Sale temps pour le très médiatique propriétaire de la pro katumbiste ONG « Congolais debout », Sindika Dokolo, dans sa tanière dorée de Luanda. C’est la très officielle agence d’information angolaise, Angop, qui a largué l’information le week-end dernier. Deux semaines après le limogeage de l’épouse de Sindika Dokolo, née Isabel Dos Santos, de la présidence du Conseil d’administration de Sonangol le 15 novembre 2017, c’est autour de Sodiam de se voir débarrassé du couple. La société nationale angolaise de commercialisation des diamants (Sodiam EP) a annoncé, vendredi 1er décembre 2017, son retrait de Victoria Holding Limeted, propriété du groupe Joalheiro de Grisogono. Motif avancé, noir sur blanc : «la participation de la Sodiam EP dans Victoria Holding Limited, et indirectement dans le groupe Joalheiro de Grisogono, a généré, depuis sa constitution en 2011, des coûts exclusivement pour la Sodiam ». Des surcoûts dus aussi bien à des emprunts bancaires qu’à des résultats négatifs systématiquement présentés par le groupe, et découlent d’un mode de gestion dont Sodiam reste totalement étranger, explique la note du nouveau conseil d’administration de l’entreprise nationale diamantaire, nommé début novembre par João Lourenço, le nouveau Chef de l’Etat angolais.
De Grisogono, c’est un joaillier genevois qui réunit chaque année milliardaire et stars hollywoodiennes autour de la « Love on the rocks », une marque de bijoux en diamants fondée par Fawaz Gruozi, de renommée mondiale. Isabel Dos Santos et son époux Sindika Dokolo sont actionnaires dans les deux entreprises qui prônent le luxe et le beau depuis 2012, rapporte le quotidien suisse Le temps. Vendredi 23 mai 2017, le couple était à l’honneur à l’Eden Roc au cap d’Antibes aux côtés notamment de Naomi Campbell, entourée de la jet-set mondiale accroc à la joaillerie.
Le diamant au cœur de la réussite
Le diamant, dont l’Angola est l’un des plus gros producteurs africains, est le cœur de la réussite, la poule aux œufs d’or d’Isabel Dos Santos, la fille née d’une mère russe de l’ancien Chef de l’Etat angolais. Mme Sindika Dokolo domine les exportations du secteur depuis bientôt vingt ans, rapportent nos confrères du Temps. Mais elle ne s’expose jamais, tirant les ficelles dans l’obscurité grâce à des amitiés cachées et des structures indéchiffrables.
Souvent extrait dans des conditions terribles par des «creuseurs» qui fouillent les terres rouges du nord de l’Angola, contrôlées par les généraux, le diamant génère des marges considérables. Grâce à elles, au tournant des années 2000, Isabel se diversifie partout. Téléphonie, banques, supermarchés, cinémas, télévisions: sa boulimie d’investissements ne connaît pas de limites.
Chez De Grisogono, où elle n’a officiellement aucun rôle, Isabel impose le relooking de la marque par une agence de communication portugaise, Born. Avec l’ambition de transformer la maison genevoise en poids lourd de la haute joaillerie. «Il n’y a pas un Noir fort et légitime dans le diamant, commente Sindika Dokolo. On va créer une véritable empreinte africaine sur ce secteur.» Y compris en puissant dans les caisses de l’Etat, selon les détracteurs du couple : «Tout ce qu’elle a, elle l’a obtenu à partir de concessions de son père. Elle se finance par les banques où elle est actionnaire, notamment au Portugal, et par ses sociétés offshore qui reçoivent des prêts de sociétés d’Etat angolaises.», affirme la députée socialiste Ana Gomes, qui s’est occupée d’Isabel adolescente.
Le joyau genevois
L’heure de la grande transformation avait pourtant sonné pour le joaillier genevois De Grisogono. Aujourd’hui, la PME employant une centaine de personnes à Plan-les-Ouates, la marque aux bijoux extravagants veut se transformer en leader mondial de la joaillerie, du luxe et du diamant. C’est du moins l’ambition de son actionnaire, Sindika Dokolo. «De Grisogono est une super boîte, mais encore assez peu connue. On veut en faire une marque plus connue», expliquait-il dans une interview à Londres en mars dernier. C’est la première fois que le gendre du président articule aussi clairement sa vision pour le joaillier genevois, racheté en 2012 pour quelque 100 millions de francs, en partenariat avec la société d’Etat angolaise … Sodiam. Un semestre après l’annonce de ces ambitions, Sodiam se rétracte bruyamment. On ne peut pas dire que ça va comme dans le meilleur des mondes pour l’épouse (et parapluie) de Sindika, qui ne dissimule pas son obsession pour le pouvoir, la richesse et le luxe. «Mieux vaut être perçu comme un groupe de luxe que comme un groupe de trading de diamants, ajoute le gendre présidentiel. Je ne veux pas faire du diamant comme on trade du pétrole », déclarait récemment ce fils d’un banquier congolais ruiné dans les années Mobutu et d’une norvégienne qui, en route vers l’exil en Europe, avait trouvé chaussure à son pied en se mariant à Isabel Dos Santos, fille du deuxième président de la République d’Angola, avant de se découvrir une vocation de politicien en RDC à l’ombre de Moïse katumbi dès que son beau-père eut annoncé son intention d’abandonner le pouvoir. Comme dans la haute joaillerie, Sindika a cru, un peu naïvement, que la politique était aussi un secteur de niche dans lequel se hisser au sommet est possible rapidement, selon lui, si l’on dispose de capitaux abondants et d’un accès privilégié à d’utiles contacts et à des fonds quasi inépuisables que lui faisait miroiter son mariage avec la fille d’un chef d’Etat. Désormais, les capitaux angolais ne seront plus là.
J.N. AVEC LE TEMPS