Attaquer par les ailes pour fragiliser et percer au centre. La tactique, bien connue dans le monde du football, semble être mise en œuvre en RD Congo. Après les violentes tentatives insurrectionnelles matées dans la capitale Kinshasa en janvier 2015 puis en septembre 2016, qui, si elles ont entraîné de sérieuses pertes en vies humaines et matérielles n’ont pas fait vaciller la majorité présidentielle au pouvoir, le cap semble avoir été mis sur des territoires de l’Est du pays.
Fin septembre 2017, Uvira, la deuxième agglomération de la province du Sud Kivu a fait les frais d’une attaque en règle des miliciens Maï Maï Yakutumba, réorganisés et bien armés, qui avaient tenté d’investir la ville par des attaques lacustres, après avoir occupé un certain nombre de localités, dont Makobola.
Le 7 octobre dernier, des assassinats attribués à des rebelles ougandais de l’ADF, qui ont fusillé et découpé à la machette quelque 36 civils dans les environs de Mbau en territoire de Beni ont été suivis d’affrontements féroces entre ces rebelles qui ont bénéficié de renforts substantiels et les Forces Armées de la RD Congo (FARDC). Cette force négative donnée en voie de disparition après plusieurs coups de boutoir de l’armée régulière il y a quelques années reprenait manifestement du poil de la bête et était en cours de reconstitution, selon une ONG locale crédible, le CEPADHO qui a mis en garde les autorités contre l’éventualité de plus en plus sérieuse de la voir récupérer certains des bastions qu’elle avait naguère perdues dans la région.
Appel à manifester
Lundi 30 octobre 2017, à l’appel d’un obscur collectif d’actions de la société civile (CASC), des journées villes-mortes ont été décrétées et observées à des degrés divers dans trois villes de l’Est rd congolais : Kisangani, Goma, Bukavu. Si à Kisangani, la troisième ville du pays, le mouvement n’a guère été suivi, jusque mercredi matin, les avis étant largement partagés entre partisans du succès et de l’échec de l’appel à la journée ville morte du mardi 1er novembre, à Goma, le chef-lieu de la province du Nord-Kivu l’opération qui s’est déroulée lundi 30 octobre a révélé son vrai visage : une véritable offensive terroriste qui a occasionné la mort d’un policier lynché par « des inconnus » et d’un civil, victime de balles perdues selon une source policière alors que des activistes anonymes avançaient le chiffre de 5 personnes tuées ainsi que de nombreux blessés et arrestations sur les réseaux sociaux. A chaud le même lundi, le maire de Goma, Dieudonné Mamicho, avait déjà évoqué l’idée d’une tentative d’insurrection. « Il ne s’agit pas d’une marche mais d’un mouvement insurrectionnel puisque chaque fois qu’il y a une marche, on écrit à l’autorité administrative locale mais rien nous a été communiqué et nous avons été surpris le matin. Nous sommes en possession des tracts qui ont circulé depuis hier, c’est pour cette raison que la police a été larguée très tôt le matin dans la rue (…) pour vous confirmer qu’il s’agit d’une insurrection, en date du 26 octobre dernier, nous avons arrêté un individu du nom de Chance Kombi qui avait avoué qu’il était Maï-Maï et qu’il venait avec son frère, pour organiser une incursion dans la ville. Le dossier a été instruit et transmis à la justice militaire », avait dénoncé l’autorité municipale.
Attaque « Maï Maï »
Les propos qu’on pouvait attribuer à l’émotion ont, malheureusement été confirmés par la suite. Ce n’est pas une journée ville morte qui avait été organisée dans la ville volcanique, parce qu’une ville morte ne se réveille pas dès 5 heures du matin, heure à laquelle les premiers affrontements entre des gens qui son supposés rester chez eux et forces de l’ordre avaient été signalés sur les axes marchés Kisoko-Majengo et Mutonga-Katoyi, selon des sources indépendantes. Des « manifestants » suffisamment préparés pour ravir des armes aux policiers, d’après l’aveu, lundi dernier, de Placide Nyembo, le commissaire principal de la Police Nationale Congolaise au Nord-Kivu.
Des images-vidéos postées sur les réseaux sociaux ainsi que des informations recoupées de la presse locale révèlent mieux les contours insurrectionnels de la fameuse « ville morte » de Goma. Le chef-lieu de la province du Nord-Kivu avait été attaqué lundi 30 octobre par de présumés Maï Maï à partir du quartier Majengo, qui jouxte le parc des Virunga. Des groupes des jeunes armés de lances et autres armes blanches et nantis de gris-gris avaient investi le bureau du quartier, ravi deux armes aux policiers dont un a été lapidé sur le champ, selon le chef du quartier, Abawezi Maliro, cité par Radio Kivu One. Les bureaux du quartier et de l’Agence Nationale des Renseignements (ANR) et le sous-commissariat de Majengo ont été incendiés par les assaillants qui ont ensuite barricadé la route à Majengo et à Ndosho, pour perturber la circulation et ainsi provoquer « la ville morte » dans cette partie de Goma, selon des sources policières et indépendantes.
Goma fut donc, lundi dernier, un copier-coller de l’insurrection de Ouagadougou qui avait entraîné la chute de Blaise Compaoré, fin octobre 2014. Même formule, mêmes ingrédients : sous de fallacieux mouvements sociaux anonymes se glissent des professionnels des « insurrections téléguidées » qui ciblent des positions stratégiques. La première de Goma a échoué. Affaire à suivre.
J.N.