Olivier Kamitatu Etsu, 60 ans, porte-parole de Moïse Katumbi, après avoir occupé les fonctions de président de l’Assemblée nationale et de ministre du Plan du gouvernement central, paraît plus que piqué au vif. Depuis, notamment, que la révision de la constitution de 2006, issue des Accords de paix de Sun City en Afrique du Sud, a été confirmée par le président de la République. L’ancien secrétaire général du MLC de Jean-Pierre Bemba, devenu président de l’ARC, un parti politique éphémère, est sur tous les fronts. Contre le projet présidentiel. Même si on l’a déjà vu, dans un passé peu lointain, défendre ce qu’il dénonce avec force amalgames et véhémence aujourd’hui.
L’homme balance vidéo sur vidéo sur les réseaux sociaux, où il se répand en critiques acerbes contre la révision constitutionnelle projetée par le président de la République. Qu’il présente comme un caprice d’un chef d’Etat désireux de prolonger son bail à la tête du pays, même si Félix Tshisekedi s’en défend, avec véhémence lui aussi. «Au moment où notre pays est déchiré, il est impératif de rappeler que notre Constitution est le ciment qui unit la Nation. Si nous capitulons devant les caprices de Félix Tshisekedi, qui veut à tout prix la changer pour s’accrocher au pouvoir au-delà de son second mandat, nous n’aurons pas seulement trahi la mémoire des héros comme Rossy Tshimanga, Thérèse Kapangala, Luc Nkulula et de tous ces jeunes anonymes qui ont donné leur vie pour la défendre, mais nous aurons surtout offert sur un plateau d’argent notre pays à un nouveau dictateur entouré d’une clique de prédateurs prêts à sacrifier l’unité nationale sur l’autel de leurs ambitions égoïstes. Il est temps d’ouvrir les yeux : nos malheurs ne proviennent pas de la Constitution, mais de l’absence coupable de volonté du chef de l’État à tenir le serment solennel qu’il a prononcé devant Dieu et tous ses compatriotes lors de son investiture. C’est là que se trouve la véritable crise», écrit-il sur son compte X, le 2 novembre 2024.
Contre la balkanisation par les belligérants
Certains des arguments avancés par Kamitatu pour dénoncer la révision constitutionnelle prêteraient à rire s’il ne s’agissait pas d’une affaire plutôt sérieuse. Lorsqu’il n’évoque pas la mémoire d’Etienne Tshisekedi, le géniteur de l’actuel président de la République, qui selon lui se serait opposé à toute révision constitutionnelle en son temps, le porte-parole de Moïse Katumbi se montre menaçant. «La révision de la constitution entraînera la balkanisation à coup sûr de la RDC», avance-t-il. «Comme si elle n’était pas déjà balkanisée par l’agression rwandaise», lui rétorquent ses détracteurs.
La tâche que s’est attribuée ce proche collaborateur de l’ancien gouverneur du Katanga, connu pour s’être scandaleusement enrichi en acquérant à vil prix et en revendant à prix d’or des carrés miniers katangais sur les places boursières mondiales, ne paraît pas des plus aisées. Surtout auprès de ceux qui, dans l’opinion, n’ont pas oublié le rôle crucial joué par le nouveau plaignant anti-révision constitutionnelle dans la préservation d’intérêts étrangers dans la constitution de 2006.
Speaker du parlement
Président de l’Assemblée nationale pour le compte du Mouvement de Libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba d’août 2003 à avril 2006, Olivier Kamitatu fut un maillon important de la machine déployée pour faire obstruction à la mise en application des contrats miniers léonins conclus par les belligérants. Œuvre de la Commission Lutundula, mise sur pieds pour examiner ces engagements économiques qui préjudiciaient gravement les intérêts de la RDC. «Les ressources naturelles de la RDC ont alimenté les conflits qui ont endeuillé le pays et la région depuis 1996 et continuent de le faire. Les contrats miniers signés durant les guerres et la période de transition politique ont été négociés dans des conditions défavorables aux intérêts nationaux comme l’ont documenté de nombreux rapports d’experts nationaux et internationaux. La majorité des conventions minières ne sont pas de nature à contribuer à la reconstruction du pays et n’ont pas profité à la population congolaise dans son ensemble», faisaient observer les 17 membres de la commission choisis parmi toutes les tendances politiques représentées au parlement « nommé » post Sun City.
Le rapport Lutundula avait pourtant été déposé au bureau du président Kamitatu depuis juin 2005. Le speaker de la chambre basse du parlement avait pris, crânement, le parti de le placer sous le boisseau durant 8 mois, jusqu’en février 2006, rendant quasiment impossible l’examen et l’annulation de ces contrats léonins qui profitaient aux belligérants au détriment du pays. «Le rapport recommande, en effet, l’abrogation pure et simple ou la renégociation de 16 contrats, grâce auxquels l’Etat congolais a été dépouillé «par le fait du Prince» ; une enquête pour violation du droit congolais à l’encontre de 28 sociétés, congolaises ou étrangères ; des poursuites en justice contre 17 personnes pour divers délits, dont le blanchiment d’argent. D’autres contrats sont notés comme n’apportant rien aux Congolais, ce qui ne veut pas dire qu’ils n’ont pas permis à certaines personnalités de s’enrichir», lisait-on sur le document de 270 pages. Il conseillait «un moratoire immédiat sur la signature de nouveaux contrats, jusqu’à ce que les élections amènent au pouvoir des autorités légitimes et ayant des comptes à rendre à la Nation. Pendant les huit mois de mise sous le boisseau du rapport, cette recommandation n’a pu, évidemment, être appliquée».
Le rapport sur les contrats léonins
Profitant de la brèche ainsi ouverte par Kamitatu (et des complices, sans doute), les Etats-Unis, le Canada et l’Union Européenne annoncèrent en juillet 2007 le financement d’un projet minier gigantesque en RDC, sous la forme d’une caution financière au géant minier Phelps Dodge/Free McMoRan pour la mine de cuivre de Tenke Fungurume, pourtant reprise sur la liste des contrats léonins à abroger. Le projet couvrait «l’un des plus riches gisements de cobalt et de cuivre vierge au monde», selon la commission Lutundula.
De fil en aiguille, de retour d’un séjour à Kinshasa, l’alors gouverneur du Katanga et actuel patron d’Olivier Kamitatu, Moïse Katumbi Chapwe, se déclara carrément contre la révision unilatérale des contrats miniers, le 14 mars 2008 à Lubumbashi. Le « trop puissant » gouverneur PPRD de la province cuprifère estimait, en effet, que plusieurs milliers de Congolais risquaient d’aller au chômage. Selon lui, beaucoup parmi les entreprises contractuelles avec le gouvernement étaient déjà en phase de production, tandis que d’autres, plus nombreuses encore, demeuraient dans la phase préparatoire, à l’instar de Tenke Fungurume Mining.
Lorsqu’il déploie tous ces biceps pour s’opposer à la révision constitutionnelle, Olivier Kamitatu protège également des intérêts éloignés, voire, opposés à ceux des Congolais, assure au Maximum un expert ès mines interrogé sur le sujet. Une posture qui remonte au déluge qui s’est abattu sur le pays de Lumumba sous la forme d’agressions armées de tous acabits. Et auxquelles le fils Kamitatu ne se priva pas de prendre une part significative. Suffisant pour plonger tout homme normal dans ses états seconds, oublieux de tout ce qui ne se rapporte pas à ses combats actuels.
J.N. AVEC LE MAXIMUM