Butembo, la capitale économique du Grand Nord Kivu, cette partie de la province du même nom réputée pour la puissance économique de ses commerçants originaire Nande, était sens dessous sens dessus, lundi 11 septembre 2017 dans l’avant-midi. Les activités essentiellement commerciales de la bourgade située à une cinquantaine de km de la ville voisine de Beni et à 300 km au nord de Goma, le chef-lieu de la province, étaient pratiquement au point mort.
L’argent n’aime pas la confusion et l’insécurité. La police et l’armée ont été déployées à plusieurs endroits de la ville, notamment le long de l’avenue Président de la République pour prévenir toute perturbation de l’ordre public. Et des tirs ont été entendus du côté d’un quartier dénommé Congo ya Sika (commune ee Vulamba) où des manifestants avaient brûlé des pneus sur la voie publique, rapportent de sources locales.
A l’origine des incidents de lundi 11 septembre 2017 donc, une manifestation présentée comme estudiantine, mais dont les allures n’ont rien d’académique : l’objectif étant une marche et un sit in devant la mairie de la ville, pour à la fois exiger le départ des autorités administratives et sécuritaires que pour protester contre l’insécurité qui sévit à Butembo. Au terme d’une réunion de sécurité convoquée express, dimanche 10 septembre, les autorités municipales de Butembo ont … réitéré l’interdiction de toute manifestation publique. Pour raison d’insécurité, précisément.
Phénomène Kasuku
A Butembo sévit depuis plusieurs mois le phénomène dénommé « Kasuku », des tueries et des enlèvements de paisibles citoyens, qui ont évolué dangereusement en tueries et enlèvements de personnalités de la société civile. Ajoutées aux exactions des milices mai mai qui pullulent dans la région, la situation sécuritaire dans cette partie de la République est, en effet, rien moins que préoccupante. Suffisamment préoccupante pour le caucus des élus de la région en discutent avec le gouvernement central : jeudi 7 septembre, au terme d’une longue entrevue avec le vice-premier ministre et ministre de l’intérieur, Ramazani Shadary, les élus du Grand Nord Kivu avaient appelé les populations au calme. Le patron de la territoriale ayant promis de s’occuper expressément du problème sécuritaire dans la région.
L’évolution de la situation sur le terrain indique que Butembo n’a pas écouté ses élus. Vendredi 8 septembre, 24 heures après les assurances de Ramazani Shadary au caucus des élus du Nord Kivu, un prêtre catholique, enseignement à l’université catholique du Graben (UCG) avait de peu échappé à un enlèvement. L’abbé Athanase Waswandi Kakule, un ancien professeur de l’Université catholique du Congo à Kinshasa, avait été torturé et enlevé par des ravisseurs armés avant de leur échapper miraculeusement. Blessé à la tête, il avait été admis aux soins dans un centre hospitalier de la place. Les assaillants s’étaient ensuite attaqués aux domiciles de quatre autres professeurs, dont celui du vice-recteur et président de la société civile de Butembo, Telesphore Malonga, absent au moment de ces événements. Ce fut suffisant pour mettre le feu à la baraque.
Milieux universitaires ciblés
Dans les esprits, à l’UCG et ailleurs en ville de Butembo, il était évident que le phénomène « Kasuku » débordait donc résolument de la cité vers les milieux universitaires, connues pour la propension du plus grand nombre de ses pensionnaires, les étudiants, à battre le pavé pour un oui ou pour un non.
Le 9 septembre, Sikuli Vasaka Makala, le maire de Butembo, a effectué le déplacement de l’UCG dans le dessein évident de se rendre compte de la situation sécuritaire et de rassurer étudiants et corps enseignants se serait fait séquestrer par les camarades en furie, selon des sources. L’autorité urbaine s’extirpera du bourbier estudiantin à l’aide de grenades lacrymogènes larguée par la police pour lui frayer un chemin, selon les mêmes sources, néanmoins contredites par la société civile. Quelques interpellations, d’étudiants et d’au moins un professeur particulièrement vindicatif, avaient été rapportées.
Etudiants manipulés ?
Ce seraient donc ces étudiants chauffés à blanc par les derniers événements survenus sur leur campus qui seraient descendus dans les rues de Butembo. Mais leur manifestation coïncide avec l’appel de la société civile locale, animé par l’un ou l’autre professeur d’université, notamment, à manifester pour obtenir la démission des autorités municipales et sécuritaires de Butembo. L’appel, lancé le week-end du 9 septembre 2017 prévoyait une série d’activités destinées à paralyser la capitale économique du Grand Nord Kivu durant toute la semaine du 11 au 16 septembre. D’après un communiqué d’Elie Kwirakwira, qui se présente comme vice-président de la société civile de Butembo, dimanche 10 septembre, outre le sit in des étudiants à la Mairie, des « manifestations sporadiques des groupes de pression (étaient programmées) dans les rues et avenues de la ville pour exiger le départ des autorités politico-administratives et sécuritaires ainsi que quelques éléments de la PNC et ANR qui ont fait longtemps en ville de Butembo ».
A Butembo, la société civile appel donc … au vide et à l’arbitraire pour régler les problèmes sécuritaires qui l’assaillent : pas d’autorité politico-administrative, pas de police, pas d’armée. C’est un appel à jeter le pouvoir dans la rue et à le laisser être récupéré … Par qui ?
J.N.