La désormais célèbre « affaire Thambwe Mwamba », relative aux poursuites judiciaires pour crimes contre l’humanité engagées contre un ministre du gouvernement de la RD Congo est extrêmement révélatrice : de l’état d’esprit des colonisateurs occidentaux sur leurs anciennes colonies. Qu’elles jamais cessé de régenter de près ou de loin, et qu’elles moulent et remoulent au gré de leurs intérêts du moment.
Sur la fin du régime dictatorial du Maréchal Mobutu Sese Seko, beaucoup d’encre et salive a coulé sur les motivations qui ont poussé l’Occident à « lâcher » le Léopards zaïrois qui avait servi à contrer l’influence communiste sur le continent pendant les années de guerre froide. Entre autres services rendus aux puissances du vieux continent. Autant que sur la responsabilité des multinationales occidentales dans les conquêtes militaires qui ont endeuillé l’ex Zaïre vers la fin de la décennie ’90. Et tiraient encore en longueur au début des années ‘2000, au point d’inciter la même communauté occidentale à jouer des pieds et des mains pour mettre un terme au gâchis afin de tirer profit, au plus vite, d’immenses ressources naturelles dont regorge le pays redevenu RD Congo.
L’Accord de Sun City torpillé
Le 17 décembre 2002 était ainsi signé à Sun City en Afrique du Sud, un accord devenu célèbre : l’Accord Global et Inclusif qui a sanctionné le dialogue intercongolais de Sun City. Il mettait un terme aux années cauchemardesques 1988 – 2002, qu’a connues la RD Congo en scellant la réconciliation nationale entre belligérants rd congolais chaperonnés par des pays voisins, eux-mêmes soutenus par des puissances … occidentales.
L’Accord Global et Inclusif, comme son nom l’indique, était porteur d’un pacte républicain qui posait les jalons d’un Etat de droit démocratique mettant un accent particulier sur la question de la légitimité du pouvoir. De même qu’il avait vocation à prévenir contre tout ce qui portait les germes de la division et des affrontements dont avaient souffert les rd congolais, notamment à travers un certain nombre de mesures d’amnistie en faveur d’anciens belligérants.
Mais, force est de constater que tout est fait pour rayer d’un trait tout ce qui relève de l’entente entre les rd congolais à Sun City et des suites qu’elle a données depuis 2002. Notamment, cette constitution dont le pays s’est doté par referendum, ainsi que le laborieux mais encourageant à plus d’un égard, processus de démocratisation enclenché dès 2006. Parce que les Occidentaux, qui n’y trouvent plus leurs comptes, n’en veulent plus. « Le destin de ce pays continent au cœur de l’Afrique leur échappe, et cela, ils ne peuvent l’admettre », confiait au Maximum il y a quelques mois un diplomate arabe accrédité à Kinshasa. L’homme commentait l’acharnement, selon lui, des Occidentaux à vouloir substituer une constitution adoptée par referendum par un accord conclu entre quelques dizaines de concertateurs se déclarant par ailleurs hostiles à tout autre referendum en RD Congo, c’est-à-dire, à une des meilleures formes d’expression démocratique, en réalité. Adopté par referendum populaire ou imposé par un dictateur comme l’a fait le défunt Maréchal Mobutu tout au long de sa trentaine d’années de règne sans partage, une constitution rd congolaise ne vaut donc que ce qu’elle offre de facilités et de gratuités aux anciens colonisateurs. Depuis la signature, le 31 décembre 2016 de l’accord politique du centre interdiocésain, la communauté internationale joue va-tout pour le substituer à la loi des lois rd congolaise. Et cette oeuvre de torpillage systématique remonte plus loin encore, à l’Accord Global et Inclusif de Sun City en Afrique du Sud qui fonde le nouvel ordre politique dans ce pays.
Une affaire antérieure au dialogue intercongolais
C’est ce que rappelle, non sans pertinence, notre confrère Samy Bosongo à des internautes sur Facebook, à la faveur de l’affaire des poursuites judiciaires engagées en Belgique contre Alexis Thambwe Mwamba. Une affaire antérieure à l’Accord Global et Inclusif qui a sanctionné le dialogue inter-congolais, fondé notamment sur la réconciliation nationale. Sur laquelle un accent particulier avait été mis, consacré par la création d’un certain nombre de mécanismes de nature à favoriser une catharsis nationale, notamment, la « Commission Vérité et Réconciliation ». « Afin de réaliser la réconciliation nationale, l’amnistie sera accordée pour les faits de guerre, les infractions politiques et d’opinion, à l’exception des crimes de guerre, des crimes de génocide et de crimes contre l’humanité. A cet effet, l’Assemblée Nationale de transition adoptera une loi d’amnistie conformément aux principes universels et à la législation internationale. A titre provisoire et jusqu’à l’adoption et la promulgation de la loi d’amnistie, l’amnistie sera promulguée par Décret-loi présidentiel. Le principe de l’amnistie sera consacré dans la constitution de la transition », stipule la 8ème disposition l’Accord Global et Inclusif de 2002.
Le couteau dans la plaie
Il peut donc paraître qu’incongru que la Belgique exhume une affaire antérieure à une entente historique entre les rd congolais. Avec l’affaire Thambwe Mwamba, c’est la hache d’une guerre qui a fait plus de 5 millions de morts en RD Congo qui est déterrée par l’ancienne métropole coloniale. Parce que dans le contexte de guerre qui a vu un avion de Congo Airlines abattu par un tir de missile en octobre 2008, il y a à boire et à manger, comme on dit. Des témoignages probants attestent de l’utilisation régulière à l’époque d’avions civils pour convoyer des armes vers les fronts. A l’exemple de celui d’Yves Van Windem, un Belge qui entretenait une petite compagnie d’aviation au Congo, cité par David Van Reybrouk (in, Congo, une histoire, pp. 480-481), qui jette le doute sur la qualification d’ « avion civil » en ces temps de la « première guerre mondiale africaine » comme on l’a qualifiée. Dans ces conditions, on peut s’interroger si ce crime (il y en a bien eu un, hélas !) n’est pas constitutif des cas d’exception couverts par l’amnistie prévue par l’Accord Global et Inclusif. Et surtout, si c’est vraiment à la Belgique d’en décider à la place des rd congolais réconciliés à Sun City à la faveur de la création d’un nouvel ordre politique dans leur pays.
LE MAXIMUM AVEC SAMMY BOSONGO