C’est une mode importée (pour ne pas dire imposée) que ces mouvements dits citoyens qui poussent comme des champignons en Afrique, surtout. Certains parmi eux, comme au Burkina Faso, où ils sont présentés comme les tombeurs de l’ancien président de la République, Blaise Compaoré, comptent des faits d’armes qui requièrent encore d’être passés à la loupe. Parce qu’il s’avère, malheureusement, qu’un peu partout où ces organisations sociales ont réussi à ébranler les pouvoirs établis (Tunisie, Egypte, Burkina Faso, Sénégal), ce ne sont pas les jeunes qui ont accédé au pouvoir mais bien des acteurs politique tapis dans l’ombre depuis longtemps. De telle sorte que les changements politiques réclamés parfois au prix du sang de nombreux innocents, il n’y en a pas eu jusque-là. Des études récentes portant sur cette vague de mouvements dits citoyens ou de jeunes attestent de plus en plus du fait qu’il s’agit de viles manipulations, par de puissants groupes d’intérêts occidentaux et américains, qui les financent.
En RD Congo, les mouvements dits citoyens, Filimbi et Lucha, notamment, font parler d’eux grâce au soutien manifeste des mêmes groupes d’intérêts qui ne se donnent même plus la peine de se dissimuler. D’autres mouvements de jeunes, plus récents et de moins grande renommée, viennent de voir le jour et se sont associés au premiers pour lancer une campagne on ne peut plus politicienne : « Bye Bye Kabila ». Au cours duquel il y a eu plus de représentants de la presse étrangère, de caméras et micros, que de manifestants. Au Pont Kasavubu, non loin du boulevard Triomphal à Kinshasa, Godefroid Mwanabwato Kahombo de la Lucha a justifié l’action initiée en évoquant la partie de l’article 64 de la constitution qui appelle à faire échec à tout individu ou groupe d’individus qui prend le pouvoir ou l’exerce en violation de la constitution.
Le même week-end dernier, un nouveau mouvement de jeunes a fait parler de lui, suffisamment pour être entendu. Il se nomme Ujana (jeunesse) et défend la cause du Président de la République, Joseph Kabila. Sa campagne prend le contrepied parfait des campagnes organisées jusque-là par Lucha, Filimbi et autres, proches de l’opposition politiques en RD Congo et des milieux occidentaux. A Ujana, on soutient l’accord politique conclu le 18 octobre dernier à la Cité de l’OUA entre la majorité présidentielle, la société civile et une partie de l’opposition politique. Félix Momat, un de ses membres, affirme que « Le mandat du président de la République prend fin le 19 décembre. Mais les fonctions de l’Etat doivent être assurées. Le Président Kabila doit rester au pouvoir, conformément (…) à un arrêt de la Cour constitutionnelle et à l’accord conclu cette année ». Ujana revendique la bagatelle de 15.000 membres recrutés grâce aux réseaux sociaux, aux conférences organisées dans des universités, des camps militaires, selon Esther Ilunga, une des fondatrices du mouvement. C’est assez pour faire parler la poudre …
Parce qu’il n’y a pas que Filimbi, Lucha et Ujana qui se préparent à un affrontement, le 19 décembre prochain ou n’importe quand et n’importe où en RD Congo. Joseph Kabila a beau inviter la classe politique à ne pas instrumentaliser les jeunes à des fins politiques dans son dernier discours sur l’état de la Nation. Rien n’y fait. Au Katanga, des jeunes à la solde du G7 katumbiste avaient passé agents de police et passants en représailles contre les jets de pierre dont les résidences des Mwando, père et fils, avaient été la cible de la part de présumés jeunes de la Majorité Présidentielle, il y a quelques semaines. Dans cette province, ces usages remontent à l’époque de la dictature mobutiste, lorsqu’un certain Gabriel Kyungu se servait déjà de mêmes jeunes pour épurer le Katanga des ressortissants … Kasaiens. Ici, l’instrumentalisation a fait école depuis belle lurette.
Mais c’est à Kinshasa, mégapole de près de 10 millions d’âmes, que le feu couve, au propre comme au figuré. « Lucha, Filimbi, et autres, c’est de la rigolade enfantine, comparée aux jeunes des quartiers chauds comme Masina, Kingasani, Ngaba ou Mombele », explique au Maximum un criminologue de l’Université de Kinshasa. Qui ne croit pas si bien dire. Dans la plupart des communes et quartiers de la capitale existent des regroupements plus ou moins formels de gangs de jeunes, qui lorsqu’ils ne s’affrontent pas se regardent en chiens de faïence. Depuis quelques mois, ces jeunes sont de plus en plus politisés, eux aussi. Ainsi, le 19 octobre dernier, les jeunes de Yolo auraient opposé un niet catégorique à l’appel à manifester lancé par le Rassemblement tshisekediste-katumbiste. Et interdit que quiconque s’en prennent à quelque édifice que ce soit dans ce quartier. Une prise de conscience qui gagne du terrain. A Masina, à l’Est de Kinshasa, des jeunes pillards avaient pris l’initiative de restituer les objets de valeurs volés à l’occasion des manifestations avortées du 19 octobre dernier. Au quartier III, dans la même commune, des jeunes du quartier ont affronté de weewa (taxi-chauffeurs) du quartier voisin de Kingasani le mois dernier. Un incident survenu autour des obsèques d’un weewa décédé de suites d’un accident de circulation sur la route de l’aéroport international de Ndjili, lorsque ses collègues ont tenté de saccager une station de vente de carburant. Le gang de Masina s’est vigoureusement interposé, empêchant toute destruction méchante d’installations « de leur quartier ».
Insurrection le 19 décembre prochain ? Les organisateurs pourraient être désagréablement surpris.
J.N.