Jeudi et vendredi dernier, Kananga et ex. Luluabourg, chef-lieu de la province du Kasai-Central, a été le théâtre d’affrontements entre forces de l’ordre et miliciens d’une autorité coutumière locale, le Chef Kamwena Nsapu de Tshimbulu, abattu au mois d’août dernier par l’armée. Depuis les troubles des années ’60, lorsque s’affrontèrent autochtones Lulua et leurs frères Luba, Kananga vivait ses premiers affrontements armés. Même la rébellion muleliste de 1963 n’avait pas réussi à atteindre ex. Luluabourg, ville surarmée qui abritait des centres de formation militaire de sérieuse réputation.
Jeudi 22 septembre 2016, l’attaque de l’aéroport de Kananga fut une demi-surprise. Depuis plusieurs semaines, des rumeurs faisant état d’incursion des miliciens du Chef Kamwena Nsapu en provenance de Tshimbulu, une gare ferroviaire sur la voie ferrée Kananga-Lubumbashi. Mais la perspective était invraisemblable, et peu y avait cru, jusqu’à ce que les premières victimes tombent sous les balles d’armes de guerre et de fabrication artisanales tombent. Le bilan est lourd, très lourd pour une ville comme Kananga. Comme au mois d’août dernier, lors d’affrontements entre forces de l’ordre et les mêmes miliciens kamwena nsapu à Tshimbulu, au moins 8 éléments des forces de l’ordre ont été tués. Les rebelles ont perdu 14 de leurs miliciens. A ces victimes, il faut ajouter 3 élèves mortes dans la bousculade qui a suivi l’annonce de l’attaque de l’aéroport de Kananga, ainsi que 3 femmes mutilées par les assaillants, dont une hôtesse de Congo Airways. Ce qui porte le bilan global à 28 morts, une trentaine de blessés dont 29 élèves hospitalisés, selon les autorités locales, qui ont porté ce bilan à une cinquantaine de morts, lundi dans la journée. 52 miliciens dont un mineur d’âge ont été faits prisonniers et des armes récupérés (2 AK 47 et un calibre 12 de fabrication artisanale).
Des sources concordantes à Kananga rapportent que l’attaque surprise sur l’aéroport s’est soldée par l’occupation durant plusieurs heures de ses installations par les rebelles, avant qu’ils n’en soient délogés par les éléments des forces armées, mieux entraînés et plus aguerris. L’opération était donc, de l’avis d’experts, passablement hasardeuse et inutilement risquée. Un officier général Fardc à la retraite qui s’est confié au Maximum sous le sceau de l’anonymat explique que la prise d’installations aéroportuaires n’est indispensable que lorsqu’on y attend des renforts susceptibles de renforcer les assaillants. Ce qui ne semble avoir été le cas à Kananga Jeudi dernier. « C’est du folklore, mais de l’art militaire », commente cet ex. officier de l’armée. L’assaut des rebelles Kamwena Nsapu sur Kananga n’était donc qu’une vendetta contre l’autorité établie, un mouvement insurrectionnel à la suite des événements malheureux survenus à Tshimbulu au mois d’août dernier.
Mpandi Kamwena Nsapu : le chef coutumier qui ne voulait pas de perquisition chez lui
Du 10 au 13 août 2016, des affrontements avaient opposé à Tshimbulu, les miliciens du Chef Kamwena Nsapu aux forces de maintien de l’ordre. A l’origine des incidents, le refus par le Chef de laisser les agents de l’ordre perquisitionner ses installations sous prétexte que profanation de son pouvoir coutumier. En réalité, les autorités provinciales avaient reçu des informations faisant état de la formation d’une milice à Tshimbulu et soupçonnaient le Chef Kamwena Nsapu de détenir armes et munitions de guerre. Les miliciens, encouragé par leur chef, ont attaqué les forces de l’ordre et tué 11 policiers avant que les renforts dépêchés de Kananga ne mettent le groupe hors d’état de nuire. 9 miliciens, dont le Chef Kamwena Nsapu, avaient trouvé la mort dans ces affrontements. L’opinion, tout au moins en dehors de la ville de Kananga et de la province du Kasai Central, croyait les incidents liés aux rebelles Kamwena Nsapu clos, jusqu’au 22 septembre 2016, 24 après l’insurrection lancée par les katumbistes du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement à Kinshasa. Elle avait, elle aussi, cause morts d’hommes (32 au total) et de nombreux dégâts matériels. Coïncidence fortuite ?
Certains observateurs n’y croient guère et estiment que l’assaut sur l’aéroport de Kananga s’inscrit dans un plan de déstabilisation généralisée de la RD Congo, qui n’a pas encore livré tous ses secrets. Un plan qui serait l’œuvre d’opposants rd congolais décidés d’arracher par la force l’alternance politique en RD Congo. Du 12 au 15 décembre 2015, un séminaire formation aux pratiques insurrectionnelles (selon Kinshasa) avait réuni, à l’île de Gorée au Sénégal, des délégués de l’opposition. Les travaux dont les conclusions devaient rester secrètes étaient financés par les allemands de la Fondation Konrad Adenauer et une organisation Sudafricaine. Tshimbulu au Kasai Central ferait partie d’une carte insurrectionnelle dessinée à l’île de Gorée qui comprend la région de Beni au Nord-Kivu, le Katanga où des émeutes ont opposé les forces de l’ordre et des populations civiles à Kasumbalesa, et Kinshasa la capitale, en attendant l’éclosion d’autres foyers de tension.
Cartographie insurrectionnelle
Ainsi, à Tshimbulu au Kasai Central, centre névralgique d’approvisionnement du Katanga minier en énergie électrique haute tension, et dont dépend donc largement l’économie de la RD Congo, un chef coutumier recrutait et entretenait allègrement une milice qui s’amuse à affronter les de l’ordre, allant jusqu’à prendre d’assaut les installations aéroportuaires de Kananga ne peut pas relever du hasard. Tshimbulu, c’est un véritable nerf dans le circuit économique actuel de la RD Congo. Le pays tire, on le sait, l’essentiel ses revenus du secteur minier, au bas mot 2 milliards de dollars l’an. L’ex Katanga ex-Shaba en demeure encore la mère nourricière en dépit de la descente aux enfers de la Gécamines. Des centaines d’unités minières opèrent dans la région, qui dépendent de l’énergie électrique fournie par la célèbre ligne Inga-Shaba. A Tshimbulu est installée la dernière grande station de la THTCC (Très Haute Tension Courant Continu) Inga-Shaba. Que des insurgés en fassent n’importe quel usage et les industries minières du Katanga ferment du jour au lendemain. On peut s’imaginer la catastrophe financière qui en découlerait. C’est l’autre enjeu des tendances insurrectionnelles dans cette partie de la RD Congo.
A défaut de pouvoir faire bénéficier la population kasaienne du courant Inga-Shaba, le gouvernement de la RD Congo s’est rabattu sur un projet plus facile à réaliser : la construction d’une centrale hydroélectrique à près de 30 Km de Tshimbulu, à cheval entre les villes de Kananga et de Mbuji-Mayi. C’est la centrale de Katende.
Le coût de l’ensemble des ouvrages de production et de transport de la centrale hydroélectrique de Katende, dans la province du Kasaï Central, s’élève à 399 millions USD, a récemment indiqué le ministre de l’Energie et Ressources hydrauliques, Matadi Nenga. Malgré la réduction drastique des dépenses de l’Etat dans le budget révisé 2016, le gouvernement a, tout de même, consenti à décaisser quelque 40 millions USD pour le projet Katende. Le reste, soit 359 millions USD, est financé par Exim-Bank of India. La centrale de Katende dont la capacité installée est de 64 MW alimentera les villes de Kananga et de Mbuji-Mayi ainsi que les centres de Bunkonde et Tshimbulu, dans l’ancienne province du Kasaï-Occidental. Selon Matadi Nenga, la centrale a déjà été construite à 60 %. Fort probable, au dernier quadrimestre 2017, Katende sera déjà opérationnel. Pour bien faire, et à temps, les choses, le ministère de l’Energie a convenu avec l’Office des Routes de travaux de réaménagement et de l’entretien des routes d’accès au site du Grand katende ainsi que l’entretien de l’axe routier gare ferroviaire de Tshimbulu-chutes de Katende long de 89,5 Km dans le Kasaï Central pour un montant de plus de 580 millions FC.
Dans ces conditions, toute menée subversive à l’instar de l’aventurisme militaire des rebelles du défunt chef tribal Kamwena Nsapu n’est guère de nature à rassurer les partenaires de la RD Congo. On voudrait compromettre toute réalisation de l’Etat dans cette partie du pays qu’on ne s’y prendrait pas autrement.
J.N.