Beaucoup de Congolais se souviennent encore de la préoccupation constante exprimée par le taciturne président Joseph Kabila qui, dans les colonnes d’un tabloïd américain, désespérait de ne pas disposer de quinze personnes (pas plus !) pour pouvoir catapulter son pays au firmament des puissances régionales africaines. Sans faire dans la dentelle, certains se sont contentés de caricaturer ce cri du cœur du N°1 congolais au lieu plonger dans les profondeurs de l’amertume du jeune chef d’Etat. En fait, Kabila essayait ainsi d’expliquer à sa manière qu’un président de la République ne peut pas par une sorte de baguette magique pour faire passer sa volonté sur toutes les couches constitutives de la gouvernance de l’Etat. Les seuls à y être parvenus avec plus ou moins de succès sont quelques dictateurs intransigeants qui se sont imposés en se faisant obéir au doigt et à l’œil grâce à la coercition. En ce qui concerne notre pays, cette méthode est révolue depuis belle lurette dans la mesure où la RDC est, comme son nom l’indique, une République dotée d’institutions démocratiques avec une division légale stricte des tâches et une séparation étanche des pouvoirs.
D’où l’embarras du Président qui n’a pu que composer, bon gré, mal gré, avec ceux de ses compatriotes à sa portée, ayant pu accéder grâce à l’alchimie institutionnelle démocratique à la gestion des affaires publiques à divers niveaux pour atteindre les objectifs qu’il s’est assigné. Pas étonnant dès lors que tout ne se passe pas toujours Et tout semble ne pas s’être passé comme il l’avait prévu au regard de la mentalité prédatrice de cueillette dans laquelle baigne beaucoup de membres de la classe politique congolaise, longtemps nourrie aux mamelles de la deuxième République dans laquelle la corruption se pratiquait à ciel ouvert, tel un sport national. Le troisième président de la République Démocratique du Congo n’est pas un autocrate, loin s’en faut. Il ne peut donc pas carrément faire tabula rasa de la classe politique en place pour en inventer une autre en plein mandat et en si peu de temps. Faut-il lui en faire grief ? C’est un autre débat…
Au moins est-il pleinement conscient, et le fait-il savoir, lui qui a la parole si rare, qu’il y a en l’espèce un vrai problème car on l’entend souvent, très souvent, en appeler au renouvellement en profondeur de la classe politique actuelle qui, pour une large part, est encore pleine d’animateurs gavés des vestiges de la teigneuse deuxième République de triste mémoire. A son corps défendant, Kabila aura ainsi gouverné en étant quasiment obligé de composer avec des collaborateurs dont la moralité publique se situe à des années lumière de la sienne ; une moralité forgée sous l’ombre tutélaire de son géniteur et mentor politique, Mzee Laurent Désiré Kabila qui est entré dans l’Histoire en restant imperturbable pendant les 40 années Mobutu qui n’entamèrent rien de son nationalisme et de son patriotisme.
L’importance du Fonds pour la Promotion de l’Industrie (FPI)
Le FPI, entreprise publique créée pour répondre à la nécessité d’assurer la stabilisation, la relance et la diversification de l’économie nationale vit ces jours-ci un véritable drame. Alors que non sous raison tous les observateurs font grief à notre économie nationale d’être extravertie en ce qu’elle produit ce que les Congolais ne consomment pas en l’état (matières premières extractives) et leur donne à consommer ce qui se produit ailleurs, le FPI apparaissait comme un instrument idoine pour faire face à ce dysfonctionnement fondamental, l’émergence étant précisément pour une économie cette capacité de s’insérer utilement et avantageusement dans le marché tant local qu’international avec des produits à forte valeur ajoutée. L’industrialisation est à cet égard un passage obligé pour rendre une production nationale compétitive. Or pour financer son industrialisation, la RDC n’est pas en mesure de compter sur les technostructures traditionnelles que sont les banques commerciales dont la principale mission est le profit optimal sur base d’investissements à effets immédiats. Un mécanisme susceptible de prendre en charge à long terme le financement des infrastructures et de la recherche appliquée dans l’optique de relancer la production industrielle sans effets de rendements immédiats s’impose donc. C’est la mission dévolue au FPI dont les prérogatives sont d’accorder des prêts et/ou subventions grâce au financement des chaînes de valeurs suivant les orientations claires du Gouvernement et ce, grâce aux sacrifices imposés au contribuable congolais, en l’occurrence sur le fond de retraite ou de pension afin de permettre au pays d’être doté d’un fond stable et cohérent destiné à financer son développement industriel.
Des charognards à l’affût
Prédestinant leur propre pays à des lendemains de République bananière, une certaine élite politique habituée au gain facile et qui s’est rendue coupable de la descente aux enfers de la reluisante structure économique héritée de la colonisation avec la tristement célèbre « zaÏrianisation » revient à la charge pour tordre le cou à ce mécanisme avant même que celui-ci n’ait fait ses preuves. Sous des dehors d’investisseurs soucieux du renforcement de la production locale, ils ont pour la plupart habilement rempli les conditionnalités formelles requises pour bénéficié des financements concessionnels du FPI. Cependant, si l’on en croit l’affectation des ressources financières affectées à ces débiteurs majoritairement insolvables, il est clair qu’ils n’ont jamais un seul instant été mus par la volonté de participer à l’effort national de développement et d’industrialisation du pays. Par conséquent ils n’ont nulle intention de rembourser de leur propre gré la cagnotte du contribuable ainsi frauduleusement dérobée. Une chose est sûre : ces mauvais payeurs ont plus d’un tour dans leur sac pour se soustraire à l’obligation de redevabilité qui leur incombe dans la mesure où ils agissent pour la plupart sous le couvert d’acteurs politiques ingénus, non informés ou complices de leurs turpitudes. On les retrouve dans tout ce que le pays compte comme institutions prestigieuses : le Parlement ( Assemblée Nationale et Sénat), le Gouvernement, les Cours et Tribunaux etc.
Ce n’est donc pas sans sournoises précautions que des décideurs politiques naïfs ou maffieux apportent leur appui à l’incurie que constitue la démolition de ce mécanisme idéal pour l’industrialisation de la RD Congo. Par le passé, eux-mêmes ou leurs inspirateurs ont expérimenté une recette diaboliquement concluante qui consiste à faire disparaitre des institutions financières auxquelles on devait d’importantes sommes d’argent. Or auprès du FPI, nombre de ces débiteurs insolvables ont emprunté pas moins de 162.000.000 USD (cent soixante deux millions Dollars américains). Pour ne pas avoir à rembourser, ils multiplient sophismes et stratagèmes dans le but de liquider leur gênant créancier et poursuivre leur carrière de spoliateur impénitents du contribuable. Pour rappel, il y a eu dans ce pays des institutions financières qui ont été liquidées par ce même type de manœuvres, et qui à ce jour n’ont jamais été remplacées. C’est le cas de la Banque Congolaise du Commerce Extérieur (BCCE), de la Nouvelle Banque de Kinshasa (NBK), de la Banque de Crédit Agricole (BCA) et du Fonds de Convention de Développement (FCD). Plus près de nous, le scandale de la Banque Internationale de l’Afrique au Congo (BIAC) qui se démène dans une longue agonie en attendant un improbable repreneur nous rappelle que ces spéculations mafieuses sont toujours présentes dans le pays.
Le certificat de décès du FPI
A en croire les récentes dispositions annoncées par le Conseil des Ministres, ces arnaqueurs spécialistes en liquidation des institutions financières se sont mis à cœur aujourd’hui de se taper le FPI. Ces professionnels en contrebandes qui se sont payés le luxe d’imposer en plus un traitement à huis clos de leurs turpitudes à l’Assemblée Nationale tentent ainsi de mener en bateau les institutions publiques congolaises au plus haut niveau en faisant de la liquidation du FPI une des mesures urgentes destinées à « stabiliser l’économie en période de baisse drastique des recettes d’exportation » ( !). Pour maquiller leur forfaiture, ils baptisent cette mise à mort de leur débiteur (FPI) une « transformation du FPI en Banque d’Investissement et de Garantie Publique ». Sacrilège ! Heureusement que le subterfuge n’est pas passé immédiatement dans la phase d’exécution, le Président de la République, dans sa légendaire perspicacité, ayant décidé de faire passer cette résolution casse-cou par une soupape de sécurité en créant un groupe spécial de travail au sein du gouvernement dénommé « Comité de pilotage des 28 mesures économiques ».
C’est ce comité de pilotage qui dénichera le pot-aux-roses de la manœuvre machiavélique. Finalement l’option sera levée de maintenir le FPI sous sa forme actuelle tout en plaidant pour une participation de ce dernier à la création d’une Banque d’Investissement et de Garantie Publique dont le pays a certes besoin mais qui ne doit pas nécessairement être générée sur les cendres du FPI…
Des débiteurs aux abois
Leur manœuvre ayant été ainsi déjouée, rien n’indique que les débiteurs du FPI s’avouent pour autant vaincus. On peut parier que ce n’est pas demain la veille du jour où on les verra rembourser d’initiative les 162.000.000 USD qu’ils doivent au Fond. Il importe à l’heure actuelle d’appuyer les efforts de la nouvelle direction du FPI pour que les instances judiciaires compétentes à fassent justice à cette institution financière vitale en danger. La clameur publique ne sera pas de trop dans cette tâche. C’est de cette manière que les Congolais pourront espérer arrêter la spirale de la mise à mort en règle des sources de financement de la prétention de toute une nation à l’émergence dans un délai prévisible. Selon des sources concordantes, il se trouve que des politiciens véreux de l’opposition comme de la majorité figureraient parmi ces débiteurs insolvables du FPI. Comme quoi la corruption est un des rares domaines qui fasse encore consensus entre ces survivances anachroniques d’un passé révolu.
Le temps est venu pour le leadership tant de la majorité que l’opposition de montrer à l’opinion qu’ils sont prêts à faire le deuil des pratiques qui ont transformé un pays béni des dieux et potentiellement riche comme la RDC en l’un des moins avancés sur la voie du développement économique.
Promouvoir la vertu et décourager le vice
Le chèque en blanc souvent donné à ces « Kuluna en cravate » a l’effet pervers de faire croire que la corruption serait une maladie congénitale des anciens dignitaires du « Zaïre » de Mobutu. Que nenni !
La vertu existe encore dans ce pays et il existe des dignes fils du Congo-Kinshasa de toutes les générations qui, tout en étant en politique, se sont montrés irréprochables en remboursant à date échue le prêt reçu du FPI. Ces compatriotes doivent être présentés comme des modèles d’une société aujourd’hui ridiculisée par un mercantilisme sans foi ni lois et la corruption. L’« affaire FPI » rendrait un grand service à la nation en marquent un tournant dans la gestion des deniers publics.
Les responsables de cette institution rendront service à la Nation en prenant le courage de publier la liste de ces détourneurs, quels qu’ils soient, afin que l’opinion publique soient en mesure de les indexer et les sanctionner de sa vindicte. En ces temps pré-électoraux, pareille initiative, serait tout bénéfice pour l’ensemble de la nation.
JBD