« Gizenga fin d’une histoire », c’est le titre-phare d’une édition du Soft International parue jeudi 14 septembre 2017, sous la plume de T. Matotu. Il a suscité plus que de l’émoi dans les milieux de l’ex province de Bandundu. Particulièrement dans ses populeux bastions kwilois et ses ramifications kinoises et, pour tout dire, au sein du Parti Lumumbiste Unifié (PALU), dont le patriarche Antoine Gizenga Fundji est le secrétaire général et chef du parti depuis les années post indépendances. De l’avis de tous les observateurs « Gizenga fin d’une histoire » aura été ressenti comme une gifle, pire, un sacrilège sur la personne du très respecté fondateur et leader du PALU.
Certes, le parti politique d’Antoine Gizenga n’a pas encore réagi publiquement à ce brûlot. Et ne devrait probablement rien en faire, mais cela n’enlève rien à la gravité de la désormais controverse entre ce parti historique et Tryphon Kin Kiey Mulumba, le professeur de journalisme et patron du Soft International, élu de Masimanimba dans la province du… Kwilu (ex-Bandundu). Elle réveille des rancœurs ataviques, même si en annonçant avec pompe que le patriarche âgé de 93 ans était plus proche du crépuscule que de l’aurore de sa vie biologique et politique, l’auteur de l’article en question ne disait que tout (trop) haut ce que tout le monde sait. Parce qu’ainsi, à travers son journal, l’élu de Masi se rendait coupable de sacrilège, selon les us et coutumes bantoues, qui requièrent la plus grande circonspection lorsqu’il s’agit de révélations annonçant la fin de vie de personnages proches du sacré dans l’entendement général. « Pour ne pas être soupçonné de souhaiter la mort du mourant », en quelque sorte, explique ce confrère originaire de Kikwit au Maximum.
Kin Kiey Mulumba derrière T. Matotu
Car, dans les milieux du Palu, derrière la plume empoisonnée de T. Matotu qui brocarde ce qui est présenté comme les derniers instants du patriarche lumumbiste se profile l’ombre de l’honorable député Kin Kiey Mulumba, un baron de la majorité présidentielle. Qu’un fils du Kwilu use, même par personne interposée, d’un langage aussi cru pour immoler sans ménagements le demi-dieu vivant de Gungu et d’Idiofa scandalise. « Réduit physiquement et intellectuellement, Antoine Gizenga vit en dépendance totale. Ceux qui le voient comme ce dernier carré de privilégiés qui font partie de suites présidentielles quand Joseph Kabila à la veille du scrutin de l’ex-Banningville, lui a rendu visite ce vendredi 25 août dans sa nouvelle résidence de Ma Campagne payée comptant par l’Etat et assurent le vieil homme sans qu’il ne l’entende que « le Kwilu n’a pas à tomber, le Kwilu est dans la poche », assène, en effet, T. Matotu.
Impossible d’expliquer autant de verve assassine par une maladresse scripturale, parce qu’aucune phrase de « Gizenga fin d’une histoire » ne présente le dernier compagnon vivant de Patrice-Emery Lumumba sous un jour autre que dénigrant, comme s’il fallait immanquablement achever le « Vieux » et en retirer des sortes de « lauriers de David vainqueur de Goliath ». C’est ce qui transparaît de ce commentaire de l’ultimatum du Palu à la Majorité Présidentielle après l’élection d’un dissident du PALU à la tête de la province du Kwilu. « Au fond, cet ultimatum provient-il d’un homme tombé en décrépitude, pris en charge totalement par une cour sangsue qui, sous d’autres cieux, séjournerait depuis belle lurette en maison de repos, celui qui, un jeudi 25 septembre 2008, avoua dans un courrier pathétique lu à la télévision publique que si son cerveau fonctionnait encore, le corps ne répondait plus, après qu’une gouvernance folklorique eût été chahutée et fut contraint de remettre de gré ou de force sa démission au Président de la République, ses ministres menaçant de s’en aller si Gizenga ne s’en allait pas ? », martèle plus que n’interroge Le Soft International.
Verve assassine et vengeresse
Parce que quelques lignes auparavant, T. Matotu avait dépeint une sorte de tableau des forces en présence dans la province de Léopoldville des années ’60 (comprenant l’actuel Kongo Central, Kinshasa et le Bandundu), et du Parti Solidaire Africain (PSA) dont il ressort que Cléophas Kamitatu, kwilois de l’ouest (comme le patron du Soft), pesait davantage que Antoine Gizenga, kwilois de l’Est. « La province de Léopoldville est très vaste. Elle couvre tout le pays Kongo, s’étend sur l’actuelle ville de Kinshasa, le Kongo Central et l’ex-Bandundu. Régner sur un tel territoire, une puissance économique et politique de premier ordre, fait de l’ancien président provincial du PSA-Kwilu, un personnage central de la scène politique nationale. Connu pour son indolence, Gizenga, Président du PSA, ne s’est pas déplacé dans le Kwilu pour appuyer ses candidats en campagne ». Une véritable salve, qui laisse entendre qu’indolent, le patriarche l’a toujours été depuis l’aube des temps, selon T. Matotu. Au point que les victoires du PSA aux municipales de 1959, c’est au kwilois de l’Ouest que le parti les doit, et non pas à Antoine Gizenga qui serait « … resté à Léopoldville, a continué ses enseignements à l’Athénée de Kalina, l’actuel Athénée de la Gombe. S’il a donné de la voix lors des rares meetings, il n’a réalisé aucun résultat. A bon droit, le sémillant homme de Masimanimba, Kamitatu qui s’est octroyé une stature internationale à la Conférence de la table-ronde de Bruxelles, réclame le poste clé dédié au PSA et l’obtient sans coup férir ».
En finir avec l’ouest
L’iconoclaste ne s’arrête pas en si bon chemin. Antoine Gizenga ainsi achevé, il faut en finir avec les siens, d’Idiofa, de Gungu et du Palu en général. Après le parricide, le fratricide. « La vague déferlante de 2006 s’est-elle à jamais fondue comme neige au soleil en 2017 ? Au fond, a-t-elle jamais existé ou s’est-il agi d’une erreur d’optique, un problème de polarisation, un malentendu avec des communautés villageoises bandundoises spécialement kwiloises guère informées, très vite réglé dès le prochain tour de scrutin en 2011 ? Avec le cuisant échec essuyé par le PALU samedi 26 août dans la ville de Bandundu lors de la confrontation démocratique pour l’élection de gouverneur de province à l’Assemblée provinciale, comment ne pas l’affirmer », lit-on dès l’entame de « Gizenga fin d’une histoire ». Au-delà du patriarche, c’est toute son œuvre politique qu’il s’agit de démystifier, dans une furieuse tentative de la redimensionner et l’exploser, sur fond d’antagonismes politiques Est-Ouest de l’ex. Bandundu. T. Matotu rappelle ainsi que Gizenga et Kamitatu s’étaient fâchés pour la vie l’un et l’autre depuis ces années électorales de 1959 et le partage du gâteau politique qui s’en est suivi : « Jamais ils ne se reverront jamais ! Jamais, ils ne se serreront jamais la main ! Jusqu’à ce que Dieu les rappelle à lui. Ce juron sera tenu. Quand le 12 octobre 2008, Kamitatu s’éteint en Afrique du Sud, que le pays le pleure dans le hall du Palais du Peuple, rend hommage au «héros de l’Indépendance», il n’a droit à la gerbe de fleurs ni du PALU, ni de quiconque membre de l’ethnie Pende », accuse Le Soft International, mettant ainsi tous les Pende dans le même panier à crabes de l’histoire de l’ex. province du Bandundu. Mais pas seulement les Pende, leurs voisins du territoire rural d’Idiofa aussi, parce que « Pende et Ambuun sont si liés peuplant des territoires si voisins qu’ils ont ensemble subi la pire rébellion qui se soit abattue sur le Kwilu, la première de l’histoire du pays ». Ainsi que tous les lumumbistes de la planète terre, parce que T. Matotu n’a pas plus d’égard envers le patriarche Antoine Gizenga qu’envers son compagnon et héros national Patrice Emery Lumumba, assassiné en 1961 au Katanga.
Antinationalisme avéré
Sur la rébellion muleliste vue différemment par l’opinion depuis la fin de la dictature mobutiste et sa propagande, et sur son principal animateur, Pierre Mulele (un Ambuun) atrocement mutilé avant d’être achevé et jeté aux crocodiles du fleuve Congo, le journal du kwilois de l’Ouest est aussi dur et sans concessions : « Quand fin novembre 1963, Mobutu fait cueillir à Brazzaville «l’horreur du Kwilu», il met à la tâche Jean-Marie Bomboko Lokumba. Le ministre des Affaires étrangères est lié d’une amitié presqu’infantile avec un homme, Kamitatu, le patriarche de Masimanimba. Mobutu n’ignore rien… », se vante carrément l’auteur de l’article. Avant de qualifier dans la foulée le discours prononcé par le 1er premier ministre élu de la République du Congo devant le Roi Baudouin de Belgique, que d’aucuns parmi les nationalistes et panafricanistes tiennent pour héroïque, de « sortie de route ». « Après (…) le clash du jour de l’Indépendance devant le Roi des Belges Baudouin 1er dans la grande salle de l’actuel Palais de la Nation, où siège la Présidence de la République, le Premier ministre marxiste-léniniste devient l’ennemi public n°1 des Occidentaux. Ses liens avec les mouvements progressistes africains ne le sauveront pas. Lumumba est révoqué par Kasavubu, pourchassé par Mobutu, meurt sauvagement le 14 septembre 1960 au Katanga, son corps jeté dans de l’acide afin qu’il disparaisse à jamais, que jamais nul n’aille le rechercher pour un quelconque pèlerinage… ». Tout le monde en prend donc pour son grade.
Au Palu, on voit le mal en grand, même si on se retient de donner la réplique à l’impertinence de Matotu. Et on le grossira certainement au fur et à mesure que jours et mois s’écouleront, jusqu’à pouvoir s’en servir à bon escient. « Ce type est le snipper attitré des nationalistes lumumbistes », confie au Maximum un cadre du parti gizengiste, un peu pour expliquer le mutisme observé par les instances du parti depuis jeudi 14 septembre 2017. Mais cela n’empêche pas chacun d’y aller de son point de vue sur cette question qui tend une corde déjà rendue très sensible par les événements politiques récents.
Il y avait déjà l’affaire du mercure de Pay Kongila
Et de rappeler cet épisode demeuré frais dans les mémoires ici, la tristement célèbre affaire du Mercure de Pay Kongila prétendument volé par … un certain Marc Mvuama. L’incriminé, qui avait eu droit aux plus belles pages à scandale du même journal Le Soft International, l’hebdo international s’étant laissé aller à étaler aux yeux de l’opinion sa vie intime, n’était autre que le député le mieux élu du Palu en 2006, et 2ème vice-président de l’Assemblée nationale. De Marc Mvuama, on n’a plus jamais entendu parler, le snipper des nationalistes lumumbistes n’avait pas loupé cet homme intransigeant qui, rapporte-t-on encore, gênait aux encolures son collègue le président du bureau de l’Assemblée nationale à l’époque, Vital Kamehre. Les deux lascars auraient associé leurs venins pour achever le 2ème vice-président encombrant, explique-t-on au siège du Palu sur le boulevard Lumumba à Matete. Même si cela reste à prouver. Ce qui l’est moins, c’est ce que T. Matotu (pseudonyme de KKM ?) pense de ses collègues députés élus des fiefs du Palu dans le Bandundu. Rien de bien flatteur : « En 2006, le PALU a aligné maîtres d’école et menuisiers, incapable d’investir des candidats valables dans un territoire Quartier Latin pour la qualité de l’enseignement des Pères jésuites et des Frères Joséphites. Les Gizengistes ont envoyé cinq Députés au Parlement, des membres issus de cette classe ouvrière marxiste-léniniste, adeptes de l’église des Noirs en Afrique qui prient à même le sol dans des baraquements de branches d’arbres et de feuilles qu’aucun Congolais n’a vus devant le pupitre et dont nul n’a entendu la voix », écrit-il dans « Gizenga une histoire finie ».
Ici aussi, impossible de distinguer entre le journaliste et l’homme politique éternellement englué dans les querelles politiques d’un terroir où, manifestement, l’Est et l’Ouest se vouent un peu pire que de l’animosité active. Car, sur les scores du parti gizengiste en 2006, le périodique de KKM larmoie littéralement : de toute évidence ils ne procurent qu’insomnie à l’ancien ministre et professeur de journalisme qui a attendu son heure pour déverser sa bile et sonner le glas : « En 2011, à Bulungu, le PALU ne passera pas. En 2006, les Gizengistes avaient raflé cinq sièges. À eux seuls ! Tout comme à Masimanimba, l’autre territoire très disputé qui a la particularité d’avoir vu naître un certain… Kamitatu, l’homme qui, en 1960, priva Gizenga du prestigieux poste de Président de Léopoldville, l’humilia de ce fait en le contraignant à aller dans un Gouvernement Lumumba sans portefeuille au point qu’il lui est resté redevable à vie, puis à un exil de vingt-six ans! La vengeance est un plat qui se déguste surgelé… », se réjouit-on au Soft International.
Campagne de diabolisation pour guerre de succession
La conclusion coule comme de source pour l’interlocuteur du Maximum : c’est une campagne de diabolisation en règle qui est lancée contre le parti lumumbiste et son leader charismatique. Une campagne de diabolisation d’autant plus pernicieuse qu’elle est « menée par un fils du bercail (…) spécialisé dans l’art de travestir la vérité et qui sait comme nul autre tremper sa plume au vitriol dans des miasmes nauséeux … ». Une vérité qui se réduit en une guerre de succession politique dans la province du Kwilu, mais qui n’effraie guère au Palu. « Antoine Gizenga est resté indéboulonnable sur toutes ces terres du Kwilu toujours acquises au PALU malgré tous les moyens engloutis dans la promotion d’un nouveau leadership. Avec près d’un siècle d’existence remplie des hauts faits légendaires, Gizenga et ses idées semblent toujours promis à un avenir démiurgique comme si ni l’usure du temps ni la mort physique n’arriveraient jamais à lui ôter son mythe ».
J.N.
GIZENGA FIN DE L