Lorsque « Le Maximum » annonçait, début octobre 2016, qu’en réalité les prélats catholiques réunis au sein de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) convoitaient la direction du dialogue politique national inclusif, il ne croyait si bien prévoir (Le Maximum n° 381 du 4 octobre 2016). Nous y sommes aujourd’hui de plein pied. Le week-end dernier, alors que l’opinion nationale et internationale attendait impatiemment de connaître la composition du gouvernement d’union nationale issu de l’accord politique de la Cité de l’OUA, dont le 1er ministre UDPS, Samy BDB avait été nommé plusieurs jours auparavant, une source chez les radicaux de Limeté assurait le contraire : « les évêques nous ont affirmé que le gouvernement ne sera pas connu ce week-end », rapportait l’interlocuteur du Maximum. Comme si la suite des événements politiques en RD Congo était suspendue aux négociations entre Joseph Kabila et le rassemblement tshisekediste-katumbiste par les évêques catholiques interposés.
La démarche cléricale
De plus en plus de voix s’élèvent, en effet, pour louer la démarche des prélats de l’église catholique romaine. Surtout, particulièrement en fait, les Occidentaux. La dernière louange en date remonte au 29 novembre 2016, au Congrès Américain, où Ida Sawyer, la chercheuse de Human Right Watch (HRW) décrétait que “La médiation par l’Église catholique reste la meilleure solution que nous avons pour arriver à un accord avant le 19 décembre“. Une déclaration faite presqu’au même moment où à Kinshasa, l’UDPS/Tshisekedi et le Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement (les deux ont tendance à se confondre actuellement) entonnaient le même credo. Au cours d’un point de presse, mercredi 28 novembre à Kinshasa, soit 24 heures avant la déclaration de la chercheuse de HRW, le secrétaire général du parti tshisekediste encourageait la médiation entreprise par l’Eglise catholique pour résoudre la crise politique rd congolaise. « Nous encourageons (…) la démarche engagée par la CENCO (…) pour ouvrir la voie au dialogue entre les fils et les filles de ce pays et pour éviter le pire », avait-il déclaré en substance. Critiquant vertement l’autre dialogue politique entre les mêmes fils et filles du même pays, organisé sous les auspices de l’Union Africaine et d’un certain nombre d’organisations régionales, sous-régionales du contient et du monde. Que les tshisekedistes-katumbistes et les prélats catholiques ont en commun … d’avoir dédaigné l’accord politique qui en a découlé le 18 octobre dernier.
Cela va quasiment de soi, même si elle a été initiée (encore une fois) par le Président de la République aux fins d’élargir l’adhésion à l’accord politique de la Cité de l’OUA, la médiation de la CENCO bénéficie désormais du soutien des Occidentaux. Au sommet de la Francophonie à Antananarivo, il y a quelques jours, Didier Reynders, le ministre belge des affaires étrangères que tout le monde voit derrière le rassemblement tshisekediste-katumbiste, a lui aussi vanté les mérites de cette médiation dont la particularité semble, pourtant, qu’elle a tendance à supplanter les efforts et les résultats obtenus par la médiation africaine du dialogue de la Cité de l’OUA. Et cela gêne, à Kinshasa, certains observateurs. Qui voient dans la ruée occidentale derrière la nouvelle médiation, la même frénésie des mêmes occidentaux contre les projets chinois il y a quelques années. On sait que les Occidentaux avaient obtenu des autorités rd congolaises qu’elles revoient ce projet de constructions d’infrastructures contre ressources naturelles rd congolaises. Pour ne pas « céder le pays de Léopold II aux chinetoques », selon l’expression d’un plénipotentiaire belge qui n’avait pas sa langue dans sa poche. Mais depuis, rien n’est venu des Occidentaux pour compenser le manque-à-gagner rd congolais du fait de la réduction de la portée du projet chinois. Pas un centime.
Les évêques catholiques, qui avaient quitté le dialogue politique de la Cité de l’OUA sous prétexte de rechercher davantage d’inclusivité se sont, eux-mêmes abstenus de signer cet accord, et donc de lui accorder le crédit et le poids moral dû à leurs personnalités et à l’influence qu’ils peuvent avoir sur des millions de rd congolais croyants catholiques. Les évêques ont méprisé l’autre dialogue, ses acteurs et ses modérateurs africains, notamment les chefs d’Etat de l’UA et de la sous-région qui l’ont avalisé quelques jours après à Luanda en Angola. Certains observateurs se demandent, non sans anxiété, si leurs excellences attendent des méprisés l’adhésion voulue à leur propre médiation. Et doutent, ce faisant, que de l’entreprise cléricale soit couronnée du succès voulu.
Certes, il y a quelque 48 heures, les évêques catholiques ont été reçus par le 1er ministre issu du dialogue honni de la Cité de l’OUA, Samy BDB. Mais il demeure que leur démarche, pour louable qu’elle soit, porte la tare du mépris affiché à l’endroit des Etats et organisations continentales qui ont cru pouvoir soutenir une initiative africaine authentique. En cela, leur médiation demeurera partielle et partiale, quoiqu’ils prétendent.
J.N.