Les débats à l’Assemblée Nationale autour des modifications de la loi électorale ont pris une tournure décisive samedi 2 décembre 2017, avec l’adoption en plénière des conclusions de la commission Politique, administrative et juridique (PAJ) sur le projet en discussion.
La commission a fixé le seuil de représentativité des partis et regroupements politiques aux élections à 1% pour les législatives, 3% pour les provinciales et 10% pour les municipales et les locales. Raisons principales avancées justifier ces modifications qui modifient substantiellement le paysage politique rd congolais : réduire le coût excessif des élections aussi bien que la prolifération excessive des partis politiques en RD Congo, ce qui contribue à paralyser littéralement la machine de l’administration électorale.
Une autre innovation introduite dans la loi électorale réside dans le cautionnement des candidatures, porté à 1.000 USD par siège à payer au dépôt des candidatures (contre une caution unique par parti politique selon l’ancienne disposition). Très controversée au départ, l’utilisation de la machine à voter tel que proposé par la CENI et adoptée par le gouvernement a également été retenue et fera l’objet d’une démonstration par la CENI aux députés et sénateurs.
Les trois innovations font encore largement débat à l’hémicycle où les élus du peuple sont partagés entre raison et déraison. Alors que la ratio legis de ces réformes porte sur la nécessité de rendre la tâche facile et moins onéreuse à la Commission électorale, voire aux électeurs, avec un nombre « gérable » de candidatures, certains députés arguent que la caution à payer, trop élevée, ne correspond pas au contexte économique du pays caractérisé par une crise financière accrue et est de nature à exclure une frange de la population d’élections qui doivent pourtant rester « ouvertes à tous les Congolais sans discrimination, conformément à l’esprit de la constitution ». C’est le point de vue que l’on a souvent entendu dans les travées clairsemées de l’opposition – une bonne partie de députés anti kabilistes ayant préféré quitter la salle en signe de contestation – où l’on s’alignait ainsi sur l’appel au boycott lancé par l’aile radicale du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement (RASSOP/LIMETE) rendu public le même jour.
Seuil de représentativité
Même ramené de 3 % à 1 %, le seul de représentativité suscitait encore quelques discussions, samedi dernier, certains élus souhaitant qu’il soit d’application au niveau des circonscriptions ou des provinces et non pas au niveau national. Quelques uns, sourds aux arguments de réalisme invoqués et de gouvernabilité électorale invoqués par les auteurs du projet suggérant – conformément à la position du Rassop/Limete) que la disposition soit purement et simplement élaguée.
La machine à voter a, elle aussi, passablement cristallisé les discussions en raison des problèmes que pourrait poser son utilisation dans l’arrière-pays, notamment, les difficultés liées à l’habileté nécessaire au maniement de l’outil informatique et aux problèmes liés au déficit de fourniture en énergie électrique dans la plupart des zones rurales congolaises.
La commission PAJ a été chargée de recevoir les amendements des députés en vue d’enrichir le projet de loi avant le vote prévu lundi 4 décembre 2017, précédé de consultations qui se sont déroulées dimanche 3 entre le bureau de la chambre basse du parlement et les députés, toutes tendances confondues. C’est la solution proposée par le bureau pour conjurer le boycott des discussions en plénière et du vote par une frange des députés de l’opposition, particulièrement braqués sur la question du seuil de représentativité, même situé à 1 %.
Cautionnement et machine à voter
Les discussions de samedi dernier à la chambre basse du parlement ont révélé que si les divergences autour du montant de la caution et de l’utilisation de la machine à voter peuvent déboucher sur un consensus, parce qu’« il suffit de réduire le montant et d’expliquer que les problèmes d’électricité ont déjà été affrontés et résolus lors des opérations d’enrôlement des électeurs », ainsi que l’explique cet élu de la majorité présidentielle, c’est en fait l’avenir politique personnel de quelques « grandes gueules » de l’opposition qui est en jeu. Lesquelles prennent ainsi en otage l’ensemble du système électoral en lui imposant une bagatelle de 700 à 1.000 partis politiques sans la moindre vision idéologique sur le devenir de la RD Congo.
Dans un communiqué signé de Félix Tshilombo Tshisekedi, samedi 2 décembre, le Rassop/Limete rejetait comme à l’accoutumé « en bloc » l’ensemble du texte en discussion au Palais du peuple. A la fois pour torpiller le processus électoral en cours sans doute, et pour soutenir des ténors de cette opposition radicale prête à fourailler à propos de tout et de rien mais qui ne pèsent guère en dehors des salles d’attente des chancelleries occidentales, des caméras de télévision, des micros de radios et de colonnes de journaux…
Ainsi, se confiant à des confrères en ligne le week-end dernier, un certain Fiyou Ndondoboni, qui préside aux destinées d’une formation politique dénommée Orange, a décrété le plus sérieusement du monde que les modifications proposées par le projet de loi électorale en discussion à l’Assemblée nationale « permettraient à une minorité non élue par la population de gérer le pays » sans élaborer une assertion aussi grave. « Cette loi n’est qu’une tricherie planifiée pour permettre à une majorité qui n’a pas pu régler les problèmes de la population de revenir au pouvoir, en étouffant la démocratie et les leaders locaux qui n’ont peut-être pas de moyens, mais qui reflètent les aspirations de la population », a-t-il ajouté, se faisant de la sorte passer pour un leader local quand bien même l’opinion n’a pas souvenir du moindre score électoral jamais réalisé nulle part aux quatre coins de la République Démocratique du Congo par un candidat de Orange.
Tonneaux vides et illusionnistes
Si des braillards de l’opposition comme Christophe Lutundula (unique élu de son parti politique depuis 2006), ou encore Martin Fayulu (unique élu de l’Ecidé en 2006, deux élus en 2011), son compère de l’Alliance pour le Renouveau (AR), une plateforme fantomatique qui n’a de plateforme que le nom puisqu’elle ne peut pas aligner plus de 5 élus sur l’ensemble du territoire national, se gardaient encore de se prononcer sur la question, leur ami Delly Sessanga, n’a pas hésité à sortir du bois.
Au cours d’une matinée politique organisée dimanche 3 décembre 2017 sous l’égide de son parti politique l’Envol, qui n’a réellement jamais pris d’envol du tout, Sessanga son président en étant l’unique élu national à Luiza dans le Kasaï Central, depuis 2006, s’est épanché abondamment contre les modifications de la loi électorale en cours de débat. En présence de Félix Tshisekedi et de Pierre Lumbi, les deux ténors du Rassop/Limete, Sessanga a présenté ses propres projections au cas où le seuil de représentativité proposé au législateur était retenu. Dans ce cas de figure, l’Envol, et de nombreux autres partis politiques qualifiés de partis-mallettes, devront disparaître. Selon ses projections en effet, au seuil de représentativité de 1 %, seuls une vingtaine de formations politiques survivraient dans le firmament institutionnel congolais : le PPRD, le PPDD, le MSR, le PALU, l’UDPS, l’UNC, l’AFDC, le MLC, l’ECT, l’ARC, le RRC, le PDC, l’UCP, l’UFC, la CCU, l’UNAFEC, l’UNADEF, le MIP, le RCD-K-ML, le CPR, et l’UDCO. Pas d’Ecidé, ni d’Envol et encore moins d’Orange ou nombre d’autres instruments de mystification diplomatique et médiatique habituellement présentés comme des partis politiques pour les besoins de la cause… C’est cela la guerre qui se déroule à l’Assemblée Nationale : les illusionnistes refusent de disparaître même s’il faut pour cela rendre le pays ingouvernable.
J.N.