Le quartier GLM, du nom de l’immeuble de l’ancien Groupe Litho Moboti sur l’avenue de l’Ouganda dans la commune de la Gombe, a vécu un avant-midi mouvementé mercredi 31 juillet 2O24. Dans cette partie de la haute-ville, qui abrite notamment la résidence du président de la République honoraire, Joseph Kabila, sur l’avenue Uvira, où se trouvait son épouse, Olive Lembe Kabila, des tirs nourris ont soudainement perturbé la quiétude des lieux, faisant croire au pire. Selon des témoins, ainsi que des images vidéos qui ont envahi la toile quelques minutes après les incidents, les échauffourées parties de l’avenue Uvira ont gagné le quartier GLM dans sa partie qui abrite le Mess des officiers, proche de la résidence des Kabila. Ce fut suffisant pour que rumeurs et fake news en tous sens gagnent la capitale de la RDC et les réseaux sociaux dont sont si friands les Congolais. D’autant plus qu’une horde d’individus manifestement peu recommandables, affublés des T-Shirt et polo à l’effigie du président Félix Tshisekedi et de son parti politique, avaient été aperçus sur les lieux des incidents. «Ils auraient perpétré un assaut sur la résidence de Joseph Kabila», disait une rumeur que le camp du chef de l’Etat honoraire n’a pas contredite.
Versions nuancées
Dès le milieu de la journée, ce mercredi 31 juillet, puis un peu plus tard dans l’après-midi, des versions plus nuancées des événements du quartier GLM ont été avancées par des témoins et des observateurs. Les coups de feu entendus au quartier GLM, autrement appelé quartier des ambassadeurs, étaient liés à un conflit parcellaire vieux de plusieurs mois. Le litige opposant l’homme d’affaires congolais, Kabamba Mulumba «Kamul Inter», à un sujet israélien du nom de Shimon Ophir portait sur la construction en association d’un immeuble sur les lieux querellés. S’en sont suivis d’interminables procès. Si le Congolais Kamul Inter a obtenu gain de cause au niveau de certaines instances judiciaires kinoises, Shimon Ophir a fini par remporter le procès porté devant la cour de cassation qui tranche en dernière instance en RDC. Mercredi matin, le Congolais, dépité, s’était rendu au quartier des ambassadeurs pour prendre possession de ce qu’il estime être son dû, accompagné d’une escouade de policiers et d’individus présentés comme membres des forces du progrès, une milice proche du parti au pouvoir. Mais sur les lieux querellés l’attendait une résistance farouche, son ancien associé s’étant, lui aussi, pourvu d’une impressionnante garde policière. D’où les coups de feu nourris.
A ce stade des événements, «aucune résidence dans le voisinage n’a été visée ni visitée», selon un témoin cité par l’Agence Congolaise de Presse (ACP). Tandis qu’un autre rassure que «les coups de feu n’étaient nullement localisés aux alentours des sièges des institutions (primature, ministères, présidence)». Dans l’immeuble querellé sur l’avenue Uvira, il est rapporté que quelque 25 appartements ont été pillés et mis à sac, et des occupants, des expatriés pour la plupart, s’en sont tirés avec des blessures à divers degrés. Dispersés à coups de feu par les éléments de la police en charge de la protection des lieux, ces assaillants, au nombre de 500 environ selon les témoins, se sont repliés vers le Mess des Officiers et la résidence des Kabila. Ils s’y seraient heurtés aux policiers commis à la garde des installations du président de la République honoraire, selon cette version des incidents.
Les Forces du progrès pointées du doigt
Car, une autre existe, communiquée par le camp Kabila. Selon Adam Shemisi, chargé de la communication de l’ex- première dame, Olive Lembe Kabila, «les forces du progrès veulent forcer l’entrée de GLM alors que l’ex-première dame s’y trouvait, ce qui justifie les tirs entendus à la Gombe». Sur les réseaux sociaux, des vidéos présentant une horde d’individus pourchassés par des éléments de la police non loin de la résidence des Kabila ont abondamment circulé. Autant d’autres illustrations du genre, offrant des images de destructions commises dans l’immeuble querellé de l’avenue Uvira.
Interrogé par des médias, le général Kilimbalimba, numéro 1 de la police ville-province de Kinshasa, a indiqué avoir interpellé quelques individus. Une dizaine. «Ils sont en train d’être identifiés. Pour le moment, on ne sait pas qui ils sont réellement». Mais cela n’a pas empêché le camp Joseph Kabila d’accuser nommément les forces du progrès, ainsi que certains membres du gouvernement en place. A commencer par l’ex-première dame, Olive Lembe Kabila, qui s’est livrée à une prestation vidéo qui a tôt fait d’envahir les réseaux sociaux au cours de cette journée du mercredi 31 juillet 2024.
«On les a envoyés pour m’éliminer physiquement. », s’était ainsi écriée l’épouse de l’ancien président de la République, faisant allusion aux forces du progrès de l’UDPS. «Ils étaient très nombreux, il y a quelques images qui pourront témoigner de cette attaque. Ils ont voulu d’abord brûler les véhicules stationnés devant la parcelle avant de tenter d’entrer dans la résidence. Tout ceci est la conséquence de la violation du périmètre sécuritaire de la résidence du président honoraire de la RDC», dénonçait l’épouse Kabila, interpellant ainsi nommément le Félix Tshisekedi et Jean-Pierre Bemba, ce dernier s’étant rendu coupable, à ses yeux, de la destruction du périmètre sécuritaire pour construire sur son chantier. «Vous êtes content de cette destruction de notre périmètre sécuritaire que vous avez instrumentalisée ?», s’est exclammée une Olive Lembe émue, stigmatisant particulièrement l’ancien ministre de la Défense nationale au moment des faits déplorés.
Brèche ouverte
La brèche ainsi ouverte par l’épouse de Joseph Kabila a été abondamment exploitée par la famille politique du chef de l’Etat honoraire. Francine Muyumba, Ferdinand Kambere, Papy Tamba et autres Bienvenu Matumo … ont tous dénoncé ce qu’ils ont tôt fait de présenter comme une provocation du pouvoir en place, une violation de domicile, un plan diabolique, une attaque de la résidence de l’ancien président de la République.
Même si un assaut de l’habitation surveillée jour et nuit par une escouade d’agents de police ne pouvait efficacement s’opérer à mains nues, ainsi que l’ont relevé certains observateurs, mercredi dernier.
Dans un communiqué signé et publié le même jour par Fidèle Babala Wandu, le Mouvement de Libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba a promptement réagi aux accusations portées contre son leader. «Monsieur Jean-Pierre Bemba Gombo, cité par l’ex-première dame, n’est ni de loin ni de près impliqué dans cet incident», lit-on dans ce document qui «prie avec élégance Olive Lembe Kabila de retirer ses propos et, si besoin, de poursuivre devant la justice les personnes ayant réellement participé à cette tentative d’incursion dans leur propriété». Toujours dans le camp Bemba, on ne se prive pas de décocher quelques flèches bien senties. Le communiqué du MLC du 31 juillet soutient que «le MLC réitère son engagement pour la paix et la sécurité de tous les citoyens et appelle au respect de la vérité et à la fin des accusations infondées teintées de complotite légère. A ce stade, aucune information avérée n’indique que cette résidence ait été attaquée », écrit Fidèle Babala. On apprend ainsi que «le chantier auquel fait allusion l’ex-première dame est une propriété privée appartenant à Monsieur Jean-Pierre Bemba Gombo, acquise auprès de la société UTEXAFRICA depuis 1994, propriété que Madame Olive Lembe Kabila a tenté d’accaparer durant l’absence au pays de son propriétaire».
Le MLC et l’UDPS réagissent
De son côté, l’UDPS condamne fermement ces incidents. Du communiqué signé par Augustin Kabuya Tshilumba, président ad interim du parti présidentiel, filtre des doutes sur la véracité des accusations qui ont circulé sur les réseaux sociaux. La présidence du parti ne reconnaît pas les personnes «non autrement identifiés auxquelles on attribue l’appartenance tantôt à l’UDPS, tantôt à la Force du progrès et qui se seraient attaquées à la résidence de l’ancien Président de la République», assure Kabuya. «La présidence du parti exhorte le peuple congolais en général, et les forces de défense et de sécurité en particulier, à accroître la vigilance en cette période où les ennemis de la République multiplient des stratégies visant à déstabiliser les institutions du pays par la manipulation de l’opinion», poursuit le communiqué de l’UDPS.
Dans le quartier des Ambassadeurs, les mesures urbanistiques arrêtées il y a plusieurs mois maintenant, entretiennent une tension perceptible qui semble loin de s’estomper entre l’ancien et le nouveau pouvoir politique rd congolais. Notamment, la démolition, le 2 septembre 2023, des clôtures jouxtant la résidence du président de la République honoraire, Joseph Kabila. «Pour fluidifier la circulation» dans cette partie de la commune de la Gombe, selon les autorités. Ou pour ouvrir une voie d’accès vers les parcelles récemment acquises par certains dignitaires du nouveau régime, selon Adam Shemisi.
Un vieux contentieux
Le 4 septembre 2023, les clôtures démolies avaient permis le rétablissement de la circulation sur les avenues des Coteaux (dans le tronçon compris entre l’Immeuble GLM et l’Ambassade de Suisse), des Etats-Unis et de La Vallée, à hauteur de l’avenue de l’Ouganda. Le même jour, une clôture similaire longeant le Palais de Marbre, ancienne résidence de feu le président Laurent-Désiré Kabila, avait également été démolie. Motif avancé, selon une correspondance adressée au ministre de l’Urbanisme et Habitat à l’époque des faits : ces avenues «ont été barricadées sans rime ni raison à hauteur respectivement des avenues Ouganda et Adama, ainsi que l’avenue Nguma». Au cours d’un briefing de presse, le même jour, Patrick Muyaya, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, justifiait sommairement les démolitions chahutées des clôtures en face de la résidence de Joseph Kabila. «Si aujourd’hui n’importe quel citoyen congolais peut passer, à pied ou en véhicule, devant le Palais de la Nation où se trouve le bureau du président de la République en fonction, pourquoi il serait interdit de passer devant la résidence d’un ancien président de la République, encore que seuls les services de l’Habitat sont compétents pour dire s’il s’agit effectivement de sa propriété». La pilule demeure dure à avaler, manifestement.
Après les incidents devant la résidence de Joseph Kabila, la police a lancé, cette nuit, un assaut contre le QG du mouvement force du progrès à Gramalic, dans la commune de Ngaliema, à Kinshasa. L’opération a été enclenchée tôt ce matin. La police a arrêté le chef de bande (alias Anti balle), 92 personnes dependant de sa milice dont 15 femmes, 7 bébés présentement protégés et 5 détenus. Une centaine d’armes blanches et un drone ont été saisis.
J.N. AVEC LE MAXIMUM