En RDC, le paysage politique peint par la présidentielle de décembre 2023 tarde à prendre la plus petite ride, quoique prétendent les leaders de l’opposition politique. Le vainqueur incontesté de cette joute, l’UDPS Félix-Antoine Tshisekedi (73,47 %), reconduit après un premier mandat de 4 ans obtenu en 2018, tient toujours la dragée haute face à ses principaux challengers, Moise Katumbi (18,32 %), et Martin Fayulu (4,92 %). Sur le terrain, la conjoncture socio-économique peine à bousculer la hiérarchie ainsi établie, en réalité. L’opposition ne fait pas le poids. Pas encore. Et le président Tshisekedi, en séjour dans la province de la Tshopo du 23 au 26 octobre 2024, en a profité pour enfoncer davantage ses adversaires politiques à l’interne, et larguer des amarres.
Durant 72 heures, Kisangani, le chef-lieu de la province de la Tshopo est devenu la capitale de la RDC, regroupant autour du président de la République, l’ensemble des membres du gouvernement présents au pays et tout ce que le pays compte d’éminences grises. Au programme présidentiel, un conseil des ministres spécial, consacré à l’évaluation de la situation générale du pays et à l’examen des projets financés par le gouvernement dans cette partie pays.
Samedi 26 octobre, Félix Tshisekedi a inauguré avec pompe le nouvel aéroport international de Bangoka. Un ouvrage dont la première pierre de construction avait été posée en 2017, sous le régime de Joseph Kabila. Bangoka new look, ce sont des bâtiments pimpant neufs et des infrastructures aéroportuaires capables de prendre en charge plus de 300 passagers en heures de pointe.
Jeudi 24 octobre, le président de la République a inspecté des travaux de voirie de la ville de Kisangani, soit 54 km en voie de construction, à livrer dans les 24 prochains mois, selon les explications du directeur général de l’Office de Voiries et Drainages (OVD), Victor Tumba.
Le stade Lumumba de la ville, en état d’abandon avancé depuis des décennies, a également bénéficié de la visite présidentielle. D’une capacité de 10.000 places assises, l’infrastructure est en pleine réhabilitation. Une pelouse synthétique est déjà posée et des tribunes sont en construction.
Au plan sécuritaire, le Commandant suprême des FARDC et de la PNC a dirigé, le 24 octobre, une réunion su Conseil supérieur de la Défense au terme de laquelle des instructions ont été données aux responsables à divers niveaux pour que «la paix et la sécurité soient assurées sur toute l’étendue du territoire national».
Kisangani, capitale de la RDC pour 72 heures
Également au programme du chef de l’Etat, des échanges avec les populations locales qui lui avaient nettement accordé leurs préférences en décembre 2023. Une occasion pour le vainqueur de la dernière présidentielle de leur présenter les programmes et projets publics concoctés à leur intention. Le tout fut plutôt rondement mené, selon les observateurs.
Le séjour de Félix Tshisekedi restera marqué par le meeting populaire Place de la Poste à Kisangani, le 23 octobre 2023. Le président de la République ayant, à cette occasion, annoncé une révision de la constitution qui régit la RDC depuis 2006. Les intentions présidentielles sur la question étaient connues depuis un séjour en Belgique en mai 2023. Elles ont été formellement confirmées avec l’annonce de la mise en place, dès l’année prochaine, d’une commission nationale multisectorielle en charge de proposer un nouveau texte constitutionnel adapté aux réalités congolaises. «La constitution actuelle a été rédigée à l’étranger et par des étrangers», a-t-il lancé à la cantonade.
«Opposition ya nzala»
A cette occasion, Félix Tshisekedi «le combattant» n’a pas raté ses adversaires politiques en stigmatisant la faiblesse de l’opposition qui lui fait face. S’exprimant en lingala, le chef de l’Etat a fait état d’une «opposition ya Nzala», que l’on peut littéralement traduire par « opposition famélique » ou « opposition moribonde », cette dernière interprétation étant la plus proche de la réalité décrite par Félix Tshisekedi.
La boutade présidentielle contre son opposition a fait couler beaucoup d’encre et de salive dans la classe politique, particulièrement, dans les travées de l’opposition où des voix se sont élevées pour dénoncer ce qu’ils présentent comme une propension à l’insulte.
Mais, des linguistes interrogés par Le Maximum rangent les propos de Félix Tshisekedi dans le contexte d’un langage simple et d’immédiate compréhension par les foules qu’il harangue. «Opposition ya nzala n’est pas une allusion à la nourriture, à la faim ou à la pauvreté. ‘Nzala’ est un adjectif consacré pour décrire ce qui est fantoche, ce qui est nul», explique-t-on. Le terme est particulièrement utilisé dans les milieux sportifs où, «Gardien ya nzala» signifie «un gardien de but maladroit», par exemple. Cela vaut pour un « arbitre ya nzala » ou encore un «attaquant ya nzala», lorsque le buteur maison d’une équipe manque l’imanquable.
A cet égard, force est de constater qu’en fait d’opposition politique, particulièrement en matière de mobilisation contre le pouvoir en place, ni Moïse Katumbi, ni Martin Fayulu, encore moins la cohorte des candidats à la dernière présidentielle congolaise ne tient la barre. Même pas tous les opposants réunis, ainsi que l’opinion s’en est rendue compte au cours d’un rassemblement raté sur Avenue Kianza dans la commune de Ngaba, en mai 2023 (7 mois avant la présidentielle, donc). Les images présentant Martin Fayulu incitant des mineurs à s’en prendre aux forces l’ordre, faute de militants, sont restées gravées dans les esprits.
Plus d’un an après cet épisode, la déroute de l’opposition demeure. Comme si, l’UDPS/Tshisekedi, reine de la mobilisation et de la rue, passée de l’autre côté de la barrière politique, les ressorts de la contestation s’étaient irrémédiablement cassés. Félix Tshisekedi n’a pas loupé l’occasion d’en asséner la vérité à ses opposants. C’est de bonne guerre, selon les observateurs.
J.N. AVEC LE MAXIMUM