La responsabilité d’un embrasement éventuel incombe plutôt aux forces politiques et sociales faisant de cette échéance un spectre sanglant…
Sous le titre «Les États-Unis appuient les efforts continus en vue d’un accord plus inclusif en RDC», l’administration américaine a publié le 21 novembre 2016 un communiqué dans lequel elle reconnaît que «les prochaines semaines seront essentielles pour déterminer si la République démocratique du Congo (RDC) poursuit une voie de principes démocratiques et de compromis ou risque de retourner à la violence et à l’instabilité». Tout en soutenant la «médiation Cenco» entre Gouvernement et Opposition sans cependant faire la moindre allusion à la Résolution 2277 et en considérant que «Le succès de ces discussions, s’appuyant sur et renforçant l’accord du 18 octobre facilité par l’Union africaine, dépendra de la participation de bonne foi, des engagements sérieux et des concessions tangibles de la part de l’opposition politique et du gouvernement de la RDC», Washington demande aux deux parties «de travailler avec la CENCO pour répondre aux préoccupations qui subsistent, y compris le calendrier des élections présidentielles de 2017, des garanties que le président Kabila ne cherchera pas à briguer un autre mandat et que la Constitution ne sera pas modifiée pour permettre une indépendance accrue du leadership de la commission électorale nationale (CENI), un gouvernement de transition inclusif et un solide comité de surveillance indépendant».
L’événement – car c’en est un – est cependant l’exhortation faite expressément à «la coalition du Rassemblement sous la direction d’Etienne Tshisekedi à faire des propositions constructives et pratiques et à s’abstenir de rhétorique incendiaire ou des actions incompatibles avec les normes démocratiques », pendant qu’au Gouvernement, il est demandé de «saisir l’opportunité offerte par la récente nomination du Premier ministre Samy Badibanga afin de renforcer la confiance de toutes les parties prenantes et de s’acquitter de sa responsabilité de respecter et de protéger les droits fondamentaux de tous les Congolais, notamment les libertés d’expression et de réunion ainsi que le droit d’accès à l’information».
Les Américains sont d’avis qu’«En travaillant ensemble, le gouvernement, l’opposition et le peuple congolais peuvent tracer un nouveau chemin pacifique pour l’avenir de leur pays, mais le temps presse pour parvenir à un consensus » et affirment qu’ils «sont prêts à aider les Congolais à relever ce défi important».
Calendrier, 3ème mandat, révision de la Constitution
A l’analyse de ce communiqué, les passages les plus importants sont ceux relatifs au calendrier des élections présidentielles de 2017, au 3ème mandat du Président Joseph Kabila et à la non-révision de la Constitution.
S’agissant du calendrier, il est bon de le rappeler d’emblée : la responsabilité de sa confection incombe à la Céni. Dans cette logique, si le respect de la Constitution par les Congolais est un impératif à ses yeux, l’administration américaine se doit de la respecter, elle aussi. Car, aux termes de l’article 221 l’instituant, la Céni «est chargée de l’organisation du processus électoral, notamment de l’enrôlement des électeurs, de la tenue du fichier électoral, des opérations de vote, de dépouillement et de tout référendum». L’article 9 de la loi organique n°10/013 du 28 juillet 2010 cite au point 5, parmi les missions et les attributions, celle d’«élaborer les prévisions budgétaires et le calendrier relatifs à l’organisation des processus électoraux et référendaires». La loi organique n°13/012 du 19 avril 2013 maintient cette disposition.
Washington ne peut donc pas imposer aux parties congolaises un calendrier pour la présidentielle en 2017. Même les délégués au Dialogue ont fait preuve de sagesse en ne se prononçant que sur base des données techniques fournies par la Cenco avec l’appui de la francophone Oif et de l’ONG américaine Ifes.
A propos du 3ème mandat devenu une obsession, l’administration américaine récupère malheureusement à son compte un procès d’intention façonné par l’Opposition radicale pour la consommation populaire et la consommation extérieure. En effet, depuis trois ans qu’on en parle, jamais Joseph Kabila ne s’est formellement prononcé dans le sens de se l’offrir. Il n’est d’ailleurs discours plus officiels que ceux sur l’état de la Nation pour le constater.
Dans celui du 28 octobre 2013 intervenu aux lendemains de la clôture des Concertations nationales, il avait clairement déclaré : «Comme les Délégués à ces assises, Je suis pour le respect, par tous, de l’esprit et de la lettre de la Constitution de la République dans son ensemble, telle qu’adoptée par référendum populaire en 2005».
Dans le discours du 15 décembre 2014, il a encore déclaré : «Confirmant notre attachement à l’Etat de droit et au respect de la Constitution, le Gouvernement a, au cours des douze derniers mois, poursuivi l’approfondissement de la décentralisation, option irréversible».
Dans celui du 14 décembre 2015, il s’est certes limité à évoquer sa qualité de Garant de la Nation, mais il l’a fait en en appelant «une fois de plus, au sens élevé de responsabilité de chacun et de tous, afin qu’au sortir du Dialogue National, nous soyons plus unis qu’avant, dans la mise en œuvre d’un processus électoral authentiquement congolais, fruit d’un consensus librement dégagé, avec pour objectifs la consolidation de notre jeune démocratie, et la préservation de la paix chèrement acquise, de la sécurité, de la stabilité et des progrès enregistrés sur la voie du développement de notre pays ».
Et dans le discours du 15 novembre 2016, il vient de déclarer : «N’ayant jamais été violée, la Constitution sera toujours respectée, et ce, dans toutes ses dispositions».
Ainsi, dans son entendement, il n’y a ni 3ème mandat, ni révision de la Constitution ! Peut-être que ceux qui en font une idée fixe le lui suggestionnent.
Les deux chambres vont fonctionner en toute légalité
Les choses étant claires, il reste à constater que la «rhétorique incendiaire ou des actions incompatibles avec les normes démocratiques » dont Washington dissuade «Rassemblement», en citant nommément Etienne Tshisekedi, se constituent avec la propension de cette plateforme à faire dire à la Constitution ce qu’elle ne dit pas (cas du vide juridique justifiant le régime spécial) et à ne pas dire ce que la Constitution dit.
C’est le cas de l’arrêt de la Cour constitutionnelle en interprétation de l’alinéa 2 de l’article 70. L’article 168 dispose que : «Les arrêts de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours et sont immédiatement exécutoires. Ils sont obligatoires et s’imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles, civiles et militaires ainsi qu’aux particuliers».
Or, un groupe d’individus conteste cette disposition constitutionnelle alors qu’il s’autoproclame défenseur de la Constitution. Ceci comme premier exemple.
Comme second exemple : les articles 103 et 105 disposent, respectivement : «Le député national est élu pour un mandat de cinq ans. Il est rééligible. Le mandat de député national commence à la validation des pouvoirs par l’Assemblée nationale et expire à l’installation de la nouvelle Assemblée» et «Le sénateur est élu pour un mandat de cinq ans. Il est rééligible. Le mandat de sénateur commence à la validation des pouvoirs par le Sénat et expire à l’installation du nouveau Sénat».
Or, les députés et les sénateurs de «Rassemblement» soutiennent la thèse de l’illégitimité et de l’illégalité dans lesquelles vont se retrouver les Institutions à mandat électif, dont l’Assemblée nationale et le Sénat, outre le Président de la République, pendant qu’ils savent très bien que les deux chambres vont fonctionner en toute légalité.
Cette histoire-là…
Au regard de ce qui précède, tout indique que si l’on s’en tient réellement et seulement à la Constitution, Joseph Kabila ne représente et ne présente aucun danger pour le 19 décembre 2016.
Par contre, le spectre du soulèvement, c’est l’Opposition radicale qui le brandit matin et soir, même si elle s’appuie sur certaines dispositions d’une Constitution dont son principal animateur, en la personne d’Etienne Tshisekedi, avait d’ailleurs boycotté le référendum en 2005.
L’histoire des Constitutions depuis 1960 est assez éloquente : le lider maximo s’en est fait le contestataire permanent, même pour les textes dont il a été soit auteur, soit co-auteur !
Cette histoire-là, Washington la connaît.
Ce n’est pas à la tête du «Rassemblement» qu’il changera d’avis…Cette évidence, les Américains l’ont toujours sue !
Le Maximum & Omer Nsongo die Lema