques protestants ont axé leurs cogitations sous un thème appelant au dépassement : «Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur la montagne ne peut être cachée». Mathieu, 5,14.
Les pieds solidement ancrés sur terre, les prélats de l’ECC mettent l’accent sur le respect de la constitution de leur pays dès le premier point de leur déclaration. Les querelles continuelles des acteurs politiques traduites par les divisions dans les regroupements politiques sont une menace qui guette le respect de la constitution, édictent-ils. Avant de déplorer la recrudescence de l’insécurité en certains points du territoire national, dont l’espace kasaïen, causée par les affrontements entre groupes armés et entre groupes armés et armée nationale. « Des milliers de familles sont en perpétuel déplacement en fuite des affrontements … », déplorent les évêques protestants, sans pointer de doigt accusateur sur qui que ce soit, même au nom de Jésus. Il en est de même de la situation socio-économique caractérisée par la paupérisation des populations rd congolaises, qu’ils ont décortiqué sans complaisance avant de proposer des solutions sans damnations aucune, dans un esprit plutôt positif.
D’abord au Président de la République, à qui ils demandent de « tout mettre en œuvre pour assurer le respect de la constitution en tenant compte de tous les accords signés tendant à faciliter l’organisation des élections démocratiques, transparentes et apaisées ». Une recommandation que leurs excellences protestantes émettent après avoir « pris acte de la nomination d’un nouveau 1er ministre et d’un nouveau gouvernement ». Sans le moindre commentaire, désapprobateur ou approbateur. Suivi d’une autre relative à la justice. A ce sujet, ils ont recommandé au Président « en tant que magistrat suprême, (de) faire respecter l’indépendance du pouvoir judiciaire et (…) veiller à l’application effective des décisions judicaires afin de mettre fin à l’impunité ».
Le gouvernement de la République, les deux chambres du parlement, le pouvoir judiciaire, les services de sécurité, la Commission Electorale Nationale Indépendante, les médias, le peuple congolais et même les groupes armés, ont eu aussi droit aux recommandations des évêques protestants.
Sortent de l’ordinaire, cependant, les recommandations adressées à la classe politique et aux confessions religieuses.
Vis-à-vis des acteurs politiques, et surtout des chefs des partis politiques, l’Eglise du Christ au Congo se montre très peu complaisante et éventre, pour ainsi dire, le boa. Au sujet du processus électoral, notamment. « Bien expliquer à leurs militantes et militants le contenu global de l’accord conclu sous la facilitation de la CENCO en ce qui concerne plus particulièrement le chapitre IV relatif au Processus électoral ; qui stipule que Les parties prenantes conviennent de l’organisation des élections en une seule séquence présidentielle, législatives nationales et provinciales au plus tard en décembre 2017. Toutefois, le Conseil National de Suivi de l’Accord et du Processus Electoral, le Gouvernement et la CENI peuvent unanimement apprécier le temps nécessaire pour le parachèvement desdites élections », conseillent les évêques protestants aux politiques. Leurs excellences ont crevé ainsi l’abcès entretenu par ceux des politiciens qui, déjà, brandissaient l’échéance de décembre prochain comme une date butoir apocalyptique au-delà de laquelle plus ne rien ne serait possible. Les parties prenantes aux concertations facilitées par la CENCO avaient en effet convenu d’une soupape de sécurité : c’est au CNSA, à la CENI et au Gouvernement que revient la prérogative d’apprécier le temps nécessaire au parachèvement des élections. Pas à un parti politique, fut-il de l’opposition radicale.
A leurs confrères des confessions religieuses, les évêques protestants recommandent « d’être neutres, s’abstenir de prendre position pour l’un ou l’autre parti ou regroupement politique et demeurer l’Eglise au milieu du village pour bien jouer leur rôle prophétique ». Et aussi, de « faire usage d’un discours réconciliant ». Impossible de ne pas voir dans ces recommandations l’ombre de leurs collègues de l’église catholique romaine rd congolaise, à qui on a récemment reproché des penchants en faveur de l’un ou l’autre groupe d’acteurs politiques. Mais aussi, dans un passé qui ne remonte pas à bien loin, des fatwa contre une frange de la classe politique assortis de menaces à peine voilés d’insurrection et de révolution populaire.
Peur sur la ville : attaques terroristes à Kinshasa
Le 17 mai 2017 fut une date anniversaire de commémoration de l’anniversaire de la victoire des troupes de Laurent-Désiré Kabila particulière, même si la veille, le patron de la territoire rd congolaise avait décidé qu’elle serait consacrée à la méditation selon des programmes à arrêter par ses représentants provinciaux. A Kinshasa, où étaient prévues des manifestations, somme toute sobres, se sont tenues au Shark Club de la Gombe, une partie de la ville aura fêté dans la terreur. Celle située dans les parages immédiats du Centre Pénitentiaire et de Rééducation de Kinshasa (CPRK), l’ex prison centrale de Makala. Aux alentours de 3 heures du matin, les riverains de l’immense établissement peint en blanc ont été réveillés par des tirs nourris à l’arme automatique : la prison était attaquée, cela ne faisait aucun doute pour beaucoup ici, qui n’ignoraient pas que ce lieu carcéral avait déjà fait l’objet d’agression armée plus d’une fois par le passé. Aux petites heures, mercredi 17 mai 2017, la situation restait encore confuse mais on pouvait apprendre de bonne source que l’expédition contre la prison de Makala était l’œuvre des adeptes du Gourou de Bundu dia Kongo, Ne Mwanda Nsemi, formellement reconnus par le bourgmestre de la commune de Selembao. Avant que le ministre d’Etat en charge de la justice et Garde des sceaux, Alexis Thambwe Mwamba, ne confirme l’information et n’avance le nombre de quelque 50 détenus qui ont profité de l’occasion pour partir en cavale. Les prisonniers emblématiques, à l’exception de Ne Mwanda Nsemi, étaient tous restés dans leurs cellules, avait également assuré le ministre.
Sur les lieux des exploits BDK, les tirs à l’arme automatique étaient encore audibles jusque 7 h du matin environ. Mais les sources du Maximum assuraient que des unités de la Garde Républicaine appelées en renfort aux policiers débordés par l’ampleur de l’attaque avaient déjà pris le contrôle de la prison et maîtrisaient la situation depuis au moins deux heures. Les mêmes sources rapportaient que ce sont les éléments de la police commis à la surveillance de l’ex prison de Makala qui auront payé le plus grand tribut de l’attaque BDK. La quasi-totalité des policiers postés à l’entrée principale de l’établissement carcéral ont été tués par les assaillants qui avaient fait usage d’armes de guerre sans la moindre hésitation. De l’attaque elle-même, qui a complètement désorienté les forces de l’ordre, on rapporte qu’elle avait visé plusieurs points de l’immense prison éparpillant ainsi la réplique policière. Seule l’arrière de l’établissement, par laquelle se sont enfuis Ne Mwanda Nsemi et une vingtaine de ses libérateurs, a été épargnée jusqu’au moment de la fuite. Mais un affrontement s’y est produit entre les adeptes du Gourou et les policiers, faisant une dizaine de mort parmi les assaillants. Ne Mwanda Nsemi, qui était dans le groupe, l’aura donc échappé belle.
Les BDK n’ont pas seulement tué à Makala. Ils ont aussi pillé, incendié véhicules et bureaux, occasionnant la fuite de nombreux prisonniers parmi lesquels des dangereux criminels généralement enfermés au Pavillon II. Un communiqué officiel de la Police Nationale Congolaise, rendu public par son porte-parole, le Colonel Mwanamputu, en faisait état et sollicitait la collaboration des kinois pour les dénoncer aux forces de sécurité afin d’éviter la recrudescence de la criminalité dans les prochains jours.
Certains éléments de la branche armée du MLC de Jean-Pierre capturés armes à la main à la main et condamnés à des peines d’emprisonnement avaient pris le large, près d’une dizaine selon des sources, en même temps qu’un grand nombre de « petits criminels » habituellement hébergés aux Pavillons 10 et 11. Le Pavillon 9, réservé aux dames, se serait quasiment vidé de son monde. Les représentants du sexe faible ont préféré les risques de la cavale à la vie carcérale. Près de 200 dames ont disparu dans la nature.
Une véritable chasse aux évadés a été lancée dès le mercredi 17 mai et un certain nombre parmi eux a été arrêté selon un communiqué rendu public dans l’après-midi : « Nos forces sont en alerte partout dans la ville de Kinshasa dans les différentes communes. A l’heure actuelle, plusieurs prisonniers qui étaient en fuite ont été récupérés et les opérations sont toujours en cours », avait déclaré le Colonel Pierrot Mwanamputu, porte-parole du Commissaire général de la Police nationale congolaise à Politico.cd.
Révision du fichier électoral : Kinshasa s’enrôle
Au cours d’une rencontre avec une délégation de la société civile, lundi 22 mai 2017, le Vice-président de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), Norbert Basengezi Katintima, a annoncé le début des opérations d’enrôlement des électeurs dans la capitale de la RD Congo, fixé au 28 mai 2017. D’entrée de jeu, Norbert Basengezi a présenté aux acteurs de la Société civile l’évolution de l’opération de la révision du fichier électoral depuis l’étape de la province pilote du Nord Ubangi jusqu’au stade actuel en passant par les provinces des aires opérationnelles 1 et 2, d’une part, et celles des aires opérationnelles 3 et 4, d’autre part.
Abordant l’évolution de l’enrôlement des électeurs dans les différentes provinces, le Vice-président de la CENI a invité les acteurs de la Société civile kinoise à renforcer la sensibilisation des électeurs de manière à permettre à la ville de récupérer ses sièges perdus par rapport à l’enrôlement de 2006 et celui de 2011.
4.413.038 électeurs étaient attendus par la CENI à Kinshasa, qui avait implanté 969 Centres d’inscription (CI) disposant au total de 1.295 kits d’enrôlement des électeurs. En termes comparatifs, la CENI avait implanté 687 Centres d’inscription à Kinshasa en 2011 pour 3.268.588 électeurs enrôlés. On observe une augmentation de 282 CI et un accroissement d’électeurs attendus de l’ordre de 1.144.450.
Le Vice-président de la CENI avait mis à la disposition des acteurs de la Société civile les textes nécessaires relatifs à l’identification et à l’enrôlement des électeurs en République Démocratique du Congo, notamment la loi portant identification et enrôlement des électeurs.
Les acteurs de la Société civile avaient ainsi été invités à sensibiliser la population kinoise car l’enrôlement se déroulait en termes de compétition entre les provinces, mais aussi à protéger le personnel, matériel et infrastructures de la CENI. Pour réussir cette sensibilisation de la population, Les préoccupation des acteurs de la Société civile ont porté essentiellement sur la réforme du système électoral congolais et la modification de la loi électorale, l’enrôlement des électeurs dans les provinces du Kasaï et Kasaï Central, la tenue ou non de la date du 31 juillet pour la clôture des opérations d’identification et d’enrôlement des électeurs, l’enrôlement des Congolais de l’étranger et les modalités pratiques du lancement de l’enrôlement des électeurs dans la ville de Kinshasa.
UE : sanctions ciblées contre des personnalités rd congolaises
Dans ses relations déjà tumultueuses avec la RD Congo, l’Union Européenne (UE), circonvenue par la Belgique, a franchi le Rubicon en confirmant, lundi 29 mai 2017, des sanctions dites ciblées contre 9 personnalités rd congolaises. Une décision qui portait à 16 au total le nombre des responsables politiques, militaires et des services de sécurité visées par des mesures d’interdiction de séjour sur le vieux continent et de gel d’avoirs. Le gouvernement congolais s’est officiellement insurgé contre cette décision et promis des mesures de rétorsion. D’abord, parce que du point de vue du droit international qui gère les relations entre Etats depuis la fin de la seconde guerre mondiale, seul le Conseil de sécurité des Nations-Unies est habilité à prendre des sanctions contre un Etat ou ses préposés, et ce à certaines conditions précises, notamment, qu’il n’y soit pas opposé de véto formel. Les ambassadeurs européens réunis à Bruxelles ont, à cet égard enfoncé le clou en contournant la législation internationale en la matière, pour les besoins de la cause d’un quarteron de mercantilistes belges décidés à en découdre avec le président Joseph Kabila. Ces derniers n’étaient pas en effet sûrs d’emporter l’adhésion de l’ensemble des membres du conseil de sécurité des Nations-Unies. Exactement comme il y a quelques années, lorsque les Etats-Unis, la Grande Bretagne et la France d’un certain Nicolas Sarkozy, avait décidé de rayer la Libye de Mouammar Kadhafi et son leader progressiste de la carte du monde en allant jusqu’à faire assassiner ce dernier dans des conditions particulièrement atroce.
Les sanctions européennes, prises le 12 décembre 2016 et le 29 mai 2017 l’ont donc été au mépris des principes du droit international. Elles marquent un tournant qui consacre un retour en arrière de plusieurs siècles et ré inaugurent les ères de la traite esclavagiste et du colonialisme. Sans doute aussi, d’élans de résistance des Etats et peuples victimes qu’appellent ce type de traitement méprisant qui constitue une grave entorse au respect du droit et de la dignité due à l’être humain, quel qu’il soit et où qu’il se trouve.
Les Etats européens s’érigent ainsi carrément en une sorte d’instance supra gouvernementale chargée de régenter la vie politique, économique et sociale en RD Congo sur base de principes égocentriques iniques unilatéralement appliqués. C’est le retour au droit « impérial » que traduisent les décisions de l’UE à l’encontre des autorités d’un Etat indépendant, qui trace une croix indélébile sur la notion même d’indépendance et de souveraineté. Le ton extrêmement comminatoire du communiqué signé par les ambassadeurs européens lundi 29 mai dernier ne laisse planer aucun doute à ce sujet : l’UE « exhorte les autorités de la RDC à agir dans le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales et à initier sans retard des enquêtes sérieuses et transparentes, en parallèle d’une expertise internationale de haut niveau pour renforcer leur crédibilité et indépendance, et qui puissent identifier les responsables des actes de violence et des massacres. Elle souligne la nécessité que la MONUSCO puisse pleinement exercer son mandat et que l’accès des acteurs humanitaires aux régions touchées par la crise soit garanti. L’UE reste également préoccupée par les restrictions persistantes sur l’espace démocratique et les droits fondamentaux, notamment les restrictions sur les médias et l’interdiction des manifestations », ont-ils martelé au sujet de ce qu’ils considèrent comme une détérioration de la situation et un « usage disproportionné de la force » dans la gestion de la crise kasaïenne, particulièrement.
Sur le continentafricain, des voix se sont aussitôt élevées pour critiquer la nouvelle saillie paranoïaque des européens manipulés par la Belgique. En commençant par l’Angola, dont le ministre des Affaires étrangères, M. Chikoti, a estimé lundi 30 mai 2017 que les sanctions européennes étaient rien moins que « prématurées ». L’homme d’Etat angolais s’exprimait à l’occasion d’un séjour à Kinshasa dans le cadre de la réunion du groupe de suivi de l’Accord-Cadre d’Addis-Abeba, conclu sous l’égide du Conseil de sécurité des Nations-Unies et dont un important volet est précisément consacré à la situation politique interne en RD Congo.
En RD Congo, le gouvernement a promis une réponse appropriée aux sanctions européennes. « Nous ne pouvons rester indifférents à ces sanctions injustes qui ne respectent en aucun cas la souveraineté de la RDC. Il y aura une réponse appropriée à ces sanctions », a déclaré à Politico.cd un membre du cabinet du vice-premier ministre et ministre des affaires étrangères, Léonard She Okitundu. Des sources crédibles ont rapporté qu’aussitôt les fameuses sanctions ciblées ébruitées à Kinshasa, au milieu de la semaine dernière, Léonard She Okitundu avait convoqué les ambassadeurs européens en poste à Kinshasa pour en avoir le cœur net, avant d’effectuer un important déplacement en Afrique du Sud.
Une fois n’est pas coutume, c’est des rangs de l’opposition politique nationale qu’est partie la plus cinglante et pertinente des critiques vis-à-vis des européens. Le Dr Alexis Mukwege, gynécologue à l’hôpital de Panzi au Sud Kivu, connu aussi bien pour ses interventions en faveur des femmes victimes de viols dans son pays que pour son aversion à l’encontre du pouvoir en place à Kinshasa, a en effet vertement reproché à l’Union Européenne son mutisme concernant son silence vis-à-vis des responsables occidentaux de l’exploitation des minerais de sang au Kivu, dont le coltan, principalement.
Juin : conclave des radicaux du RASSOP à Limete
Samedi 10 juin 2017, le Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement (RASSOP), créé à Genval (Bruxelles) à l’instigation des néolibéraux belges dans le but de défenestrer Joseph Kabila et sa majorité présidentielle (MP) du pouvoir avant décembre 2016, avait totalisé un an. Depuis lors, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, emportant l’essentiel des objectifs que s’étaient assignés ces radicaux de l’opposition politique en RD Congo. En effet, il ne leur a pas été possible de « dégager » Joseph Kabila, l’élu de 2006 et 2011, par la voie insurrectionnelle soigneusement fomentée à Bruxelles et financée à coup de centaines de milliers de dollars par le richissime ex. gouverneur de l’ex. Katanga et ses amis dans l’ancienne métropole coloniale de la RD Congo. Seuls quelques innocents entraînés dans la tragédie par des radicaux sans scrupules auront payé les frais d’ambitions politiques irréalistes en perdant la vie ou d’importants biens matériels.
Contrairement aux ambitions brandies dans les salles de conférence lambrissées du complexe hôtelier de Genval, il n’aura pas non plus été possible de se passer de toute négociation avec un Joseph Kabila toujours droit dans ses bottes et aussi flegmatique et mystérieux qu’à l’accoutumée. Les pourparlers du Centre interdiocésain de Kinshasa ont bien dû placer les « genvalistes » en face des partisans du camp présidentiel qui a aligné une fine équipe d’excellents négociateurs. Encore qu’il est de quasi notoriété publique que nombre de radicaux n’avaient résisté à la tentation de gravir les marches du Palais de la Nation, le bureau du numéro un congolais naguère promis à un « défenestrage » sans autre forme de procès quelques mois plus tôt, ou encore le parvis de l’une de ses résidences privées. En ce compris Félix Tshilombo Tshisekedi, le fils du défunt président du conseil des sages du Rassop en personne, qui n’a pas eu de cesse de caresser l’idée de voir Joseph Kabila apposer sa signature sur une ordonnance présidentielle pouvant lui permettre d’occuper les fonctions de 1er ministre du gouvernement d’union nationale.
Le régime constitutionnel spécial prôné de manière tonitruante par les radicaux – en remplacement de celui prévu la constitution adoptée par les rd congolais – n’a pas non plus obtenu la moindre chance en dépit de la complaisance flagrante des évêques catholiques appelés à la rescousse par Katumbi et ses affidés belges après que Joseph Kabila leur eût confié une mission de bons offices dont ils tentèrent vainement d’abuser pour faire le lit de l’accession au pouvoir d’Etat du candidat des radicaux à la présidentielle, Moïse Katumbi Chapwe, par des voies non démocratiques.
Le Rassop a plutôt perdu des plumes. De nombreuses plumes qui ornent aujourd’hui la table des modérés réalistes qui se sont résolus à prendre part aux préparatifs conjoints avec la majorité présidentielle et la société civile pour l’organisation d’élections susceptibles d’assurer l’alternance pacifique au pouvoir. Tout semble donc à revoir. Un conclave était prévu dès jeudi 8 juin 2017 pour ce faire.
Dans une interview à nos confrères de Politico.cd, Claudel Lubaya, un transfuge de l’UNC de Vital Kamerhe débauché par Moïse Katumbi, le reconnaissait entre les lignes. Les radicaux doivent discuter agenda électoral, un point qui n’était pas initialement prévu parce que la voie insurrectionnelle semblait la plus prompte pour accéder au pouvoir d’Etat et de l’opposition à la tenue du referendum qui ne semble pas non plus avoir été prévu par leurs adversaires de la MP qui se préparent sérieusement aux scrutins à venir. Autre point projeté pour les délibérations du Rassop/Katumbi : la non-représentation de Joseph Kabila à la prochaine élection présidentielle, encore une parfaite incertitude, l’intéressé n’ayant jamais affirmé qu’il avait l’intention de se représenter. Son interview avec nos confrères du Der Spiegel en attestait.
Dans tous les cas d’espèce, chez les radicaux du Rassop, on en était plus aux ambitions politiques révolutionnaires affichées un an auparavant, à la création de la plateforme.
La CENCO vent debout contre Kabila l’indocile
Vendredi 23 juin 2017 s’est clôturée à Kinshasa la 54ème session de l’Assemblée plénière des évêques de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO), ouverte 4 jours plus tôt. Une session qui intervenait près d’un trimestre après la fin en demi-teinte des négociations du Centre interdiocésain conduits par un groupe de prélats de l’église catholique romaine depuis fin mars 2017. Dont les conclusions auront lourdement impacté les travaux cléricaux, nonobstant les circonlocutions dans lesquelles le porte-parole de l’épiscopat, le très politique Abbé Donatien Nshole, secrétaire général de la CENCO, a tenté de noyer la déclaration rendue publique à l’issue des travaux. Les évêques ont sans ambages pris position contre le pouvoir en place, de même qu’ils ont annoncé, avec les mêmes mots que les plus extrémistes radicaux de l’opposition rangés sous la bannière du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement, l’apocalypse pour décembre 2017. Les prélats qui dirigent l’Eglise catholique romaine de la RD Congo ont donc manifestement fait le choix, très humain, de prendre leur revanche sur Joseph Kabila, non sans exposer les défauts de la cuirasse.
A l’intention de l’opinion, leurs excellences se sont fendues d’une communication exclusivement politique, «comme si elles tenaient encore le rennes des joutes avec les acteurs politiques», ainsi que l’a fait observer un membre du gouvernement central, chrétien catholique très engagé, pourtant. «Le Pays va très mal. Debout, Congolais !», le titre du message rendu public au début du week-end dernier, est tout sauf un appel à une solution d’apaisement ou de convivialité pour résoudre les problèmes du pays, et trahit le degré du parti pris politique des princes de l’Eglise catholique. Comme en 1960, lorsque leurs précurseurs belges qualifiaient Patrice Emery Lumumba de dangereux communiste à éliminer à tout prix.
La 54ème session de l’Assemblée plénière des évêques catholiques avait pourtant traité de questions relatives à la situation socio-pastorale du pays, à la présentation des rapports synthèse des commissions épiscopales, au projet d’éducation civique et électorale, au Guide de l’Apostolat des laïcs, au Guide pour la nouvelle évangélisation, au livret catéchétique de la famille chrétienne, au plan triennal de l’éducation, au synode des évêques sur les jeunes, aux statuts du sanctuaire Bienheureuse Anuarite, au statut du Renouveau Charismatique, à la convention entre l’Etat congolais et la CENCO en matière de santé … autant de questions sur lesquelles les chrétiens catholiques auraient aimé en savoir davantage sur les cogitations de leurs pasteurs. Mais qui ont été banalisées au profit des épanchements politiciens des calottes sacrées : les évêques ont carrément mis sous le boisseau catéchèse et pastorale et sont montés sur les barricades du combat politique contre le régime de Joseph Kabila et sa majorité.
Vendredi 23 juin, les évêques catholiques ont retourné … leurs soutanes. « Le Pays va mal… », c’est tout le contraire de « Choisis la vie afin que tu vives toi et ta postérité », leur précédent appel, lorsqu’ils invitaient, le 8 décembre 2016, les mêmes chrétiens et hommes de bonne volonté rd congolais à ne pas mettre le feu à la maison commune. Des chrétiens catholiques, un tantinet déboussolés, se sont sans doute rappelés qu’à l’ouverture du dialogue du Centre interdiocésain de Kinshasa, Mgr Marcel Utembi, Archevêque de Kisangani et président en exercice de la CENCO, s’était appuyé sur le message du Pape François aux rd congolais encourageant « … chacun, en particulier les responsables politiques et religieux, à initier ou à poursuive toute action visant à construire des ponts entre … (eux), et non pas des murs ; à instaurer dans la société congolaise une culture du dialogue qui vous fasse mieux connaître et mieux vous aimer », pour en appeler à des comportements plus constructifs que destructifs. Il n’en était plus question : le recto des soutanes cléricales était de toute évidence dégoulinant de perspectives apocalyptiques, les unes aussi menaçantes pour l’humanité que les autres, plus proches de l’antre de la géhenne que du paradis terrestre.
Entre autres parce que la plupart des évêques catholiques avaient pris sur eux d’arborer les lorgnettes très pessimistes de l’alarmisme dont se sert une opposition politique radicale rd congolaise chauffée à blanc pour lire la situation socio-politique du pays et appeler à une véritable « guerre sainte » contre le pouvoir en place. Mgr. Fridolin Ambongo, Archevêque de Mbandaka Bikoro qui n’a jamais fait mystère de sa détestation de Kabila en avait fait entrevoir les prémisses à la fin des discussions du Centre interdiocésain en annonçant d’une voix tonitruante un « Plan B », en cas de non application intégrale des résolutions contenues dans l’accord de la Saint Sylvestre. On sait maintenant à quoi ce belliqueux prélat Ngbaka pensait…
L’instabilité économique, le recul du taux de croissance, la dépréciation de la monnaie nationale (le Franc Congolais) face aux devises étrangères, la chute des cours des matières premières, la morosité du climat des affaires, la corruption, l’évasion fiscale … des phénomènes aussi vieux que le monde en RD Congo, ont été opportunément mis sur le dos des animateurs du « pouvoir en place », exclusivement. Comme si les 32 ans de la Deuxième République du dictateur Mobutu avaient été un long fleuve tranquille empreint de prospérité… « Un groupe de compatriotes, abusant manifestement de leur pouvoir, s’octroient des avantages économiques faramineux au détriment du bien-être collectif », ont asséné leurs excellences. Ajoutant que « par conséquent, le pouvoir d’achat a sérieusement baissé au point que les familles peinent à joindre les deux bouts … les conditions de vie sont devenues plus que précaires …». Ils dénoncent la sous-alimentation, l’incapacité à accéder aux soins de santé primaire et à la scolarité, l’explosion du chômage, etc, tous décrits comme des phénomènes nouveaux, nés de l’échec des négociations entreprises fin décembre dernier sous leur divine médiation…
Dans « Le Pays va mal. Debout Congolais ! », le parti pris clérical en faveur des ultra-radicaux de l’opposition politique en RD Congo a pris les traits d’une communion parfaite. Au plan sécuritaire dans les provinces kasaiennes, les évêques catholiques ont déclaré : « Après neuf mois de conflit, il nous a été signalé à ce jour plus ou moins 3.383 morts, 30 fosses communes, plus d’un million de déplacés internes et 30.000 réfugiés en Angola ». Des chiffres macabres 8 fois supérieurs à ceux relevés sur terrain par les autorités locales et la MONUSCO, pourtant mieux outillés à cette fin. Mais qui sont presque les mêmes que ceux rendus publics fin mai 2017 par … un certain Delly Sessanga, député de Luiza dans la province du Kasai Central et un des acteurs politiques les plus zélés de l’opposition katumbiste du G7.
Le point culminant du sermon apocalyptique des évêques de la CENCO, ce fut sans doute leur réponse à la question « D’où vient la crise actuelle ? ». Dont la réponse est tombée comme un véritable couperet : « La situation misérable dans laquelle nous vivons aujourd’hui est une conséquence de la persistante crise socio-politique due principalement à la non-organisation des élections conformément à la Constitution de notre pays », ont énoncé péremptoirement les évêques. « Il serait intéressant de voir si après les élections on rasera gratis », a dit en réaction un curé d’une paroisse de l’intérieur qui n’a cessé, lui de se plaindre de la mégestion de son diocèse par son évêque…
Des obstacles placés sur la voie de la tenue de ces élections par les radicaux de l’opposition qui ont systématiquement dénoncés tous les calendriers électoraux proposés depuis feu l’Abbé Apollinaire Malumalu, aucune allusion dans le brûlot des princes de l’église. Ni, encore moins, des articles de la constitution congolaise à laquelle ils font pourtant allusion, qui confient la tâche de l’organisation desdites élections à la seule Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), de même qu’elle stipule qu’en attendant leur tenue, le Président de la République reste en place jusqu’à son remplacement par un nouveau président élu.
Les évêques de l’église catholique romaine de la RD Congo, convaincus que l’accord qu’ils avaient réussi à arracher à 32 protagonistes de l’arène politique nationale fin décembre 2017 est la panacée, la seule voie qui mieux que la constitution, montre la voie à suivre pour accéder au paradis : « Chers frères et sœurs, regardons où nous risquons d’aller. Le pays va très mal. Mettons-nous debout, dressons nos fronts encore courbés et prenons le plus bel élan (…) pour bâtir un pays plus beau que celui d’aujourd’hui (cfr. L’hymne national congolais). Il est impérieux de nous impliquer nous-mêmes, de prendre notre destin en main, sinon notre avenir sera hypothéqué pour longtemps », ont-ils décrété. Exactement comme le faisaient depuis quelques semaines leurs affidés de l’opposition radicale en appelant les rd congolais « à se prendre en charge » pour exiger des élections au plus tard en décembre 2017. « La sortie pacifique de la crise actuelle exige la tenue des élections présidentielle, législatives et provinciales avant décembre 2017, tel que le prévoit l’Accord politique du 31 décembre 2016 », ont-il écrit. Ce en quoi ils commettaient une véritable supercherie, par usurpation de qualité, parce que seule la CENI est habilitée, selon la constitution en vigueur et les lois de la République, à fixer les échéances électorales. Ils mentaient aussi, parce que le fameux accord politique du 31 décembre 2016 stipule que les signataires doivent en référer à la même CENI pour se prononcer sur la question.
« Le Pays va mal. Debout, Congolais », ce fut tout simplement un appel à l’insurrection dont les évêques n’avaient cessé de menacer les autorités en place dans le pays en son temps : un appel à la révolte populaire contre Joseph Kabila et sa majorité au pouvoir en RD Congo.
J.N.