« On me reproche de dire la vérité. Maintenant je suis proche des faits. Je ne savais pas ce qui se passait, maintenant je le sais et je dois dire la vérité ». Tels sont à peu de choses près les propos d’un élu de Kinshasa sur les listes SET (Soutien à Etienne Tshisekedi), Basile Olongo Pongo, le député le mieux élu de la capitale rd congolaise aux législatives de 2011, devenu vice-ministre à l’intérieur. Il se défendait, plus qu’il ne s’expliquait, devant les médias à Kinshasa, d’accusations portées contre sa personne par certains cadres du parti du défunt Etienne Tshisekedi. Parce qu’il a été parmi les premiers à révéler que les responsables des attaques contre les lieux de détention et les symboles de l’Etat, qui ont endeuillé Kinshasa ces derniers mois, appartiennent à la branche radicale de l’UDPS, celle de Limete. Une révélation d’un « enfant-maison » qui met à nu des stratégies secrètes d’une aile d’un des plus grands partis de l’opposition du pays qui a choisi la voie des armes après avoir longtemps prétendu privilégier la non-violence. Depuis quelques jours, les kinoises et les kinois savent que l’UDPS a fait tuer, et pas seulement les agents de police ou les membres des forces de l’ordre. Des simples citoyens aussi, comme cette pauvre dame, Chantal Mboyo, administratrice du Marché Central de Kinshasa assassinée le 14 juillet 2017 en son lieu de travail.
Assassins
Vendredi 28 juillet 2017, la police nationale congolaise a présenté un groupe des terroristes (tout au moins 15 parmi eux) responsables des attaques du poste de la police de la 11ème rue Limete le 9 mai, de Centre Pénitentiaire et de Rééducation de Kinshasa (CPRK) le 17 mai, du Parquet de grande instance et du commissariat de police de Matete le 10 juin, de la maison communale et du commissariat de Kalamu le 29 juin, et du Marché Central de Kinshasa le 14 juillet 2017. Parmi eux quelques membres de l’UDPS. Pas n’importe quels membres, parce que Cimanga Ben Cimanga, étudiant de son état et chef de la bande des terroristes qui aurait poignardé à mort Madame Mboyo le 14 juillet, n’est autre qu’un « agent de protocole du secrétariat général de l’UDPS ». Pierrot Mwanamputu, le porte-parole de la PNC, l’a révélé vendredi dernier devant la presse et une brochette de représentants du gouvernement. Cet homme dont l’arrestation au Home 10 de l’université de Kinshasa a provoqué des échauffourées qui ont causé d’importants dégâts matériels, ainsi que d’autres membres de l’UDPS, ont été recrutés par un groupe opérant sous le label « Kamwina Nsapu », ce terrorisme-fétichiste d’origine kasaïenne sur lequel pèsent de sérieuses présomptions d’assassinats d’experts onusiens en mars dernier non loin de Kananga.
Non-violence à l’épreuve
A l’UDPS/aile Limete, l’affaire gêne au plus haut point et les cadres du parti ont aussitôt versé dans un puéril plaidoyer pro domo qui ressemble à une véritable fuite en avant, faute de pouvoir réfuter les faits. D’un ton hésitant, Augustin Kabuya, le porte-parole du parti, a assuré sans convictions que « c’est de la provocation pure et simple que d’impliquer l’UDPS dans ces montages. L’UDPS a toujours prôné les méthodes pacifiques. Ces déclarations de la police sont l’œuvre de la famille politique du président Kabila ». Mais la non-violence des adeptes de la défiance de l’Etat et des forces de l’ordre de la 11ème rue Limete, beaucoup n’y croient plus à Kinshasa. D’autant plus qu’un autre cadre de l’UDPS, Peter Kazadi, l’ancien porte-parole du défunt Etienne Tshisekedi, n’ose même pas nier l’appartenance des présumés criminels à son parti. « Qu’un détenteur de la carte du parti figure parmi les terroristes n’implique pas la responsabilité de l’UDPS. C’est comme si je commettais un viol et qu’on accusait le parti pour cela », s’est-il mollement défendu sur les antennes de Radio Top Congo FM captée à Kinshasa dimanche 30 juillet 2017. Même son de cloche chez Jean-Marc Kabund, qui a perdu sa morgue habituelle. « Seule la justice pourra établir le degré des responsabilités des membres du parti accusés de ces crimes », a-t-il sobrement soutenu.
Aveux
Même Félix Tshilombo Tshisekedi, le fils du défunt président de l’UDPS qui s’est emparé des rennes du parti sans s’encombrer de scrupules démocratiques, a donné de la voix dans une sorte de baroud d’honneur désespéré. Comme celles des cadres du parti, les dénégations véhémentes de Fatshi qui a maladroitement essayé de politiser cette grave affaire criminelle manquaient cruellement de conviction : « Une milice traditionnelle ne peut pas avoir des ramifications jusqu’à Kinshasa », l’a-t-on entendu dire, avant de déclarer avec une incroyable outrecuidance « j’exige, j’ordonne à la police d’arrêter avec ces manipulations », comme s’il était permis à un politicien d’arrêter une enquête judiciaire en donnant des injonctions à la justice dont les auxiliaires (la police) faisant leur travail ont établi « sans aucun doute raisonnable » que deux féticheurs sont effectivement venus de Kananga et qu’ils ont initié des jeunes kinois recrutés à la permanence de l’UDPS à Limete aux pratiques qui ont fait leurs « preuves » dans les deux provinces déstabilisées du Kasaï.
Pas de ramifications possibles à Kinshasa ? Que si. Des enregistrements sonores retrouvés dans l’ordinateur d’un des experts onusiens tués au Kasaï Central ont révélé qu’un député national de l’opposition résidant à Kinshasa était en communication avec les milices « Kamwina Nsapu ». Clément Kanku, un opposant originaire de Dibaya et ancien cadre du mouvement rebelle RCD/N au début des années ‘2000, est poursuivi par le Procureur Général de la République pour ces faits. Des ramifications sont donc plus que possibles. Vendredi dernier, la police a aussi fait état de soutiens de politiciens, non autrement identifiés, dont les terroristes ont bénéficié.
Arguments de faiblesse
Il faudra donc plus que les tonitruantes dénégations de Kabuya, Kabund et Tshilombo Tshisekedi pour prouver que l’UDPS/Limete n’entretient pas des auteurs d’actes de violence extrême dans ses rangs. Depuis que les manifestations publiques prétendument pacifiques organisées par le parti d’Etienne Tshisekedi au cours de la deuxième moitié de 2016 se sont soldées invariablement par des morts violentes, y compris par armes à feu, la question des méthodes de conquête de pouvoir de l’ancienne fille aînée de l’opposition à la dictature mobutiste se pose sérieusement.
J.N.