Un baril de poudre. C’est ce que demeure l’ex-province du Katanga, la plus riche en minerais de la RDC, même divisée en 4 conformément à la constitution depuis quelques années. Avec les potentialités de son sous-sol, cet espace a toujours été très convoité par des puissances économiques de tous bords. On se souvient qu’il fit l’objet d’une tentative de sécession au lendemain de l’accession du Congo à l’indépendance, à l’instigation de l’ancienne métropole coloniale belge et ses alliés capitalistes. Qui ne semblent pas avoir renoncé à ce funeste dessein.
En RDC, la situation de l’ex-province du Katanga comprenant le Haut-Katanga, le Lualaba, le Tanganyika et le Haut-Lomami n’a jamais cessé d’inquiéter les autorités politiques. Véritable poudrière en raison de cette richesse, l’ex-Katanga a toujours fait l’objet de l’attention des autorités du pouvoir central autant que des aventuriers de tous acabits. L’ouverture du pays à la démocratie au milieu des années ’90, ainsi que les guerres par procuration et les rébellions qui écument une partie du territoire nationale depuis près de 30 ans semblent avoir aggravé la fragilité de la poule aux œufs d’or rd congolaise. D’aucuns outre Atlantique et outre Méditérannée n’attendent que le coup de grâce qui introduira cette région juteuse dans leur escarcelle.
Ces dernières années, plusieurs rumeurs concernant la soustraction de la partie katangaise du reste du territoire congolais ont conforté ici la hantise de la balkanisation de la RDC qui agite les nuits de nombreux Congolais. De même que les menaces à peine voilées, proférées ci et là par des acteurs politiques et sociaux inconséquents ou corrompus. D’où la relative fébrilité des pouvoirs politiques dès qu’il s’agit de la sécurité de cette partie du territoire national.
Acteurs politiques interpellés
En l’espace d’un an, au moins deux agitateurs ont été interpellés par les services de sécurité pour des motifs liés à la sécurité intérieure du pays, particulièrement à la province du Katanga. Le dernier en date, Seth Kikuni, a été arrêté le 2 septembre 2024 par l’Agence nationale des renseignements (ANR), détenu durant une dizaine de jours avant d’être transféré au parquet général près la Cour d’appel de Gombe à Kinshasa le 13 septembre. Président d’un petit parti politique, Pistes pour l’Emergence, deux fois candidat malheureux à la présidentielle même s’il ne compte aucun député dans ses rangs, Kikuni s’était en effet fendu d’un discours incitateur à la révolte au cours d’un récent séjour au Katanga. «Je ne m’adresse pas seulement à vous hommes, femmes, jeunes de Lubumbashi réunis dans ce haut cadre. Je m’adresse en réalité à tous les grands katangais. Mon message est simple : le Congo va mal et tout le monde se lamente. Le Congo va mal parce que le Grand Katanga va mal. Le Congo va mal parce que vous les grands katangais, des résistants, des guerriers, des combattants, des révolutionnaires, vous faites semblant de ne pas voir et de ne pas voir ce que même les aveugles et les sourds ont déjà vu et entendu. Le katangais font semblant de ne pas voir qu’ils sont en réalité les premières victimes de la création, de l’intolérance, de la dictature, des insultes du régime en place », avait-il lancé à la cantonade, le 27 août 2024. Avant de préciser que «ce qu’il faut savoir est que le Grand Katanga contribue à plus de 80 % au budget national. Cela veut dire que les Congolais qui (souffrent) prient tous les jours pour l’abondance du Grand Katanga. Aujourd’hui vous êtes humiliés, vous êtes insultés. Le Grand Katanga est aujourd’hui transformé en un grand forage. IL y a même des gens qui commencent à penser que vous ne méritez plus le Grand Katanga. La communauté internationale commence à penser que nous ne méritons plus la RDC. Nous sommes assis sur des richesses énormes mais nous visons dans la plus grande pauvreté. Réveillez-vous. Levez-vous. Bravez la peur. Apprenez à dire non».
Kikuni a soufflé sur la braise
Le 17 septembre, la chambre du conseil a statué sur la demande du parquet général de prolonger la détention de Kikuni de 15 jours, après l’expiration du mandat d’arrêt provisoire. La demande de mise en liberté provisoire introduite par la défense de cet acteur politique proche de Moïse Katumbi, l’ancien gouverneur du Katanga également candidat malheureux à la dernière présidentielle, a été rejetée par la chambre du conseil, arguant de craintes sérieuses qu’il ne se soustraie à la justice.
Kikuni risque jusqu’à 5 ans de prison, s’il est condamné.
15 mois auparavant, le 30 mai 2023, Salomon Idi Kalonda, un autre proche collaborateur de Moïse Katumbi, avait été interpellé par les renseignements militaires alors qu’il s’apprêtait à prendre son avion vers Lubumbashi. Placé en détention dans les cachots des services de renseignements des FARDC avant d’être présenté à un juge, Idi Kalonda était poursuivi pour détention illégale d’arme à feu et de munitions de guerre; incitation des militaires à commettre des actes contraires à leur devoir et à la discipline et atteinte à la sureté intérieure de l’Etat. L’homme à tout faire de Katumbi était ainsi accusé d’entretenir des contacts avec la rébellion du M23 et des officiels rwandais « dans le but de renverser le régime en place en RDC par tous les moyens».
Elu député provincial dans le Maniema, puis sénateur sur les listes d’Ensemble pour le changement, le parti de Moïse Katumbi, Salomon Kalonda bénéficie d’une décision de la Cour militaire chargée de l’instruction de son dossier, qui s’est déclarée incompétente le 8 juillet 2024. Toutefois, le dossier est loin d’être clos, l’affaire ayant été simplement transférée au juge compétent pour entendre un membre du parlement.
Les visées de la coalition RDF-AFC-M23
Ces deux incidents laissent croire que les autorités de la RDC sont d’avis que quelque chose se trame autour de l’ex-province du Katanga. Leurs appréhensions sont confirmées par les récentes déclarations des renégats du M23-AFC, affichant leur volonté d’étendre les ramifications de leur action vers le Sud de la RDC. Ces supplétifs de l’armée rwandaise prétendent pince-sans-rire que leur but est de défendre des Tutsi congolais, une rengaine ressassée par les stratèges du Congo desk de Kigali pour justifier l’étreinte prédatrice de Paul Kagame sur l’Est de la RDC.
Jugé par contumace par la Cour militaire de Kinshasa/Gombe, Corneille Nangaa, Bertrand Bisimwa, Sultani Makenga, Adam Chalwe et autres Willy Ngoma et Jean-Jacques Mamba, ont été condamnés à mort, le 8 août 2024.
De nombreuses études consacrées à la situation sécuritaire de la RDC indiquent que derrière ces acteurs politiques nationaux qui prennent les armes contre leur propre pays, se profilent de puissants intérêts financiers étrangers désireux de faire main basse sur les ressources naturelles du Congo. Dans le cas de l’ex-Katanga, ce sont les occidentaux particulièrement, qui ont intérêt à remettre en cause la situation actuelle, trop avantageuse pour les Chinois. Et non pas un quelconque leader rd congolais, à l’instar de Moïse Katumbi ou Corneille Nangaa.
J.N. AVEC LE MAXIMUM