Dans leur volonté de maximiser le gain sur la mort de celui que ses militants appellent affectueusement « le sphinx de Limete », le Président du Rassemblement de l’opposition et ancien Premier ministre de la RDC, Etienne Tshisekedi, des caciques de son parti, l’UDPS, conditionnent le rapatriement de sa dépouille et l’organisation des obsèques à la nomination de son fils Félix Tshisekedi Tshilombo, comme Premier ministre par le Président de la République. Dans un tweet illustré, entouré d’une dizaine de militants et daté du 3 février 2017, Martin Fayulu, président d’un petit parti membre du Rassemblement, l’Ecide, a affirmé que le Rassemblement « soutient la volonté du peuple qui réclame que le corps d’Etienne Tshisekedi ne soit mis en terre que seulement après la nomination de son fils Félix comme Premier Ministre par le chef de l’Etat ». Sans préciser sous quelle forme le « peuple » se serait ainsi exprimé.
Le secrétaire général de l’UDPS, Monsieur Kabund a rajouté une couche mercredi en rejoignant la position de Fayulu. L’un et l’autre ont oublié (ou fait semblant d’oublier) que le seul moyen légitime pour le peuple de s’exprimer en RDC ou dans tout autre pays démocratique était les urnes, lors d’une élection, d’un référendum ou soit à travers ses représentants (parlementaires). Si l’UDPS arrive à convaincre la famille biologique sur la nécessité de ne pas inhumer le corps d’Etienne Tshisekedi avant la nomination plus qu’improbable de son fils comme Premier Ministre dans les délais ainsi exigés du Président Kabila qui n’a pas la réputation d’une poule mouillée, il faudrait s’attendre à une assez longue procédure jugée traumatisante par des spécialistes en Belgique. Traumatisante pour les proches et pour le de cujus lui-même. Pauvre Etienne Tshisekedi !
En effet, la famille de l’ancien Premier ministre qui donna tant du fil à retordre au dictateur Mobutu devra s’armer d’énormément de patience et s’assurer la mobilisation d’une noria d’officiels et de professionnels pour maintenir le corps du défunt en état jusqu’aux funérailles le temps des discussions pour obtenir le poste de premier Ministre au profit de son fougueux – et ambitieux – rejeton Félix.
Première démarche à envisager : une demande de dérogation auprès des autorités de Bruxelles-Ville au delà des six jours autorisés afin d’éviter une inhumation d’office du cadavre par l’administration de la région. Maintenir un dépouille mortelle en bon état, dépend de plusieurs facteurs. Entrent en ligne de compte, la pathologie, c’est-à-dire la cause du décès ; la constitution de la personne décédée de même que le temps écoulé entre le décès et l’embaumement. Sur la pathologie, Il est logique de penser qu’une personne morte d’un cancer ou d’un infarctus pourra se conserver plusieurs jours sans qu’il y ait de problèmes particuliers. Par contre, on ne peut en dire autant de la mort d’une personne décédée à plus de 80 ans ou d’une victime de noyade ou d’un incendie. Ensuite, la constitution physique du défunt dans ses derniers instants. Le corps d’une vieille personne pesant 80 kilos ne requiert pas le même traitement que celui d’un jeune homme de 34 ans pesant 120 kilos.
Si l’embaumeur n’utilise pas les bons dosages de produits à sa disposition, la durée de conservation sera naturellement réduite. Finalement, si elle choisit de suivre l’avis des faucons de l’UDPS et de certains groupes satellites partisans de la politique de ce chantage, la famille de l’ancien Premier ministre devra songer à livrer une véritable bataille contre le temps. Plus l’intervalle entre le décès et l’embaumement est long, plus il y a risque de formation de caillots de sang dans les veines, empêchant ainsi le fluide conservateur d’irriguer l’ensemble du corps pour préserver celui-ci. Si l’embaumement est pratiqué moins de 24 heures après le décès, la conservation causera peu de problèmes. Mais après trois ou quatre jours, c’est une toute autre histoire.
Au regard des lois en vigueur en Belgique, il est possible d’exposer un corps jusqu’à une semaine après le décès. Passé ce délai, il faut obtenir une dérogation motivée qui peut être accordée pour un maximum de trente (30) jours. Après quoi, la famille doit impérativement faire l’acquisition d’une concession dans un cimetière afin de l’y ensevelir, même s’il faudra par la suite l’exhumer pour un autre lieu d’enterrement. Dans une telle hypothèse, il importe de prévoir l’injection dans le corps d’un fluide beaucoup plus fort qui donne à la peau une texture proche de celle du cuir. Mais les experts signalent à ce sujet quelques exceptions, par exemple pour les personnes décédées alors qu’elles souffraient d’urémie (taux d’urée trop élevé dans le sang dû à un mauvais fonctionnement des reins). Dans ce cas, il faudrait trouver des formules adaptées de fluides pour que la concentration soit plus forte, au risque de voir le corps ne pas se conserver aussi longtemps qu’on l’aura souhaité. D’aucuns se posent la question dans la capitale belge de savoir si c’est le sort que les proches d’Etienne Tshisekedi entendent réserver à sa dépouille, le temps d’obtenir la nomination de son fils Félix comme Premier Ministre. Ce serait un véritable déni de la culture bantoue qui exige le plus grand respect pour les morts.
M.K.
Bruxelles,
Correspondance particulière