La démission du président de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), le 10 octobre 2015, suivie onze jours plus tard de la désignation de son remplaçant par 7 des 8 confessions religieuses habilitées pour ce faire, semble avoir pris de court plus d’un dans le microcosme politique rd congolais. Les confessions religieuses ont non seulement fait preuve de diligence en organisant une réunion express au Centre Interdiocésain catholique à Gombe au début de la semaine dernière mais aussi porté leur choix sur un véritable outsider en la personne de Corneille Nangaa. Le secrétaire exécutif adjoint de la CENI, un économiste formé à l’université de Kinshasa et bardé de qualifications en matière électorale et de gouvernance démocratique, est un technocrate pur-sang. Le candidat des confessions religieuses, à l’exception de l’église catholique, compte parmi les 3000 experts formés par Bridge, un organisme mondial spécialisé qui a son siège en Australie, à travers le monde. Dans l’administration de la centrale électorale, Corneille Nangaa ne comptait pas parmi le personnel politique dont la loi a fait des membres de la plénière. Les confessions religieuses ont été le dégoter parmi les cadres strictement administratifs et techniques. Le choix déconcerte sans vraiment manquer de pertinence.
Les catholiques désarçonnés
L’église catholique rd congolaise dont se revendiquerait 40 % des chrétiens en RD Congo semble être la première surprise par le choix porté sur le secrétaire exécutif adjoint de la CENI. Les calotins avaient pourtant mis les petits plats dans les grands en offrant l’hospitalité à leurs collègues représentants l’Eglise du Christ au Congo, la Comité Islamique au Congo, l’Eglise Kimbanguiste, l’Eglise de Réveil au Congo, l’Armée du Salut, l’Eglise Orthodoxe et les Eglises Indépendantes dans leur antre du Centre Interdiocésain. Sans parvenir à changer le cours des choses, manifestement convenu entre les 7 avant la rencontre. Jeudi 22 octobre 2015, l’abbé Sentedi, le porte-parole de la Conférence Nationale Episcopale du Congo (CENCO) n’avait plus que ses larmes pour pleurer, et l’air un peu niais en déclarant que sa confession religieuse n’avait pas pris part à une élection organisée sous son toit.
L’argument avancé par les 7 confessions religieuses qui ont porté leur choix sur le secrétaire exécutif de la CENI reste imparable : la technicité et la probité morale. Là où les calotins auraient vraisemblablement préféré des critères politiques qui ont déjà eu le don d’induire des polémiques à n’en pas finir dans un passé récent. Encore qu’en matière de démocratie, les catholiques ne brillent pas toujours par l’exemple, loin s’en faut. Dénoncer un choix opéré par 7 sur 8 confessions religieuses est symptomatique de la considération que les ouailles du Pape François ont du sacro-saint principe de la majorité en démocratie. Normalement, l’église catholique aurait dû se soumettre au choix du plus grand nombre. Sans plus.
Les cantiques habituels de la VSV
La classe politique à Kinshasa semble elle aussi quelque peu déboussolée par le choix des confessions religieuses. Peu ont osé se prononcer raisonnablement jusque-là, tant il y a peu à reprocher à un ex. illustre inconnu de l’arène politique. Seule une Ong connue pour ses accointances avec toutes les oppositions politiques en RD Congo depuis le Maréchal Mobutu, La Voix des Sans Voix (VSV), s’est fendue d’un communiqué critique à l’encontre d’un choix de la société civile, pauvrement argumenté du reste. La VSV exige un consensus sur le choix du remplaçant de l’Abbé Malumalu, comme si il pouvait exister meilleur consensus que 7 Oui contre un seul Non, fût-il celui des catholiques.
Le Rassemblement Congolais pour la Démocratie/Kisangani/Mouvement de Libération (RCD/K-ML) d’Antipas Mbusa Nyamuisi a, lui aussi, plongé dans la brèche ouverte par les catho et la VSV. Par la bouche de son secrétaire général, Koloso Sumaili, le RCD/K-ML déclare se ranger derrière la position de l’Eglise Catholique pour contester la désignation de Corneille Nangaa, tout simplement. Koloso Sumaili affirme que cette désignation n’a pas fait l’unanimité, comme si une désignation à la tête de l’administration électorale a jamais fait l’unanimité en RD Congo.
L’autre critique évoquée dans la presse paraissant à Kinshasa serait de source gouvernementale. Nos confrères de Forum des As ont rapporté la semaine dernière des accusations de source gouvernementale contre le bureau de la CENI qui se serait avérée peu catholique dans la gestion de quelque 92 millions USD versés en 6 mois par l’exécutif national. Mais ici aussi, force est de constater que l’argument, fondé sur le fait que Corneille Nangaa a été recruté par l’ancien président de la CENI, ne tient pas la route. Quels qu’aient été les rapports du secrétaire exécutif adjoint de la centrale électorale avec le président de son assemblée plénière, ils ne font pas de lui le responsable de l’affectation des fonds décaissés par le gouvernement.
Silence dans les chancelleries
Avec Corneille Nangaa, les confessions religieuses semblent avoir réussi un vrai tour de passe-passe : rouler les politiciens dans la farine. Parce qu’il reste curieux que près d’une semaine après la publication de leur choix, il soit si ardu de découvrir les défauts de la cuirasse. Interrogé par Le Maximum lundi 26 octobre dans la mi-journée, un ecclésiastique qui a requis l’anonymat confortait indirectement ce point de vue : « Observez donc le silence des chancelleries occidentales, généralement promptes à la critique. Elles ne disent rien contre notre choix, parce qu’elles connaissent l’homme qui a été choisi », a-t-il déclaré en se frottant malicieusement les mains.
J.N.