Il est impensable qu’un mausolée solide soit érigé en moins de trois mois ! Et, l’Assemblée nationale – qui est au cœur de tout le processus de désignation du Premier ministre et d’investiture de son Gouvernement – n’effectuera sa rentrée que le 15 mars prochain, conformément à l’article 115 de la Constitution que l’Accord de la Saint-Sylvestre s’engage à respecter scrupuleusement !
La tâche ne sera donc pas aussi aisée que la lecture devant caméras d’un communiqué du « parti » pour Jean-Marc Kabund wa Kabund. Entré au secrétariat général de l’Udps à la manière d’un éléphant dans un magasin de porcelaine, l’homme est en train de casser la baraque, littéralement. Dans la mise au point rendue publique le 8 février 2017 en réaction, soutient-il, au « comportement récupérateur du régime en place face au deuil du Président Etienne Tshisekedi», il dit ne reconnaître «aucun autre comité parallèle, notamment celui rendu public par le porte-parole du gouvernement». Et de poursuivre : « Ipso facto, l’UDPS n’est pas intéressée par l’offre des titres de voyage faite par l’actuel gouvernement à sa délégation pour la raison suivante : le caractère malveillant et ostentatoire de cette offre nous pousse à croire que nous sommes face à des calculs politiques de mauvais goût dont l’objectif est de faire du tapage et marchandage inutiles ».
Passant du coq à l’âne, l’UDPS saisit l’occasion pour « rappeler que le seul cadre politico-juridique qui devra régir l’espace politique congolais est l’accord de la Saint Sylvestre. D’où la nécessité et l’urgence de mettre en œuvre l’Accord Global et inclusif du 31 décembre 2016 de manière intégrale pour décrisper la situation politique du pays et cela en conformité avec le vœu populaire qui estime que seul un gouvernement mis sur pied en application de cet accord a le droit d’accompagner le deuil de notre Cher Président ». Une façon comme une autre de mettre sous le boisseau la constitution de 2006 pour la défense de laquelle elle avait mis certains quartiers de la capitale à feu et à sang en septembre, octobre, novembre et décembre derniers. Et qu’elle s’est solennellement engagée à respecter à la lettre à l’occasion des pourparlers facilitées par les évêques catholiques au Centre interdiocésain de Kinshasa.
Au sujet des préalables portant sur les dates de rapatriement et d’enterrement d’Etienne Tshisekedi, le secrétaire général de l’UDPS exige l’érection « d’un mausolée au centre-ville de Kinshasa où sera gardé pour l’éternité le corps du Père de la Démocratie » et de la « prise en charge de tous les frais liés aux obsèques par l’Etat congolais à travers le gouvernement de large Union Nationale en vue ».
Outre l’habituel appel lancé aux combattants, aux membres du Rassemblement, à la Diaspora et au « peuple » à « afficher une attitude de recueillement et de sérénité dès maintenant jusqu’à l’inhumation » (sic !), le Secrétaire général de l’UDPS demande aux « éléments des forces de l’ordre et de sécurité, c’est-à-dire la Police Nationale Congolaise, les Forces Armées de la RDC» (…) à (faire preuve de)plus de responsabilité et de professionnalisme en laissant le peuple s’exprimer librement conformément à la Constitution et aux lois en vigueur ». Allusion à la même constitution dont il venait de proclamer l’obslescence…
A l’analyse de cette mise au point, on réalise combien l’œuvre léguée par Etienne Tshisekedi à ceux qui se présentent comme ses héritiers politiques est plus que sujette à caution.
Déjà, pour la forme, on cette mise au point révèle la vraie position hiérarchique du fameux « peuple d’abord » au nom duquel on embrase tout. Dans la mise au point rendue publique mercredi dernier, il vient après les combattants, après le Rassemblement et même après la diaspora. C’est du Kabund pur jus. Par rapport à la Police Nationale Congolaise et aux Forces armées, autre démonstration : le secrétaire général de l’UDPS s’adresse à elles comme si elles étaient des institutions indépendantes ou des milices à sa disposition. Apolitiques, elles le sont certes, mais en étant entièrement placées sous l’autorité du Gouvernement de la République. A son alinéa 4, l’article 91 de la Constitution dit : « Le Gouvernement dispose de l’administration publique, des Forces armées, de la Police nationale et des services de sécurité ».
Ainsi, à ce jour, la Police et l’Armée dépendent du Gouvernement en place. Celui du Premier ministre Samy Badibanga, donc. Si l’Udps soutient aujourd’hui le contraire, la conséquence logique est de rendre injustifiables les sanctions occidentales à l’encontre d’Evariste Boshab et Kalev Mutond.
Après la forme, le fond.
Deux éventualités
Le fond, c’est l’organisation proprement dite des funérailles nationales conditionnées par la mise en place du nouveau Gouvernement.
L’UDPS – cela est de notoriété publique – est le parti politique dont le leader charismatique passe pour le premier Congolais Docteur en droit. Il s’agit d’Etienne Tshisekedi. Plus qu’un honneur, c’est une grosse responsabilité dans l’interprétation de la Constitution, la loi des lois.
S’il est alors bon de dénoncer le non-respect de l’article 70 limité à l’alinéa 1 ou de contester l’arrêt de la Cour constitutionnelle relatif à l’alinéa 2 du même article, il doit aussi être bon de reconnaître que ce n’est pas sa désignation par ordonnance présidentielle qui fait du Premier ministre d’office le chef du Gouvernement.
Comme relevé dans une chronique récente, même si Joseph Kabila (à qui les porte-voix de l’UDPS ne reconnaissent la qualité de Président légitime de la RDC que pour nommer un des leurs à la tête du Gouvernement !) promulguait cette ordonnance aujourd’hui, le Premier ministre ne saura même pas inaugurer un champ de chrysanthèmes ! A la limite, il ne pourra que recevoir ses proches (pour fêter « l’heureux événement ») et des candidats membres du Gouvernement, et ça s’arrêtera-là. Car il lui faudra, avant toute entrée en fonction obtenir le vote d’investiture de son Gouvernement, après avoir formé celui-ci, cela aux termes des alinéas 4 et 5 l’article 90 de la Constitution en vertu desquels «avant d’entrer en fonction, le Premier ministre présente à l’Assemblée nationale le programme du Gouvernement. Lorsque ce programme est approuvé à la majorité absolue des membres qui composent l’Assemblée nationale, celle-ci investit le Gouvernement».
A ce jour, il est de notoriété publique que l’Assemblée nationale est en vacances parlementaires. La rentrée est prévue le 15 mars 2017. La priorité est traditionnellement réservée à l’élaboration du calendrier des travaux de la session ainsi ouverte. Faut-il encore qu’à cette période-là, le Premier ministre désigné ait déjà passé l’étape des sept travaux d’Hercule qu’est la composition de son Gouvernement. Ceci dans l’éventualité la plus optimiste.
Mais avant toute chose, il faudrait aussi, et c’est là un autre défi de taille, que le Premier ministre en fonction ait, au préalable, présenté au Président de la République la démission de son Gouvernement. L’alinéa 1 de l’article 78 est clair à ce sujet : « Le Président de la République nomme le Premier ministre au sein de la majorité parlementaire après consultation de celle-ci. Il met fin à ses fonctions sur présentation par celui-ci de la démission du gouvernement ».
En clair, de lui-même, le Président de la République n’a pas compétence de relever de ses fonctions le Premier ministre. Il paraît que le constituant avait levé cette option en s’inspirant des relations orageuses qui avaient émaillé la cohabitation entre le défunt président Mobutu et… le Premier ministre Etienne Tshisekedi entre 1990 et 1997. Le Maréchal pouvait révoquer le Premier ministre quand l’envie lui prenait. Et le ‘lider maximo’ de l’UDPS Tshisekedi en avait fait les frais. Ironie du sort…
A défaut de la démission volontaire du Premier ministre, le Constituant a prévu à l’article 147 la motion de censure. Son alinéa 1 est ainsi libellé : «Lorsque l’Assemblée nationale adopte une motion de censure, le Gouvernement est réputé démissionnaire. Dans ce cas, le Premier ministre remet la démission du Gouvernement au Président de la République dans les vingt-quatre heures».
Cette éventualité n’est, à l’évidence, réalisable qu’après la rentrée parlementaire, mi-mars 2017.
Trahison du Droit…et de la morale
En définitive, quel que soit le bout par lequel on aborde la question de la désignation d’un Premier ministre et de l’investiture de son Gouvernement, on se retrouve devant la même exigence du fonctionnement de l’Assemblée nationale.
Les constitutionnalistes de l’UDPS (le « rescapé » Me Jean-Joseph Mukendi et Peter Kazadi) et ceux du Rassemblement (Christophe Lutundula, Delly Sessanga) savent que c’est cela à la fois la vérité et la réalité des faits. Leur silence a une explication gravissime : la trahison de la science du droit pour des raisons bassement politiques.
Le courage politique escompté d’eux est celui de dire clairement qu’avec les exigences exprimées et qui traduisent plus la position de la famille politique que de la famille biologique, il va falloir compter une cinquantaine de jours avant d’inhumer Etienne Tshisekedi.
Seulement voilà : combien de temps prendra techniquement l’aménagement du mausolée ? Comme relevé ci-dessus, avec du matériel solide, ce ne sera avant au moins trois mois. Cela signifie que si les travaux de construction démarraient immédiatement, le mausolée ne serait pas prêt d’ici à la rentrée parlementaire. Généralement, on prévoit un enterrement provisoire, le temps d’ériger le lieu d’accueil définitif.
Mot de la fin : on croyait jusque-là le marchandage autour de l’organisation des funérailles était une pratique limitée au niveau de nos familles lorsqu’il y a mésentente, voire à celui des « jeunes » communément appelés «Kuluna» qui nous habituent, dans nos quartiers, à confisquer à leurs familles les cercueils des copines ou des copains et à leur imposer de négocier le versement préalable d’une « rançon » en échange : site de la morgue, date de levée du corps et d’enterrement, marque du corbillard, qualité de la chapelle ardente et du catafalque, animation de la veillée mortuaire, choix du cimetière, heure de départ pour le cimetière, itinéraire à emprunter à l’aller comme au retour, nature du rafraîchissement…
Voilà que cette pratique – combattues par toutes les bonnes consciences dans la capitale congolaise – prend de la « hauteur » et entre dans la sphère politique. Une façon comme une autre de donner un statut à des antivaleurs !
Là, ce n’est ni plus, ni moins que la trahison de la Morale.
Omer Nsongo die Lema avec Le Maximum