Ancienne propriété exclusive de la Gécamines, l’entreprise d’Etat rd congolaise, la mine de Tenke Fungurume (TFM), la plus grande productrice de cuivre et de cobalt du pays, a récemment changé de mains. Elle est devenue quasi chinoise, depuis que l’américain Freeport Mc Moran (56 %) a revendu ses parts dans le consortium qui l’associait à la Gécamines (20 %) et à la multinationale Lundin (24 %) à China Molybdenum. Une transaction qui a défrayé la chronique, sans permettre à l’opinion, surtout en RD Congo, d’y voir vraiment clair. C’est à peine si l’affaire n’a pas été présentée comme une énième cession traître, et n’est pas perçue comme telle dans certains milieux mercantiles occidentaux intéressés. Un article de nos confrères de l’Agence Ecofin, paru le week-end dernier, rappelle les épisodes du passage de TFM des mains des américains de Freeport Mc Moran à celles des chinois de Molybdenum, mais pas seulement. Parmi les repreneurs des actifs figure BHR Partners, un fonds constitué de capitaux chinois et … américains, dont fait partie Hunter Biden. C’est le fils de l’ancien vice-président américain Joe Biden, dont le groupe a racheté les 24 % d’actions de Lundin (1, 14 milliards USD) via Rosemont Seneca, la firme qu’il dirige.
Pour donner la mesure des enjeux colossaux que représente le secteur minier de la RD Congo, des convoitises qu’il suscite et des stratégies qui s’opposent pour en tirer des profits maximum, voici le récit en 16 épisodes de la récente cession du projet Tenke Fungurume à des géants chinois du secteur minier, écrit l’Agence Ecofin.
Le projet Tenke Fungurume, qui porte sur un des plus grands gisements de cuivre et de cobalt au monde, était contrôlé à 56% par le géant américain Freeport-McMoRan. Le reste des parts était partagé entre la multinationale Lundin et la compagnie d’Etat Gécamines, qui détenaient respectivement 24% et 20% des parts.
En mai 2016 , coup de théâtre, le géant américain Freeport-McMoRan, deuxième producteur mondial de cuivre avec 1,5 million de tonnes vendues en 2015, décide de quitter le projet, parce que, apprend-on, celui-ci serait «trop compliqué et trop éloigné» de sa base de Phœnix, aux Etats-Unis. En outre, il est confronté à de sérieux problèmes financiers, ayant enregistré en 2015, des pertes nettes d’une valeur totale de 4,1 milliards $.
Le 9 mai 2016, il annonce avoir trouvé un acquéreur chinois. C’est le début d’une longue partie d’échecs où chaque pion avancé peut faire gagner ou perdre des dizaines de millions de dollars…
Freeport McMoran vend à China Molybdenum sa participation dans TF Holdings
Le géant minier américain Freeport McMoran annonce la vente à China Molybdenum de sa participation de 70% dans TF Holdings, compagnie détenant à 80% Tenke Fungurume, la plus importante mine de cuivre de la RD Congo.
S’il entend ainsi quitter sans entraves le pays, l’Etat ne le voit pas de cet œil. C’est le début d’une affaire qui mettra aux prises quatre grandes compagnies minières.
Selon les détails de l’accord qu’elle a signé avec China Molybdenum, la firme américiane dirigée par Richard Adkerson cède à la compagnie chinoise ses 56% de participation dans le projet pour un montant total évalué à 2,65 milliards $. Lors de l’annonce, on apprend entre autres détails, que la vente est sujette à l’obtention d’un certain nombre d’autorisations. La compagnie chinoise, qui est dirigée par Li Chaochun et dont le siège social est également à Phœnix, a décidé, faut-il le souligner, de se lancer dans l’extraction du cuivre après une chute de sa production de molybdène métal blanc rare allié aux aciers. Tenke Fungurume constitue sa deuxième plus importante acquisition après celle de la mine australienne de Northparkes en 2013.
Une transaction qui soulève moult polémiques…
L’annonce du retrait de Freeport du projet TF soulève de vives polémiques, les plus importantes venant de l’Etat qui n’a pas été averti de l’opération avant son annonce dans les médias.
«Unilatérale», c’est ainsi que le gouvernement qualifie la décision de Freeport de se retirer du projet TF. La firme américaine n’a en effet pas consulté ses partenaires sur le projet, et ne leur a, non plus, pas annoncé sa volonté de départ avant la diffusion dans les médias. Ce modus operandi est déploré tant sur sa forme que son fond par l’Etat congolais, qui dans l’attente de précisions nécessaires, tient à rappeler à tous les actionnaires du projet (Freeport McMoran, TFM Gécamines, TF Holdings et le Groupe Lundin), leurs engagements vis-à-vis du pays, qui ont permis de conclure la convention minière en vertu de laquelle TFM opère. Il les invite, par conséquent, à se conformer auxdites conventions ainsi qu’au droit applicable, en particulier dans l’hypothèse présente d’un projet de vente directe ou indirecte de TFM à des acquéreurs tiers.
Par ailleurs, il promet aux employés et partenaires de TFM de veiller au strict respect des accords et règlements applicables. En outre, il déclare être soucieux que la démarche engagée par Freeport McMoran n’affecte pas le développement du projet Tenke Fungurume et la bonne marche de l’entreprise.
Lundin invoque un droit de première offre
On apprend que la multinationale Lundin détenait un droit de première offre qu’elle pouvait exercer pour acquérir la participation de Freeport si la compagnie américaine décidait de se retirer du projet. Ainsi, au moment d’informer Lundin de sa décision de retrait du projet, Freeport lui accorde jusqu’au 8 août pour prendre sa décision, soulignant que si elle est positive, la transaction sera au même prix et sur les mêmes conditions que l’offre de China Molybdenum.
Pour prendre sa décision, Lundin déclare qu’elle est en consultation avec ses conseillers juridiques et financiers et qu’elle continue d’évaluer toutes les options dont elle dispose concernant la transaction. Elle a engagé à cet effet la Banque de Montréal pour l’aider à examiner ses options, qui sont soit de donner un feu vert pour la transaction entre Freeport et CM, soit de supplanter l’offre ou soit encore de vendre sa participation dans le projet.
Tous ces processus n’ayant pas été achevés avant la date butoir, la société obtient de son partenaire américain une prolongation jusqu’au 15 septembre. Cette date sera à nouveau prolongée de deux semaines puis au 15 novembre et la position du groupe dirigé Lukas Lundin, est de plus en plus ambigüe, laissant penser à un possible départ du projet. «Ils (China Molybdenum, ndlr) ne sont pas très expérimentés dans le cuivre, et nous n’avons pas la même culture managériale», déclarait déjà M. Lundin à Bloomberg quelque mois plus tôt.
Le droit de préemption de Lundin contesté par la Gécamines
La Générale des Carrières et Mines (Gécamines), réagissant par rapport à la transaction, estime que le droit de préemption accordé à Lundin n’était pas fondé. Elle déclare qu’étant actionnaire du projet, elle-même a un droit de préemption en cas de décision de retrait de Freeport. Cependant, le groupe américain a contesté ce droit en faisant valoir que les actions cédées ne sont pas celles de TFM, dans laquelle Gécamines est actionnaire.
«De son côté, sans expliciter ce droit, Lundin a fait des annonces et des déclarations qui évoquent différentes options, en particulier la possibilité pour elle de racheter les actions mises en vente par Freeport en lieu et place de China Molybdenum. Elle n’exclut pas non plus de se désengager elle-même de TFM et de vendre sa participation. Vous voyez l’absurdité de la situation. Un beau jour, alors que les accords prévoient un droit de préemption au profit de Gécamines, Gécamines se verrait imposer un nouveau partenaire reprenant la totalité des droits de Freeport et de Lundin et de surcroît opérant Tenke, sans que Gécamines n’ait eu un avis à donner» a expliqué Jacques Kamenga, directeur général par intérim de la Gécamines, dans un entretien accordé à l’Agence Ecofin.
Selon la compagnie, la transaction est intrinsèquement mal conçue et relève d’une tentative de contournement du droit de préemption de Gécamines.
Gécamines tient à racheter les parts de Freeport aulieu de China Molybdenum
La décision de Freeport ayant été publiquement confirmée irrévocable, la Gécamines, présidée par Albert Yuma Mulimbi, en sa qualité de titulaire d’origine des permis et actionnaire actuel de TFM, décide de soumettre une offre de rachat du projet à TF Holdings, l’entité commune qui porte la participation de Lundin et Freeport
Elle veut en effet, structurer une nouvelle joint-venture, avec de nouveaux partenaires, pour faciliter la sortie de Freeport et rassurer l’État et les travailleurs. Mieux, elle souligne avoir reçu des propositions sérieuses de potentiels partenaires industriels et financiers, qui apporteraient le financement, et fait savoir, que son schéma n’excluait pas China Molybdenum, compte tenu de l’importance stratégique que représente Tenke pour leur plan de développement dans le secteur du cuivre, un secteur nouveau pour cette société.
Gécamines devant la justice
Gécamines porte plainte devant la cour internationale d’arbitrage à Paris pour contester la vente de la participation de 56% de Freeport McMoran dans le projet de cuivre Tenke Fungurume.
Le SG de la Gécamines, Deogratias Ngele, explique à Reuters (sans donner de détails concernant la plainte) que la société a signalé détenir un droit de première offre suite à l’annonce, en mai, de la transaction entre Freeport et China Molybdenum. Cependant la firme américaine aurait ignoré ce droit.
Quelques jours après la plainte de Gécamines, le ministre des mines, Martin Kabwelulu déclare, contre toutes attentes que le gouvernement «salue et soutient» l’offre d’achat des 56% de participation de Freeport Mc Moran, dans le projet de cuivre Tenke Fungurume, effectuée par China Molybdenum.
Malgré ce soutien affirmé, M. Kabwelulu souligne que la transaction de 2,65 milliards $, convenue en mai dernier, doit respecter les droits de Gécamines qui détient 20% dans le projet. «Le gouvernement est favorable à la conclusion de la vente… mais avec le respect des droits de Gécamines, afin de permettre au pays de construire un partenariat à long terme, gagnant-gagnant avec cette société chinoise», déclare-t-il.
Commentant cette déclaration, Jacques Kamenga, le directeur général intérimaire de Gécamines, indique à Reuters qu’il salue la demande de respect des droits de la compagnie, formulée par M. Kabwelulu. «Il va sans dire que si China Molybdenum, Freeport et Lundin demandent à Gécamines d’abandonner son droit de préemption et d’approuver la transaction, des discussions commerciales appropriées entre toutes les parties doivent avoir lieu».
Ces propos assez surprenants, s’ils peuvent être perçus comme une perche tendue pour un dénouement rapide de cette affaire, semblent contredire des dernières sorties des dirigeants de Gécamines. Ceux-ci, après avoir déclaré détenir un droit de première offre, à l’instar de Lundin, laquelle déclaration a été rejetée par Freeport, ont récemment indiqué avoir soumis une offre pour acquérir la participation de Freeport en lieu et place de China Molybdenum.
Lundin jette l’éponge et cède ses parts à l’américaine BHR Partners
Après trois reports de l’annonce de sa décision concernant son droit de première offre, la multinationale Lundin a finalement opté pour la vente de sa participation de 24% dans le projet au fonds de private equity BHR Partners pour 1,14 milliard $.
BHR Partners est un fonds constitué de capitaux chinois et américains, qui compte parmi ses fondateurs la firme Rosemont Seneca, dirigée par Hunter Biden, fils de l’ex-vice-président américain Joe Biden.
Selon les termes de l’accord, BHR effectuera également d’autres versements selon que les prix du cuivre et du cobalt atteignent un certain niveau dans la période de 24 mois à compter du 1er janvier 2018. Si au cours de la période le prix du cuivre dépasse 3,50 $/Ib, le fonds paiera à Lundin 25,7 millions $ et si le prix du cobalt dépasse 20 $/Ib, elle paiera 25,7 millions supplémentaires.
«Ce fut une décision difficile au vu des 20 années d’implication de Lundin dans le projet, et le caractère particulier de cet actif de classe mondiale. La vente nous permettra de faire avancer notre stratégie de croissance progressive avec les projets et opérations que nous contrôlons, tout en maintenant un bilan solide», a déclaré le PDG, Paul Conibear.
Freeport McMoRan clôture sa transaction avec China Molybdenum
Richard Adkerson, PDG de Freeport McMoRan annonce la clôture de transaction selon laquelle la firme américaine céde sa participation dans le projet Tenke Fungurume à China Molybdenum pour 2,65 milliards $.
En effet, apprend-on, le dernier obstacle qui empêche la clôture de la transaction, en l’occurrence le droit de préemption de Lundin, a été levé, suite à l’annonce du départ de cette dernière, du projet.
Lundin qui a vendu à 1,14 milliard $ sa participation dans le projet à BHR Partners, a renoncé, ipso facto, à l’exercice de son droit de première offre qu’elle pouvait exercer pour acquérir la participation de Freeport à la place de China Molybdenum.
Gécamines veut bloquer la transaction Lundin – BHR Partners
Gécamines déclare qu’elle s’oppose «fermement» à la transaction entre Lundin et BHR Partners selon laquelle le premier cède au second sa participation dans le projet Tenke Fungurume pour un montant de 1,14 milliard $.
La société congolaise explique que ce retrait «concerté» avec celui de la firme américaine Freeport McMoRan ne peut se faire sans la prise en compte de ses droits de préemption. «Le retrait simultané de Lundin et de Freeport, sans une prise en compte des droits de Gécamines, aboutirait à l’évidence à contraindre Gécamines à un partenariat avec des sociétés totalement nouvelles et non choisies», déclare-t-elle.
Par ailleurs, elle déplore qu’en dépit des nombreux échanges et de son offre de rachat des participations de Freeport et de Lundin, ces derniers aient «continué de privilégier un schéma visant délibérément à nier et violer ses droits».
China Molybdenum remanie le conseil d’administration de TFM
Suite à la clôture de sa transaction avec Freeport McMoRan, China Molybdenum décide de changer les membres du conseil d’administration de TFM, société opérant sur le projet Tenke Fungurume.
Gécamines abandonne l’affaire moyennant compensation
Le ministre congolais des mines, Martin Kabwelulu, a déclaré, selon Bloomberg, que des accords ont été conclus entre Gécamines et les autres protagonistes du dossier Tenke, pour régler tous les différends.
La société congolaise accepte, selon des sources de l’agence, d’abandonner toute objection à la vente combinée de 3,8 milliards $ des participations de Freeport McMoRan et Lundin Mining dans le projet de cuivre Tenke Fungurume.
En échange, elle se voit accorder une compensation dont la hauteur montant n’a pas été précisé et la garantie d’être consultée si ses futurs partenaires (China Molybdenum et BHR Partners) décidaient de vendre leurs participations…
China Molybdenum s’assure un contrôle durable sur Tenke
China Molybdenum a conclu une série d’accords avec BHR Partners pour s’assurer la stabilité et la sécurité à long terme de la structure actionnariale du projet Tenke Fungurume.
Selon les termes des accords, la compagnie chinoise aidera (garanties financières et assistance) BHR à mener à bien son acquisition des 24% de participation de Lundin dans le projet. En échange, China Molybdenum a l’option d’acquérir la participation de BHR à un prix prédéterminé, au cas où cette dernière voudra quitter le projet.
La société chinoise a par ailleurs réaffirmé son engagement à travailler avec BHR et Gécamines pour tirer à long terme, plein profit du potentiel de la mine de cuivre-cobalt Tenke Fungurume.
Gécamines a reçu 33 millions $ de Freeport pour abandonner l’affaire
Dans son bilan du dernier trimestre 2016, Freeport McMoRan a révélé le montant de l’accord conclu avec Gécamines, pour que cette dernière abandonne toute objection à sa transaction avec China Molybdenum sur le projet Tenke Fungurume. Le géant américain a payé à la société congolaise 33 millions $, pour le règlement de tous les différends et cessation de conflits.
Si le montant versé par Freeport McMoRan est désormais connu, les autres compagnies (China Molybdenum, Lundin ou encore BHR Partners) n’ont, elles, pas confirmé de quelconques paiements à la société congolaise.
Rappelons que Gécamines s’opposait également à la vente de la participation de Lundin dans le projet, à BHR Partners.
Gécamines a perçu au total 100 millions $ de compensation
Selon de nouvelles sources proches de l’affaire, citées par Bloomberg, Gécamines aurait reçu le mois dernier un paiement total de 100 millions $ pour abandonner ses objections à la vente combinée de 80% d’intérêts dans la mine Tenke Fungurume, à China Molybdenum et BHR Partners.
De plus, Tenke Fungurume Mining (compagnie opérant sur le projet) accordera à la compagnie congolaise un prêt de 30 millions $ après l’annulation de l’action intentée devant la cour locale en décembre.
Bien qu’aucune confirmation officielle n’ait été effectuée, l’accord et les termes n’ayant pas été rendus publics. Gécamines aura finalement réalisé une bonne affaire qui pourrait réduire son endettement colossal de 1,58 milliard $.
Les Chinois finalisent leur prise de contrôle du projet Tenke Fungurume
BHR Partners annonce la finalisation du rachat des 24% de participation détenus par Lundin Mining dans le projet Tenke Fungurume pour 1,14 milliard $. Le chinois rejoint ainsi China Molybdenum dont l’acquisition de 56% d’intérêts dans le projet a déjà été clôturée. Ainsi, les firmes chinoises détiennent 80% de droits dans le projet, le reste appartenant à Gécamines, la compagnie contrôlée par l’Etat congolais.
Après la pluie, le beau temps ?
Le feuilleton Tenke Fungurume aura fait couler beaucoup d’encre, ralentissant notamment les opérations de la mine et impactant la production à l’échelle nationale. La bataille pour le contrôle du gisement cuprifère est désormais terminée, et les grands vainqueurs sont les Chinois, en l’occurrence China Molybdenum et BHR Partners.
Aujourd’hui, les activités ont repris leur cours normal sur le site du projet. Tenke Fungurume Mining a déclaré le mardi 7 novembre 2017 avoir produit plus de 50 000 tonnes de cathode de cuivre et 4000 tonnes de cobalt durant le troisième trimestre de l’année.
Parallèlement, la production de cuivre de la RDC a totalisé 831 000 tonnes de janvier à septembre en hausse de 9%, et celle de cobalt 59 000 tonnes (18%). Cette avalanche de bonnes nouvelles pour le gouvernement congolais coïncide avec l’embellie du marché du cuivre et la hausse du prix du métal rouge (+12% au troisième trimestre selon la Banque mondiale).
Le Maximum avec Louis-Nino Kansoun