Vendredi 25 août 2017, une délégation de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) conduite par son président, Corneille Nangaa Yobeluo, a effectué le déplacement du CNSA (Comité National de Suivi de l’Accord et du Processus Electoral). Non pas pour discuter du calendrier électoral, un sujet qui accapare pourtant l’attention de l’opinion et des partenaires au processus électoral rd congolais. Mais pour présenter le kit à voter électronique, un outil performant qui permettra à la RD Congo de réduire sensiblement le temps nécessaire pour la publication des résultats provisoires des prochaines élections, aux dires du président de la centrale électorale.
L’option pour le vote électronique, une révolution dans le système politique rd congolais, est prévue par la loi électorale en vigueur et a été encouragée par les parties prenantes à l’accord politique conclu le 31 décembre 2016 au Centre catholique interdiocésain de Kinshasa, qui avaient recommandé « d’explorer les voies et moyens de rationalisation du système électoral pour réduire les coûts excessifs des élections». Ce à quoi la CENI oeuvrait depuis 2013, a assuré Corneille Nangaa, qui a annoncé une campagne de sensibilisation de la population électrice à ce vote électronique qui permet la transmission en temps réel de données sécurisées au serveur central, et donc la proclamation des résultats des scrutins en un temps record, comme on dit.
L’événement aurait dû, pourtant, accaparer les débats parmi ceux qui prétendent se passionner, soutenir ou encourager le processus de démocratisation en RD Congo et se préoccupent des délais électoraux. De nombreux pays à travers le monde l’expérimentent depuis le début des années ’90, notamment le Brésil, dont la configuration géographique s’apparente à celle de l’immense territoire rd congolais. Depuis 2002, 100 % d’électeurs brésiliens utilisent le vote électronique qui identifie chaque candidat par un numéro et une photographie, et transmet les données dès la clôture du scrutin sans possibilité d’interférence aux instances électorales régionales. En 24 heures seulement, l’utilisation de quelques 414.000 urnes électroniques avait ainsi permis de connaître les résultats du vote sur l’ensemble de l’immense territoire brésilien.
Les avantages du vote électronique proposé dont Corneille a présenté la quintessence devant les membres du CNSA vendredi dernier sont nombreuses, selon les experts. Un système vote électronique, c’est un système dans lequel il est facile de conduire des audits à tous les niveaux, explique ce démographe de l’Université de Kinshasa, interrogé par Le Maximum. Dans un pays où la contestation des résultats électoraux est chronique, pouvoir auditer pour rassurer ou confondre tout le monde apporte un surcroit de crédibilité. D’autant plus qu’ici, l’électeur lui-même peut s’assurer de la juste transcription de son choix, rendant ainsi le vote électronique transparent et sécurisé au plus haut point. Parce que le système de vote électronique signifie que l’enregistrement des voix et leur comptabilisation se fait quasi-instantanément, réduit le temps d’incertitude relatif à l’issue des votes, et ainsi renforce la crédibilité des opérations électorales.
Les experts notent aussi que le vote électronique élimine particulièrement les discriminations, parce que certaines machines comportent des modules spécifiquement destinés aux personnes vivant avec handicap, malentendants ou aveugles par exemple, en leur permettant de voter en toute indépendance.
L’annonce révolutionnaire du week-end dernier a failli passer inaperçu, noyé dans le chahut tonitruant provoqué par les quémandeurs d’un nouveau dialogue politique en RD Congo qui se dissimulent derrière l’appel à organiser l’élection présidentielle « coûte que coûte » au plus tard avant fin décembre prochain. Ou à se débarrasser de Joseph Kabila, le Président de la République en fonction, à la même échéance sans la moindre élection afin de pourvoir à son remplacement même hors de toute forme de procédure constitutionnelle. Vendredi dernier, alors que le bureau de la CENI annonçait au CNSA une nouvelle qui aurait dû ravir à la fois la classe politique et l’opinion publique, soucieuses de l’avenir du processus électoral, des porte-voix de l’opposition dans la presse locale préféraient brandir le spectre d’un renvoi des scrutins à 2020. C’est-à-dire, d’ici trois ans, soit le tiers de la durée d’un mandat de 5 ans.
Publiées moins de 48 heures après que la CENI eût annoncé avoir atteint le cap de 40 millions d’électeurs enrôlés – un véritable exploit – des telles estimations paraissent donc extrêmement fantaisistes et suscitent plutôt des interrogations. Beaucoup dans l’opinion y ont vu un appel à ne pas compter sur quelque élection que ce soit, à dédaigner le processus électoral en cours au profit d’un éventuel nouveau dialogue qui permettrait un nouveau partage du pouvoir.
Prétendre qu’aucun scrutin électoral n’est tenable en RD Congo avant 3 ans s’inscrit donc dans le contexte de cet appel, qui peine à trouver un sens, à une nouvelle transition, à laquelle s’active l’opposition radicale katumbiste, soutenu par une église catholique politisée à outrance et des organisations dites de la société civile devenues de simples caisses de résonnance de la frange la plus extrémistes de l’opposition congolaise. C’est un appel à reprendre à zéro le laborieux processus de démocratisation en cours depuis 2003, en mettant sous le boisseau la constitution et les textes légaux qui régissent la vie politique en RD Congo, parce que c’est bien cela qu’impliquerait l’instauration d’une nouvelle transition. C’est cela aussi qui peut expliquer l’indifférence face aux progrès réels enregistrés dans la mise en œuvre du processus électoral, en ce compris cette véritable révolution qu’est l’option pour le vote électronique au cours des prochains scrutins électoraux.
J.N.