Même le Congolais lambda y voit un peu plus clair maintenant : les radicaux de l’opposition ne courent pas du tout derrière une prétendue « alternance démocratique immédiate au sommet de l’Etat ». Ce qu’ils veulent, c’est ce fameux sommet de l’Etat, le ‘top job’ à tout prix. Pas nécessairement par la voie des urnes, c’est-à-dire, des élections qui obligent d’en passer par le retour souverain primaire. C’est toujours pour un schéma non électoral, donc non démocratique, qui privilégie des pourparlers ou des conciliabules entre initiés de la scène politique, présentés comme la solution ultime à la crise … du retard électoral qu’ils militent.
L’échec, au moins partiel, du dialogue modéré en faveur des radicaux de l’opposition par un groupe d’évêques « militants » de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) fin mars dernier semble les relancer sur ces sentiers de la guerre. Félix Tshilombo, le fils du défunt opposant rd congolais Etienne Tshisekedi, a voulu prendre les devants d’une nouvelle croisade anti-électorale en préconisant « une transition de six mois sans Joseph Kabila » si des élections impossibles à tenir techniquement avant fin 2017 ne sont pas organisées. « Nous désignerons par consensus une personnalité comme président de la transition (…) mais qui ne peut être candidat à la présidentielle pour conduire le pays aux élections crédibles », a expliqué l’héritier autoproclamé de la « fille aînée de l’opposition rd congolaise », qui s’est accaparé des rênes de l’UDPS sans aucune forme de procédure démocratique.
Transition sans Kabila
« On sait que le fils Tshisekedi n’est pas nécessairement une lumière », fait observer ce député de l’opposition « modérée ». Il ne croit pas si bien dire : les initiatives brouillonnes de Fatshi ne font pas l’unanimité, même dans les rangs de l’opposition dont il revendique une sorte de leadership « naturelle » qui ne dit pas son nom. Parce qu’entretemps, c’est-à-dire depuis la fin du dialogue dit du Centre catholique interdiocésain de Kinshasa, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts … vers la tenue effective des scrutins électoraux en RD Congo. S’il s’avère, certes, que les élections pourront pas se tenir à la fin du mois de décembre 2017, il n’en est pas moins évident qu’il est de plus en plus certain qu’elles se tiendront. Parce que le cap de 85 % d’électeurs enrôlés a été atteint et que la CENI a annoncé la semaine dernière le lancement des opérations d’enrôlement dans les provinces Kasaïennes. Dont Félix Tshilombo Tshisekedi, élu député de la circonscription de Kabeya Kamwanga en 2011, est originaire.
Devant les caméras d’une chaîne de télévision émettant à Kinshasa, Delly Sessanga, patron d’un petit parti politique de l’opposition radical (L’Envol) dont il est l’unique député élu à Luiza (Kasai Central), s’est montré plus que réservé face aux élucubrations de son collègue Tshilombo. Le coordonnateur de l’Alliance pour le Renouveau, une plate-forme (toute aussi petite) du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement/Katumbi avait en effet rétorqué que les propos de Félix Tshisekedi n’engagaient que lui. Pour Delly Sessanga, l’Accord conclu le 31 décembre 2016 « court encore ». Tout, à son point de vue, doit se faire dans le cadre de cette entente de partage de pouvoir et d’organisation des élections.
Respect de l’Accord
Chez les modérés, comme à l’UNC de Vital Kamerhe, l’idée d’une nouvelle transition est perçue comme saugrenue, ou presque. Jean-Baudouin Mayo, le secrétaire inter-fédéral du parti de Vital Kamerhe, s’en est insurgé. « Solliciter une nouvelle transition au d’autres dialogues, c’est congédier l’Accord de la Saint Sylvestre et par ricochet, faire sans le savoir, le jeu de la MP qui ne jure que par l’étirement indéfini du glissement pour s’éterniser au pouvoir », a-t-il expliqué à nos confrères de Politico.cd le 16 juillet dernier. « Le combat aujourd’hui est de faire appliquer intégralement l’accord du 31 décembre 2016, du moins dans ce qu’il a de plus essentiel, à savoir l’organisation des élections avant le 31 décembre 2017 ».
85 % d’électeurs enrôlés
Sur la question, la CENI est claire : point d’élections possibles avant fin 2017, même si le chemin parcouru est de loin plus long que celui qui reste à faire, expliquait la semaine dernière son vice-président, Norbert Basengezi. Un calendrier électoral conséquent, réclamé à cor et à cri par la classe politique, sera rendu public à la fin des opérations d’enrôlement des électeurs et après l’adoption d’un certain nombre de lois relatives à l’organisation des élections à l’Assemblée Nationale, au dernier trimestre 2017. Qui appellera à des discussions entre acteurs politiques pour convenir de nouveaux délais électoraux, inévitablement. C’est ce que laisse entendre l’UNC Mayo Mambeke en déclarant que « la CENI est dans l’obligation de publier un calendrier électoral conséquent en indiquant, s’il échet, les contraintes que tout le monde va s’atteler à résoudre pour rendre possible la tenue des élections dans le délai… ». Mais il n’est pas seul sur ce terrain plus ou moins dialogiste. L’ancien ministre de l’industrie du gouvernement Matata, Christian Kambinga, qui trône désormais à la tête de son propre parti politique, est plus péremptoire encore sur la question. Puisqu’il prône carrément une nouvelle période de tansition … de quelque 2 années, pour permettre l’organisation d’élections sérieuses, selon cet ancien du MLC de Jean-Pierre Bemba.
Appeler à une impossible transition sans Joseph Kabila ou s’engager pour une application intégrale désormais impossible de l’Accord de la Saint Sylvestre, ou encore à des discussions sur le calendrier électoral à rendre public par la CENI, c’est du pareil au même. C’est un appel au dialogue ou à de nouvelles négociations dont la portée reste à définir.
J.N.