La famille politique du Président de la République Démocratique du Congo, la Majorité Présidentielle (MP), a subi sa première épreuve de feu depuis la fronde du G7 en septembre dernier. Le remplacement des membres du bureau démissionnaires, l’UNADEF Charles Mwando Nsimba et le MSR Robert Ezadry, a donné lieu à des élections fort mouvementées, précédées de fébriles tentatives de recomposition de l’ensemble du bureau de la chambre basse du parlement par les frondeurs de la majorité et l’opposition. Comme si les uns et les autres s’étaient passés le mot pour emporter l’édifice à la faveur du départ des sept personnalités de la plate-forme créée en 2006 par Joseph Kabila.
A l’Assemblée Nationale, aussitôt le G7 formé, des voix s’étaient élevées pour réclamer une recomposition du bureau à travers une augmentation substantielle du nombre des représentants de l’opposition en fonction de la nouvelle répartition des forces politiques en présence. Les présidents des 7 partis politiques frondeurs revendiquaient rien moins que 80 sièges qui, ajoutés aux 145 reconnues à l’opposition parlementaire, créditaient la minorité parlementaire de quelque 225 sièges sur les 500 que compte le parlement. Dans cette logique, un écart somme toute ténu de 25 sièges, qu’un vent suffisamment puissant pouvait faire basculer, séparait l’opposition et la majorité.
Le complot était dans l’air
Arguant du fait que le règlement intérieur stipulait que les forces en présence de l’assemblée nationale devaient être proportionnellement représentées au bureau, une partie de l’opposition s’était laissé aller à revendiquer les postes laissés vacants par des frondeurs qui avaient rejoint ses rangs. Tandis qu’une autre tentait carrément de faire tomber l’ensemble des cinq membres du bureau de la chambre basse du parlement encore en fonction à travers une pétition.
Les contacts initiés par le président PPRD de l’Assemblée Nationale aussi bien avec les élus de la majorité que ceux de l’opposition n’ont pas permis de départager les protagonistes. Conduits par le PPRD Ramazani Shadari, la majorité présidentielle a revendiqué la bagatelle de 315 sièges malgré le départ des frondeurs. L’opposition se targuant pour sa part d’au moins 230 sièges. De telle sorte que seul un ou des votes pouvaient fixer les esprits. C’est à peine si Aubin Minaku a réussi à imposer le principe de l’appartenance des postes laissés vacants à la majorité présidentielle.
Faire sauter ou investir le bureau
Les élections aux postes de 1er vice-président et de rapporteur de l’Assemblée Nationale se présentaient donc comme un véritable défi et une épreuve pour la majorité présidentielle accrochée sur la sellette par une opposition dopée par le G 7. Un vent de corruption soufflait sur l’édifice chinois qui abrite le parlement de la RD Congo. Des informations de source crédible renseignaient ainsi que de Lubumbashi, un ancien argentier du gouvernement provincial conduit de l’ancien gouverneur de l’ex – Katanga, Moïse Katumbi, avait rallié Kinshasa non seulement pour reprendre son siège de député national mais aussi pour mettre à la disposition de la coalition G7 – opposition « les moyens de leur lutte » en espèces sonnantes et trébuchantes. Christian Mwando, le fils de l’octogénaire démissionnaire du poste de premier vice-président de l’assemblée nationale, avait fait le déplacement à bord de son jet privé avec dans ses bagages un pactole que son statut de patron d’une institution bancaire privée lui aurait permis de trimbaler sans encourir les foudres des services de l’Etat appelés à contrôler des mouvements de fonds hors circuit bancaire. Les fonds ainsi convoyés auraient été destinés aux manœuvres de retournement des honorables députés nationaux.
Les sophismes de Lokondo
Malgré le mot d’ordre de la majorité présidentielle, qui, pour des raisons évidentes, avait jeté son dévolu sur des candidats originaires des mêmes provinces que les démissionnaires, Henri-Thomas Lokondo Yoka et Espérance Musafiri ont présenté leurs candidatures. Le premier affrontait ainsi le candidat Luhonge, présenté par la MP au poste de 1er vice-président du bureau, la seconde, le candidat iturien Berocan, de la même majorité, au poste de rapporteur.
Issu des services de sécurité sous la deuxième République du Maréchal Mobutu, Henri Thomas Lokondo Yoka a, dans un premier temps, tenté de floué ses collègues de la MP en jouant des pieds et des mains pour accréditer l’idée d’une candidature cautionnée par l’autorité morale de la MP, Joseph Kabila en personne. L’homme répétait à qui voulait l’entendre que le président de la République Joseph était bien au courant de sa candidature et ne la désapprouvait pas, en même temps qu’il fustigeait un des principes-clés du fonctionnement des regroupements politiques lorsqu’ils visent un objectif commun : le respect du mot d’ordre du groupe. Réputé pour son intelligence et sa malignité, Lokondo Yoka usait ainsi d’armes aussi vieilles que le monde : l’intoxication et le sophisme. En critiquant le principe contraignant de la soumission à un mot d’ordre, il occultait expressément le fait que ce principe qui relève des stratégies de gestion et de conservation du pouvoir est légitime. Et qu’il est valable sous tous les cieux, même les plus démocratiques.
L’art de la transhumance
Henri Thomas Lokondo se targuait également du soutien des députés de l’opposition autant que de la majorité présidentielle qui, disaient-ils, l’avaient encouragé et lui avaient massivement promis leurs votes. Ce n’était pas loin de la réalité, en fait. Elu au poste de 1er vice-président du bureau de l’Assemblée Nationale, l’homme aurait été celui par qui serait advenu le basculement de la majorité parlementaire de la deuxième législature de la IIIème République. Une stratégie qui ressemble comme deux gouttes d’eau à celle des ténors du G7, d’anciens mobutistes qui semblent avoir rejoint l’ancienne Alliance de la Majorité Présidentielle dans l’unique but de se refaire une sorte de virginité politique, en attendant de se maintenir à gué au cas ou le bateau viendrait à couler le moment venu. Il s’agit pour eux de demeurer coûte que coûte aux affaires politiques sous une ou une autre, en attendant de revenir aux devants de la scène.
La stratégie n’est pas sans rappeler celle d’une autre plate-forme, l’Union des Démocrates Indépendants (UDI), à la fin de l’ère mobutiste. Un certain nombre de « dinosaures » avait ainsi gagné, moyennant espèces sonnantes, l’opposition radicale tshisekediste dans les années ’90. Avant de revenir au pouvoir au détriment d’Etienne Tshisekedi au milieu de la transition mobutiste, de se dissoudre dans les rébellions qui ont succédé à Laurent-Désiré Kabila, puis faire un come back aux affaires dans les valises de son fils et successeur, Joseph Kabila.
J.N.