Près d’un mois avant la date habituelle réservée au discours du Président de la République sur l’Etat de la Nation devant le parlement réuni en congrès, Joseph Kabila s’est plié à l’obligation constitutionnelle, mardi 15 octobre 2015 dans la mi-journée. Et impressionné favorablement ceux qui, de plus en nombreux en RD Congo et en Afrique, estiment que l’heure est venue de tordre le coup aux usages et pratiques dans les relations entre Etats à travers le monde. Mais aussi, ceux qui, non moins nombreux, sont d’avis que face aux atermoiements d’une certaine opposition politique réfractaire à tout sauf à sa participation exclusive ou à son accession au pouvoir d’Etat, il fallait tracer la ligne rouge à ne pas dépasser.
Naturellement, le speech de Joseph Kabila mardi dernier n’a pas plu à tout le monde. Cela va de soi. A commencer par l’opposition politique dite radicale, rangée depuis quelques mois derrière Moïse Katumbi et Etienne Tshisekedi, sous le parapluie d’une certaine communauté internationale nostalgique d’un passé révolu. Cette dernière s’étant manifesté aussitôt après l’adresse du Chef d’Etat d’un pays indépendant à son peuple par la bouche du président français. Mais acculé par la détermination du Raïs congolais, François Hollande, dont la côte de popularité est au plus mal aussi bien dans son propre pays qu’au sein du parti socialiste français, s’est écrié à partir du Maroc où il séjournait que Joseph Kabila devait « respecter la constitution ». A son entendement, respecter la constitution c’est quitter le pouvoir le 19 décembre prochain, à la fin de son second et dernier mandat. En réalité, ce n’est pas ce que stipule la constitution de la RD Congo. Pas tout à fait, en tout cas. Encore qu’au sujet de cette constitution de la RD Congo, qui semble soudain préoccuper au plus haut point les anciennes puissances coloniales européennes à la recherche de nouvelles conquêtes tropicales, l’ambassadeur britannique près le Conseil de sécurité des Nations-Unies, profitant d’une entrevue avec Joseph Kabila à Kinshasa le week-end dernier, ait largué l’information selon laquelle le Chef de l’Etat rd congolais entrevoyait la possibilité pour le peuple congolais de réviser la constitution de son pays. Ce qui, à ses yeux, et sans doute aux yeux de beaucoup de ses pairs occidentaux, équivaut à peu près à profaner le Coran chez les extrémistes musulmans.
En RD Congo, l’opposition radicale a réagi, elle aussi, promptement au discours de Joseph Kabila devant le congrès. Dans un communiqué rendu public 24 heures après, Etienne Tshisekedi déplorait le ton, qu’il jugeait « agressif » de l’adresse présidentielle. Mais rappelait que pour sa famille politique et lui-même, le respect de la constitution se réduisait au respect strict de la durée des mandats présidentiels : le 19 décembre 2016, Joseph Kabila devait quitter le pouvoir, estime-t-il. Sans piper mot de l’alternative constitutionnelle qui prévaudrait dans ce cas de figure. Mais en RD Congo, le vieil opposant est aussi connu pour son penchant pour les raccourcis démocraticides d’accession au pouvoir. Dans les années ’90, sous la dictature mobutienne, Etienne Tshisekedi s’était déjà illustré en la matière en arrachant une élection à la primature grâce aux votes de 500 délégués réunis à la Conférence Nationale Souveraine. Un échantillonnage de la population assurément très discutable, à ce qu’il paraît aujourd’hui, avec le recul du temps. La formule semble avoir néanmoins fait recette et école dans la classe politique en RD Congo et en Afrique. Où il semble qu’il suffise de rameuter un certain nombre de partisans pour se prévaloir d’une popularité à présenter comme un plébiscite électoral. Retourné d’Europe il y a quelques mois, le patron de l’UDPS et du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement s’est remis à son exercice de prédilection : battre le rappel des foules, perturber l’ordre public, susciter la réaction des forces de l’ordre, et revendiquer de remplacer les tenants de pouvoir « auteurs de violations des droits de l’homme ».
Le problème que pose les raccourcis plus ou moins constitutionnels brandis par l’opposition radicale et la frange de la communauté internationale (occidentale) qui la pousse reste celui de la légitimité. Dans l’opinion, de plus en plus éveillée en RD Congo, d’aucuns se demandent d’abord de quel droit les katumbistes, tshisekedistes et affidés occidentaux peuvent se permettent de charcuter les parties de la constitution qui prévoient des mesures transitoires entre la fin d’un mandat présidentiel et la tenue d’une élection en RD Congo. Ensuite, en quoi est-ce qu’un Tshisekedi ou un Katumbi serait plus légitime au sommet de l’Etat que le dernier Président de la République élu par des millions de rd congolais en 2011 ?
La réponse la plus adéquate à ces interrogations se trouve pourtant, qu’on le veuille ou non, dans le fameux discours présidentiel sur l’état de la Nation de mardi 15 novembre 2016. Coupant de l’herbe sous les pieds de détracteurs et adversaires politiques qui fondaient jusque-là toute les perspectives politiques sur le fait qu’il s’accrocherait au pouvoir à la fin de son second et dernier mandat présidentiel, Joseph Kabila a désarçonné tout ce beau monde en réaffirmant sa volonté de respecter scrupuleusement la constitution. Mais alors toute la constitution. Entre autres, en ce qu’elle prévoit l’organisation d’élections pour permettre aux rd congolais d’exercer leurs droits … démocratiques et constitutionnels. Qui consistent à se choisir librement leurs dirigeants et ainsi, à arbitrer, en dernière instance, le jeu politique national.
Ce n’est pas ce que prônent les radicaux de l’opposition et leurs mentors occidentaux, qui, manifestement, n’ont que mépris et dédain pour les anciens colonisés que sont les peuples d’Afrique. Kabila doit partir ? Certes, oui. Mais, selon la constitution de la RD Congo, c’est le peuple de la RD Congo qui doit le faire partir en exerçant un droit constitutionnel : le vote. Qu’il faut organiser selon ce qu’exige la constitution.
Et c’est en cours.
J.N.