Sur WhatsApp circule, à l’initiative du compatriote Daniel Makila, l’image du célèbre débat de clarification soutenu à Bruxelles par une délégation zaïroise composée de Nimy, Kamanda et Mpinga sur le plateau de la Rtbf devant cinq journalistes belges : Braeckman, Gruselin, Grossens, Verleyen et Bastin. C’était le 11 décembre 1988. Et Makila de s’interroger : «A quand une mission pareille pour l’actuel gouvernement… ?». Les dernières prestations des Etats-Unis, de la France et de la Belgique se télescopent tellement que ce type de débat devient un impératif. Surtout quand il est de notoriété publique que le Président Joseph Kabila ne s’est jamais prononcé pour la révision de la Constitution ni pour le référendum constitutionnel et, en plus, le Dialogue qui se tient à la Cité de l’Union africaine planche sur un accord politique qui exclut l’un et l’autre, donc garde intacte la Constitution. Dès lors que celle-ci ne prévoit pas un 3ème mandat, tout esprit cartésien en vient à se demander comment le Raïs sera alors candidat à la future présidentielle ! La gravité de la manipulation est telle que des Gouvernants occidentaux, à la tête des Institutions républicaines, sont en train de récupérer des mots et idées des Opposants congolais. Comme si Tshisekedi, Katumbi, Kyungu, Olenghankoyi et autres Diongo se mettaient à dicter au Département d’Etat, au Quai d’Orsay et au Palais Egmont – pour ne pas dire à la Maison Blanche, à l’Elysée et à Laeken – des attitudes à tenir à l’égard de Kinshasa ! Toutes affaires cessantes, place à la contre-offensive…
Acte 1 : le 30 septembre 2016. L’ambassade des Etats-Unis en RDC publie un communiqué ainsi libellé : «Le Département d’Etat des Etats-Unis avertit les citoyens américains de l’instabilité continue en République démocratique du Congo (RDC). La possibilité de troubles civils est élevée dans certains quartiers de Kinshasa et dans d’autres villes importantes. En raison de la détérioration de la situation sécuritaire, les membres de familles du personnel du gouvernement des Etats-Unis ont été instruits de quitter le pays à partir du 29 septembre. La plupart des voyages officiels du gouvernement américain ont été suspendus. L’ambassade des Etats-Unis est en mesure de fournir des services d’urgence limités aux citoyens américains en RDC. Le présent avis remplace l’Avertissement aux voyageurs daté du 8 août 2016». Fait significatif : ce communiqué n’est pas reproduit dans le site officiel de l’ambassade.
Acte 2 : le 3 octobre 2016. Sur le plateau de TV 5, Jean-Marc Ayrault, ministre français des Affaires étrangères, déclare : «Il faut absolument que la Constitution soit respectée, qu’une date soit fixée pour les élections et que le dialogue national qui a été engagé ait vraiment lieu. (…) Quant à M. Kabila, il n’a pas le droit de se représenter, c’est la Constitution. Donc il faut qu’il donne l’exemple… ». Dans le journal «Capital», il renchérit le 4 octobre : “La France souhaite que l’Union européenne utilise tous les moyens à sa disposition, y compris, si nécessaire et en fonction de l’évolution de la situation, le recours à des mesures de sanctions (…) contre ceux qui se seraient rendus coupables de graves violations des droits de l’Homme ou qui feraient obstacle à une sortie de crise consensuelle, pacifique et respectueuse de l’aspiration du peuple congolais à élire ses représentants.”
Acte 3 : le 5 octobre 2016. Didier Reynders accorde une interview au journal belge «Le Soir». Il annonce la décision de son gouvernement de réduire à six mois le visa de séjour en Belgique pour les détenteurs des passeports diplomatiques, visa généralement attribué pour une année. S’inquiétant du fait de ne pas savoir ce qu’il adviendra du pays après le 20 décembre 2016, il est d’avis que «D’ici le 19 décembre, il faudra savoir avec clarté qui gère le pays et donc faire redémarrer le dialogue en y associant des personnalités importantes comme Moïse Katumbi ou Etienne Tshisekedi », avant de considérer que «Le délai de 500 jours proposé par la commission électorale n’a pas de sens » d’autant plus que, dans son entendement, «Si on retarde à ce point les prochaines élections, on aboutit à un troisième mandat de fait». Et d’ajouter : «Même s’il est certain que des élections ne pourront être organisées avant le 19 décembre, il faut gérer la période intermédiaire, fixer un nouveau calendrier, savoir qui gérera le pays“. Il termine son «message» en faisant allusion aux derniers événements qui se sont produits à Kinshasa. «Les manifestations et les violences des 19 et 20 septembre dernier ont changé la donne. Le bilan de la répression semble beaucoup plus lourd que ce qu’on en dit, il y a eu un usage disproportionné de la force“. Naturellement, il est pour une enquête de l’Onu.
«Rassemblement» a été littéralement isolé
Le bout de phrase à retenir à ce stade est celui du changement de la donne.
On se souviendra que du 14 au 26 septembre 2016, les partenaires extérieurs, «parrains» de «Rassemblement», ont fait évoluer leur langage par rapport à la Résolution 2277. Comme résumé dans la dernière chronique intitulée «Rassemblement : la phrase de la bavure…», les 16 et 19 septembre Washington a plaidé pour la tenue des élections «dès que techniquement possible» et «dès que techniquement réalisable». Le 16 septembre Bruxelles en a appelé à un «accord inclusif, fixant des échéances claires et selon des modalités permettant d’organiser les scrutins le plus rapidement possible». Le 19 septembre Paris, par son ambassade à Kinshasa, a relevé la nécessité de voir le calendrier électoral «connu au plus vite et que le report de l’élection soit aussi court que possible». Le 21 septembre le Conseil de sécurité a souligné «l’importance cruciale de la tenue d’une élection présidentielle pacifique, crédible, transparente, dans les délais opportuns et dans le respect de la constitution». Le 24 septembre le Groupe de soutien s’est prononcé pour «l’organisation dans les délais les plus brefs possibles d’élections qui soient transparentes et crédible, dans le cadre de la Constitution congolaise». Le 26 septembre l’ambassadrice du Canada à Kinshasa a préconisé «un consensus le plus large possible qui puisse mener à la tenue d’élections crédibles et transparentes dans les meilleurs délais et dans le respect à la fois de la Constitution et de la volonté de la population », avant de féliciter «le facilitateur pour le travail réalisé sur la colline» et de l’encourager «à mener à bout ce travail », tout en partageant avec lui la préoccupation relative à l’inclusivité. Et le week-end dernier Londres s’est prononcé pour l’élection présidentielle en 2017 !
En fait, «Rassemblement» a été littéralement isolé. D’ailleurs, le 14 septembre, le coup de massue a porté la signature de Thomas Pierrello. «…il est préférable que les gens se présentent, exposent leurs points de vue et observent ce qui se passera ensuite. Etre présent est la meilleure façon de contester le statu quo, d’acquérir de l’influence, et de trouver le meilleur accord», a-t-il dit à l’endroit des Tshisekedistes-Katumbistes…
Qui en porte la responsabilité ?
La question, à partir de cet instant, est de savoir en quoi et pourquoi la donne a-t-elle changé. S’il ne s’agit que des événements du 19 et du 20 septembre, la raison ne tient plus la route. Car, lors de son conclave du 4 octobre 2016, «Rassemblement» n’a ni contesté, ni boycotté les opérations en cours d’identification et d’enrôlement des électeurs dont la finalité est la constitution du fichier électoral sans lequel, cela va de soi, la convocation du corps électoral est sans objet. Ses membres ont clairement demandé «l’évaluation minutieuse de l’opération d’enrôlement des électeurs en cours en vue d’en assurer la régularité et de l’accélérer». Il a, de ce fait, reconnu qu’il ne servait à rien d’organiser des manifs pour convocation d’un corps électoral inexistant !
Qui alors du Pouvoir et de l’Opposition porte l’entière responsabilité d’avoir mis les gens dans la rue, des gens préparés d’ailleurs au soulèvement populaire dès lors que l’un des organisateurs attitrés, en la personne de Martin Fayulu, a en fait l’aveu dans une interview à «Jeune Afrique» le 19 septembre 2016 ? «Nous n’allons pas laisser Kabila s’éterniser au pouvoir. Le peuple congolais veut emboîter le pas au peuple burkinabé qui s’est libéré des affres de Blaise Compaoré», a-t-il déclaré.
A la lumière de ce qui précède, il y a lieu de retenir la première mondiale en cours de se produire sur ce plancher des vaches : des institutions républicaines aux affaires aux Etats-Unis, en France et en Belgique se ressourcent auprès des Opposants congolais pour définir leur propre politique extérieure par rapport à la RDCongo !
28 ans après le débat de clarification qui secoua tout de même le microcosme politique belge en 1988, Kinshasa a beaucoup plus à faire aujourd’hui : communiquer instantanément et directement à Washington, à Paris et à Bruxelles. La période y est certes délicate aux Etats-Unis et en France en ce qu’elle est électorale pour les Américains, préélectorale pour les Français pendant qu’en Belgique, tout arrive à tout moment. Mais, il en va de l’existence même du Congo comme Etat et Nation.
Si le « père » du Dialogue de la dernière chance est prêt pour tout affrontement, toute confrontation, c’est qu’il a un autre schéma. L’histoire renseigne qu’il a commencé sa carrière politique en tant que sécessionniste et, depuis Genval, il a renoué avec un certain Gabriel Kyungu réputé sécessionniste. Un cocktail explosif qui ne ferait mal ni à Washington, ni à Paris, encore moins à Bruxelles. Au contraire…
Le Maximum & Omer Nsongo die Lema