A la suite de la désertification du Sahara, un groupe des populations habitant l’actuel Cameroun décide de migrer vers le sud. Ce sont les populations bantoues. Un de ces groupes est dirigé par un grand chef qui s’appelle Mongo. Jusqu’à ce jour, le nom Mongo est encore très usité au Cameroun. On connaît par exemple Mongo Beti, le grand écrivain camerounais ; Mongo Faya, l’homme qui avait 80 femmes et qui est décédé en 2002 ; Stéphane Mongo, l’acteur français d’origine camerounaise. Donc le grand Chef Mongo et sa Communauté s’installe dans l’espace qui deviendra des siècles plus tard la RDC ; plus précisément vers l’actuelle ville de Bumba, dans l’actuelle province de la Mongala.
Les Anamongo (les enfants de Mongo) se séparent
L’une des trois branches des descendants de Mongo va quitter Bumba et remonter le fleuve Congo. Arrivés à Isangi, les membres de cette branche remontent la rivière Lomami et s’installent sur les deux rives de cet affluent du fleuve Congo. Cette population constitue aujourd’hui l’ethnie tetela – kusu. Les tetela sont sur la rive gauche de la rivière Lomami, dans la province du Sankuru. Et les Kusu habitent la rive droite, dans la province du Maniema. Les deux autres lignées de l’ancêtre Mongo se sont installées dans l’actuelle province de la Tshopo (les Lokele et les topoke …) et dans les actuelles provinces de l’Equateur et du Maï ndombe (ils s’identifient comme les Mongo, en souvenir de l’ancêtre commun). Les tetela-kusu qualifient cette grande communauté de descendants de Mongo comme les « Anamongo » ; ce qui veut dire « les enfants de Mongo ». C’est la communauté ethnique la plus importante aujourd’hui en RDC. Elle représente environ 30% de la population congolaise.
Naissance d’Esaïe Okit’Asombo
Revenons maintenant au groupe des anamongo qui se sont installés dans le Sankuru et qu’on appelle les Tetela. La province du Sankuru est subdivisée en 6 territoires : Lubefu, Lusambo, Lodja, Kole, Lomela et Katako–kombe. Dans ce dernier territoire, il existe un petit village du nom d’Onalua, qui signifie le fils du soleil ou le fils de lumière. Dans ce village, le couple François Tolenga et julienne Amatu a quatre garçons. Il s’agit de Charles Lokolonga, Esaïe Okit’ Asombo, Emile Kalema et Louis Onema. Après son divorce avec julienne Amatu, François Tolenga aura un cinquième garçon, avec sa deuxième épouse, du nom de jean Tolenga.
Esaïe Okit’Asombo, le 2e fils de François Tolenga, est né le 2 juillet 1925 à Onalua. Cette précision sur la date de naissance, chose rare à cette époque, est due au fait que François Tolenga, paysan de son état, avait appris à lire et à écrire auprès de missionnaires catholiques installés dans la région depuis 1910.
Esaîe s’inscrit à l’école et se fâche avec son père.
En 1939, Esaïe Okit’Asombo, à l’âge de 13–14 ans, entre directement en deuxième primaire, comme il savait déjà lire et écrire. Mais le choix de l’école sera à l’origine d’une brouille entre Esaïe et son père. En effet, le jeune Esaïe a le choix entre l’école de la mission protestante de Wembo-Nyama tenue par des missionnaires Suédois, située à 10Km de son village et l’école catholique de Tshumbe Sainte-Marie, située, elle, à 35 Km d’Onalua. Evidemment, le jeune Esaïe choisit l’école la plus proche, c’est-à-dire l’école de Wembo-Nyama, chez les protestants. Son père François Tolenga, catholique de son état, se fâche contre Esaïe à tel point qu’il le chasse du toit paternel.
Parce que, pour lui, par son choix, son fils Esaïe a renié le catholicisme. Pendant trois mois, Esaïe sera nourri en cachette par sa mère et ses frères. Considérant l’absurdité de cette situation, les notables du village vont raisonner François Tolenga qui finira par accepter le retour du fils prodigue au bercail.
Esaïe Okit’Asombo est chassé de l’école
En 1942, Esaïe Okit’Asombo est en cinquième primaire. Au premier semestre de cette année, il est chassé de l’école. Pour indiscipline. Il avait du mal à respecter la rigueur des pasteurs méthodistes Suédois de Wembo-Nyama qui interdisaient à leurs élèves la fréquentation des filles, la consommation des boissons alcoolisées, la pratique de la danse, etc. Esaïe devient un chômeur à Onalua, son village natal.
Le premier clin d’oeil du destin
Le destin va lui faire un premier clin d’œil par le passage à Onalua d’un prêtre routier de la mission catholique de Tshumbe Sainte-Marie. Voyant que le jeune Esaïe, fils du fervent catholique François Tolenga, n’allait pas à l’école, ce prêtre va l’emmener et l’inscrire à l’école de la mission de Tshumbe où Esaïe est admis en cinquième primaire.
Esaîe Okit’Asombo devient Patrice Lumumba
Et, on n’a jamais su pour quelles raisons, le jeune Esaïe Okit’Asombo décide, à ce moment-là, de changer de nom. Il s’inscrit sous le nom de Patrice Lumumba. On sait que Lumumba est le nom que sa mère lui avait donné comme un surnom et qui venait d’un parent de la famille maternelle. Lui, il en fait son nom en remplacement de Okit’Asombo que son père lui avait donné. Il décide aussi de remplacer son prénom d’Esaïe par celui de Patrice. Nous n’avons jusqu’à présent aucune explication sur l’origine de ce prénom de Patrice. Même si l’on sait que Patrice était un titre que de dignitaires romains portaient sous l’empereur Constantin, dans la Rome antique.
Patrice Lumumba quitte le Sankuru pour le Maniema
A la fin du second semestre (août 1943), les élèves de Wembo-Nyama partent en congé. Patrice Lumumba demande une autorisation de l’école pour se rendre à Kindu–Port–Empain, dans l’actuelle province du Maniema. Il va rendre visite à un parent qui devait lui acheter des vêtements pour sa cérémonie de première communion. Son autorisation en poche, Patrice Lumumba quitte son école de Tshumbe Sainte–Marie et n’y reviendra plus jamais. Il arrête sa scolarité au niveau de la 5e primaire. Il a 18 ans.
A Kindu, Patrice Lumumba devient commis-pointeur à la CFL
Au chef-lieu du Maniema, Pius Olenga, une de ses connaissances de Tshumbe, trouve au jeune Lumumba un emploi de commis–pointeur à la compagnie de chemin de fer CFL (Chemin de fer des Grands Lacs). Après quelques mois, Patrice Lumumba quitte son travail et le Maniema et retourne dans son village natal Onalua. Il apprend une mauvaise nouvelle. Ses parents ont divorcé. Très ambitieux et ne voulant pas terminer sa vie comme paysan à Onalua, à l’instar de la plupart des membres de sa famille, il décide de retourner au Maniema ; mais cette fois-ci à Kalima, une grande cité minière de la société Symétain.
De Kalima à Stanleyville (Kisangani).
Kalima sera juste une étape pour lui. Il y trouve un travail de commis à la cantine de Symétain. Grace à cet emploi, il va épargner la somme nécessaire qui va lui permettre de partir du Maniema pour sa destination finale : Stanleyville (Kisangani), le chef-lieu de la Province Orientale et troisième pôle économique du Congo-Belge ; aux côtés de Léopoldville (Kinshasa) et d’Elisabethville (Lubumbashi). Patrice Lumumba débarque à Stanleyville en 1944 avec seulement quelques francs en poche et quatre atouts majeurs : son intelligence, son courage, sa sociabilité et sa volonté de sortir du lot.
Patrice Lumumba, un phénomène social et historique
Mais comment ce jeune tetela, âgé de 19 ans seulement, deviendra en une quinzaine d’années, l’homme le plus populaire de Kisangani et du Congo ?
Comment cet autodidacte va–t–il devenir si influent que les Belges et leur Roi en tête, vont le détester, lorsqu’il devient le premier Premier ministre du Congo Indépendant, au point d’organiser la balkanisation du Congo de Léopold II en suscitant les sécessions du Katanga et du Kasaï ?
Pourquoi Dwight D. Eisenhower, le président du tout puissant Etats-Unis d’Amérique, va-t–il souhaiter la mort de Patrice Lumumba, ce fils de paysan devenu 1er ministre du Congo ?
A suivre !
Thomas LUHAKA