Les perspectives politiques sont de plus en plus claires en RD Congo. Tout au moins, à très court terme. D’élections avant la fin de l’année 2016, il n’y en aura sûrement point : de cela, tous les experts sont d’accord, de la Commission Electorale Nationale Indépendante aux experts onusiens en passant par l’IFES américain. Il faut un minimum de 12 mois (16 mois à dater du 31 juillet 2016, selon la CENI) pour doter le pays d’un fichier électoral qui soit autre chose qu’une caricature de fichier électoral. À moins d’opter pour l’exploitation du fichier en place, que l’on sait truffé d’imperfections, encore que dans cette hypothèse précise, il faille convenir d’une révision de la constitution qui exige la participation aux élections de tous les citoyens en âge de voter, donc des nouveaux majeurs. Cela, le représentant spécial du SG des Nations-Unies en RD Congo, Maman Sidikou, l’a affirmé sans ambages le 14 juillet au cours d’un point de presse à Kinshasa qui l’a vu réitérer l’appel au dialogue politique inclusif : «… Lorsque nous voyons ce que les techniciens disent, que ce soit ceux de la CENI, des Nations Unies, ou que ce soit même l’IFES des Etats-Unis, nous arrivons plus au moins à douze mois. Dans les trois quarts, c’est à peu près ça. A partir du moment où la CENI commencera en fait, c’est douze mois. Vous demandez mon avis, je vous l’ai dit dans mon introduction en liminaire, je ne vois pas d’élections le 27 novembre».
Dans le camp présidentiel, où on appelle depuis plus d’un an le reste de la classe politique à prendre part au dialogue convoqué par le président Joseph Kabila, il va de soi qu’il est le bienvenu, ce dialogue qui permettra la définition des options politiques consensuelles qui permettront la tenue d’élections crédibles et apaisées. La majorité au pouvoir veut, – n’est-ce pas légitime ? – participer à l’organisation de l’alternance politique. Ici, il faut dialoguer. A défaut de dialogue, le Chef de l’Etat demeure en fonction jusqu’à l’élection d’un nouveau Chef de l’Etat, conformément à la constitution (pas de vide juridique, principe de continuité de l’Etat …).
Tout le contraire de ce que professe une partie de l’opposition politique rd congolaise pour laquelle l’alternance politique rime le changement d’homme à la tête de l’Etat et l’accession subséquente au pouvoir d’Etat d’un opposant. Un objectif qui passe par l’écartement de la majorité présidentielle et de son autorité morale de l’organisation des élections, à moins d’un partage des responsabilités, et donc d’une nouvelle transition. Du dialogue convoqué par Joseph Kabila en sa qualité de président de la République en fonction, une partie de l’opposition ne veut pas. « Il fait partie du problème à résoudre », soutient-on ici. Oui au dialogue, mais un autre dialogue. Les opposants se livrent à une exégèse biscornue de la Résolution 2277 du conseil de sécurité des Nations-Unies qui, selon, les membres du Rassemblement, la nouvelle plate-forme de l’opposition créée à l’issue du conclave de Genval en Belgique, aurait « disqualifié » les autorités constitutionnelles en place en RDC…
Les opposants, soutenus de temps en temps par certaines chancelleries occidentales à Kinshasa, exigent aussi mordicus « le respect des délais constitutionnels », en ce qui concerne la présidentielle, particulièrement. Des délais selon lesquels le second mandat de Joseph Kabila prendrait nécessairement fin le 19 décembre 2016. La position est, on s’en doute, tout simplement intenable. En RD Congo, chacun le sait mais joue sa carte. Celle de l’opposition réunie au sein du Rassemblement consiste, manifestement, à laisser courir le temps, quitte à dialoguer avec un Kabila affaibli par la fin légale de son bail au sommet de l’Etat, après décembre prochain. En attendant cette échéance, on prépare la rue à faire monter la pression.
Ce n’est pas un hasard si, l’UDPS/Tshisekedi en tête, le Rassemblement des forces acquises au changement projette un meeting voulu monstre le 31 juillet 2016 à Kinshasa. C’est à cette date que sera lancée l’opération de révision du fichier électoral à partir de la province du Nord-Ubangui. Une opération qui devrait s’étaler sur 16 mois selon les estimations de la centrale électorale (CENI), et donc déborder des fameux délais constitutionnels sans consensus préalable de la classe politique. De cela, le Rassemblement ne veut sûrement pas et devrait en appeler à la rue pour obtenir l’arrêt du processus électoral, ou sa participation à son organisation.
Au cours d’un point de presse, le 19 juillet 2016 à Kinshasa, le G7 Charles Mwando Nsimba l’a assez clairement indiqué en appelant les kinois au meeting du 31 juillet prochain. « Le meeting du 31 juillet 2016 sera ainsi l’expression d’une triple revendication : Revendication forte du respect de la Constitution ; Revendication forte de la relance du processus électoral conformément à la Constitution ; Revendication forte enfin de l’alternance démocratique exigée par la Constitution », a-t-il expliqué, entre autres.
Réponse du berger à la bergère : le 20 juillet à Kinshasa, la majorité présidentielle a annoncé l’organisation d’une manifestation similaire le 29 juillet au Stade Tata Raphaël. « …Dans le but de soutenir la campagne de sensibilisation de l’Autorité morale sur la nécessité de l’enrôlement et du dialogue politique, national et inclusif convoqué par le Chef de l’Etat, la Majorité Présidentielle annonce la tenue d’un meeting le 29 juillet 20f6 au Stade Tata Raphaël, suivi d’une autre rencontre de ce genre le 07 août 2016 à l’esplanade du Palais du Peuple », indique le communiqué signé par Alain Atundu, le porte-parole de la famille politique de Joseph Kabila. Pression populaire contre pression populaire, donc.
Pourtant, les résultats de ces épreuves de force sont on ne peut plus incertaines aussi bien pour le camp de l’opposition que celui de la majorité, quoique l’on en pense. Opposition et majorité se sont livrées à des tests de mobilisation des foules à Kinshasa courant avril 2016, avec une certaine suprématie en faveur de la majorité présidentielle qui, même avec des forces souventefois dispersées, a prouvé qu’elle pouvait rameuter les kinois et surtout l’arrière-pays. A l’exemple de son parti-phare, le PPRD, qui avait réussi à faire le plein du stade vélodrome de Kintambo. Sans compter les partis membres de la plate-forme comme la CCU de Lambert Mende et d’autres encore qui avaient organisé des meetings le 24 avril dernier. Toutes ses forces réunies, la majorité présidentielle pourrait bien garnir tous les gradins du mythique stade de la commune de Kalamu d’une capacité de plus ou moins 60.000 places.
Même réunie, l’opposition politique ne pourrait que difficilement être capable du même exploit, ces dernières sorties n’ayant pas dépassé le seuil de 5.000 manifestants. Le soutien des « amis étrangers » (occidentaux) et les moyens financiers de Moïse Katumbi, parrain du G7, sont donc attendus pars les forces anti Kabila selon des informations disponibles dans les réseaux sociaux. Mais c’est l’unité des forces acquises au changement qui semble poser problème. Depuis que le MLC de Jean-Pierre Bemba s’est désolidarisé du G7 et de l’UDPS/Tshisekedi, notamment. Mardi 19 juillet, Fidèle Babala a déclaré que leur parti n’était pas concerné par le rendez-vous du 31 juillet. Le secrétaire général adjoint du MLC s’indignait du fait qu’ils n’aient pas été préalablement contactés au sujet de ce meeting et écornait au passage le G7 et l’UDPS derrière lesquels la seconde force politique de l’opposition au parlement refuse de se ranger.
En rapport à cette manifestation d’opposants, on n’a pas non plus encore entendu parler de la participation de l’UNC de Vital Kamerhe qui est tout de même la troisième force de l’opposition au parlement. Bien au contraire. Le même 19 juillet 2016, Giscard Kusema, le porte-parole de l’UNC, annonçait que Vital Kamerhe était disposé à prendre part au dialogue national, à la condition qu’il soit conforme à la Résolution 2277 du Conseil des Nations-Unies.
Sans le MLC et l’UNC, le meeting du 31 juillet prochain sera l’affaire des seuls G7 et de l’UDPS, ainsi qu’un certain nombre de petits regroupements et partis politiques qui ne pèsent guère sur la balance à Kinshasa. L’impact ne devrait pas être le même.
J.N.