L’on commence à y voir un peu plus clair dans les incessantes volte-face d’Etienne Tshisekedi, le président de l’Udps, par rapport à son engagement initial en faveur d’un dialogue politique national inclusif, qu’il avait lui-même demandé et qui polarise l’attention aussi bien de l’opinion nationale qu’internationale, le qualifiant même comme ‘’la voie royale’’ pour des élections transparentes et apaisées. Candidat malheureux aux dernières élections présidentielles et « président de la République » autoproclamé dans sa propre résidence, Etienne Tshisekedi avait prévenu qu’un dialogue entre le camp Kabila et lui était incontournable pour résorber ce qu’il n’a cessé de considérer comme « une crise post-électorale » et permettre à la République Démocratique du Congo de se prémunir contre toute forme de violences en période pré et post-électorale.
Cet appel du Président de l’Udps pour un nouveau pacte consensuel résultant d’un dialogue inclusif avait fini par arracher l’assentiment des acteurs majeurs de la scène politique congolaise, africaine et internationale. Il est vrai qu’entre temps, l’accord cadre d’Addis-Abeba sur la paix et la sécurité dans la région des Grands-Lacs avait lui-aussi préconisé un tel forum entre Congolais pour la résolution des problèmes qui se poseraient dans le pays. Cependant, dans le contexte de guerre imposée par le M23 qui avait prévalu au moment de la signature dudit accord, l’on peut estimer sans peur de se tromper que le dialogue version Accord-cadre se préoccupait beaucoup plus du retour de la paix en RDC grâce à un dialogue régional pour une coexistence pacifique entre tous les pays des Grands Lacs, que d’un consensus politique pré-électoral interne.
Sursaut patriotique présidentiel
Il avait fallu que, dans un sursaut patriotique propre aux visionnaires, Joseph Kabila ajoute une consonance institutionnelle aux requêtes réitérées de M. Etienne Tshisekedi, pourtant perçu comme son adversaire politique le plus coriace, pour que le camp présidentiel se mette au diapason des deux hommes présentés à juste titre comme des piliers de la scène politique en RDC. C’est dans ces conditions qu’une harmonisation des vues sur les axes prioritaires du dialogue a été respectivement obtenue respectivement à Venise en Italie et à Ibiza en Espagne entre les délégués d’Etienne Tshisekedi wa Mulumba et ceux de Joseph Kabila Kabange.
Force est de constater que depuis l’auto exclusion d’un groupe de dissidents de la majorité présidentielle (G7) et l’annonce précipitée de la candidature de l’homme d’affaires et ancien gouverneur de l’ex province du Katanga, Moïse Katumbi Chapwe, à la présidence de la République, Etienne Tshisekedi a littéralement abandonné son agenda du dialogue comme pour se conformer au projet présidentiel de Katumbi, son nouveau bailleur de fonds, tournant ainsi en dérision tous ceux qui, au pays et au sein de la Communauté internationale, avaient souscrit à son initiative du dialogue national inclusif.
De récusation en récusation
Tout a commencé avec l’Ordonnance présidentielle du 23 novembre 2015 qu’Etienne Tshisekedi a récusé sous prétexte qu’une facilitation internationale n’y était pas prévue. Répondant à cette exigence, la Communauté Internationale, sur pied de la Résolution 2277, désignera un facilitateur international en la personne d’Edem Kodjo. Mais le lider maximo de l’Udps sortira un autre caprice en exigeant mordicus un Comité international de soutien à la facilitation. Chose demandée, chose obtenue. Jusqu’à cette étape, il était difficile d’imaginer une autre rétractation d’Etienne Tshisekedi dont le stock de cartouches pour prendre de court les partenaires semblait épuisé. Après moult concertations avec les parties au dialogue et fort de l’avis favorable du Comité international de soutien au dialogue, le facilitateur Edem Kodgo pouvait ainsi convoquer le début des travaux préparatoires de dialogue le 30 juillet dernier.
A la surprise générale, cet acte posé par le facilitateur sera considéré comme un crime de lèse-majesté par le sphinx de Limete qui le récusera pour cette raison et le taxera de « grand kabiliste ». En outre, d’après lui, l’ordonnance portant grâce présidentielle n’était pas assez à son goût dès lors que certains de ses amis poursuivis pour des délits imprescriptibles n’étaient pas libérés. En d’autres termes, Etienne Tshisekedi exigeait du Président de la République qu’il violât carrément la Constitution en faisant relaxer des personnes poursuivies pour violences sexuelles ou atteinte à la sûreté de l’Etat, notamment.
Illusions douchées
Ces tergiversations douchent les illusions de ceux qui pensaient, de bonne foi, que la solution du casse-tête congolais pouvait venir d’Etienne Tshisekedi, du haut de sa longue expérience politique. Malheureusement, le sphinx de Limete se charge lui-même de doucher les espoirs placés en lui. À ce jour, la Communauté internationale, la Cenco, la société civile et le Comité international de soutien à la facilitation font chorus pour lui rappeler le respect de ses propres engagements.
La question qu’il convient de se poser à ce stade est celle de savoir qu’est-ce qui justifie cette volte-face d’Etienne Tshisekedi qui lui fait perdre beaucoup de sa crédibilité au soir de sa vie ? Autrement dit, pour qui roule Etienne Tshisekedi jusqu’à accepter d’hypothéquer son prestige et celui de son parti ?
Ces questions qui turlupinaient les partenaires d’Etienne Tshisekedi sur le chemin du dialogue commencent à trouver un début de réponse avec la présence permanente de membres de la chancellerie britannique à Kinshasa et de deux personnages congolais sulfureux qui marquent Tshisekedi à la ceinture, tel un prisonnier. Le premier et le plus connu Raphaël Katebe Katoto, demi-frère de Moïse Katumbi. Tout a été dit sur son rôle dans la préparation des travaux de Genval en Belgique. C’est lui qui a fait assurer la logistique grâce aux fonds de Katumbi. Et depuis, il est chargé de souffler à l’oreille de l’octogénaire leader de l’Udps toutes les oukases qui proviennent de Moïse Katumbi.
Récupéré par les Katebe
Le second, qui n’est peut-être pas trop connu du grand public, se nomme Gilbert Kankonde et atteste d’un parcours pour le moins sinueux. Ancien de l’Udps, l’homme trahira pour la première fois Tshisekedi au profit de Kibassa Maliba. Poursuivant sa transhumance, il vendra ensuite ses services à Omer Kamba, alors gouverneur du Kasaï-Oriental dont il sera directeur de Cabinet. On le retrouvera à la fin du mandat de celui-ci à Sun City dans les valises de Raphael Soriano Katebe Katoto, avant de le revoir dans l’entourage du Docteur Kashala, un des candidats malheureux à l’élection présidentielle de 2006. Gilbert Kankonde est devenu en réalité le porteur de mallette attitré de la famille Katumbi. C’est lui qui se chargerait de faire parvenir au leader de l’Udps, via ses proches (sa femme Marthe et son fils Félix) les billets verts de Katumbi en contrepartie de la caution que Tshisekedi apporterait au projet de conquête du pouvoir suprême par Moïse Katumbi.
Selon le deal secret passé entre Katumbi et Tshisekedi, tel qu’il transpire dans les milieux diplomatiques de Grande Bretagne, ce dernier ne reçoit pas que les faramineuses sommes d’argent dont nous aurons bientôt le chiffre exact. Dans les engagements pris par l’octogénaire, figure le sabordage du dialogue politique national inclusif. Une preuve vient d’en être avec la mise à l’écart sans ménagements de Bruno Mavungu, le Secrétaire général de l’Udps « coupable » d’être favorable au dialogue et réfractaire à l’idée de voir Katumbi rafler les efforts consentis par des générations entières de militants de l’Udps. Mavungu qui a été remplacé par un militant proche de Katumbi, Jean Marc Kabund, à l’issue d’une réunion à laquelle un diplomate britannique avait pris part mercredi 11 août, ce qui pose la question des véritables desseins de ce pays, membres du Conseil de sécurité des Nations Unies et dont le rôle néfaste dans les guerres qui ont failli sonner le glas de la RDC dans ses frontières héritées de la colonisation est bien connu.
Ame égarée
Le richissime homme d’affaires du Katanga serait parvenu à convaincre le sphinx de Limete qu’il en ferait le président de la transition si Tshisekedi réussissait l’exploit de créer une insurrection populaire à Kinshasa ou à Lubumbashi au Katanga. L’ultime étape du plan Katumbi pour la conquête du pouvoir prévoit que le président de la transition, Etienne Tshisekedi, rende enfin la politesse à son nouveau patron en facilitant son élection à la magistrature suprême. Puisqu’il faut appeler le chat par son nom, nombreux sont ceux qui, en RDC, ne se gênent plus pour constater que le leader de l’Udps, que tout le monde avait appris à respecter, est malheureusement corrompu jusqu’à la moelle par Moïse Katumbi, le véritable patron du Rassemblement dont Tshisekedi trône à la tête du Comité des Sages. Triste réalité qui a amené Etienne Tshisekedi à choisir un mauvais moment de sa vie pour décevoir toux ceux qui avaient placé leurs espoirs en sa personne.
J.N.