Elles sont allées très vite, les procédures judiciaires enclenchées à l’encontre de Corneille Nangaa, l’ancien président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), et ses comparses de l’Alliance Fleuve Congo (AFC), une nouvelle rébellion qui s’est associée aux terroristes du M23 à l’Est de la RDC. Annoncé lundi 22 juillet 2024 par le ministre d’Etat en charge de la Justice et Garde des Sceaux, Constant Mutamba, le procès public qui «s’inscrit dans le cadre des activités terroristes, de crime de guerre et de haute perpétré dans la partie Est de la RDC», selon le communiqué publié à cet effet, a démarré mercredi 24 juillet à Kinshasa.
Une démarche logique et fondée en droit, selon Constant Mutamba. Au cours d’un briefing de presse, mardi 23 juillet à Kinshasa, le ministre d’Etat à la Justice s’est appesanti sur le sujet. « Je voudrais rappeler que dans l’affaire qui va opposer l’auditeur supérieur au groupe de Corneille Nangaa, il s’agit d’une procédure par défaut pour certains accusés, et contradictoire pour d’autres. Il ne faudrait pas que l’on confonde. Notre Code de procédure pénale en son article 80 prévoit bel et bien cette procédure. C’est donc un peu l’équivalent du procès par contumace en droit comparé», a-t-il expliqué.
Constant Mutamba a également donné des assurances relatives à l’indépendance des juges. «Il ne revient donc pas au ministre de la justice de pouvoir s’immiscer dans les actions judiciaires. Tout ce que nous pouvons faire au regard de la loi, j’ai le pouvoir d’injonction sur le parquet, sur les auditeurs et, à ce propos évidemment, nous avons travaillé pour que l’instruction préjuridictionnelle s’accélère», a-t-il encore fait savoir.
C’est la cour militaire de Kinshasa/Gombe, qui s’est déclarée compétente pour juger les terroristes qui endeuillent le Nord-Kivu, qui est chargée de l’instruction des dossiers. Les audiences ouvertes dans le cadre de ce procès contre 25 accusés (dont 5 sont aux arrêts) se tiennent à la prison militaire de Ndolo à Kinshasa. Outre Corneille Nangaa, sont poursuivis : Colonel Nziramakenga Ruzandisa Emmanuel alias Sultani ; Colonel Byamungu Bernard ; Major Ngoma Willy ; Safari Bishori Luc ; Samafu Makinou Nicaise ; Nangaa Baseane Putters ; Nkuba Shabandu Eric alias Malembe ; Nkangya Nyamacho alias Microbe ; Monkango Nganga Brenda ; Ilunga Kabongo André ; Tshibimba Kalonji Ange ; Maggie Walifetu Henri ; Biyoyo Yahunze Josué ; Chalwe Munkutu Adam ; Alumba Lukamba Omokoko J.P. ; Tshisola Yannick ; Bisimwa Bertrand ; Lubanda Nazinda Yvette ; Kai Kayembe Fanny ; Mamba Kabamba Jean-Jacquqes ; Lubala Ntwali Fabrice ; Lawrence Kanyuka ; Délion Kimbulungu ; Paluku Kavunga Magloire.
Crimes de guerre et crimes contre l’humanité
A l’audience d’ouverture, à laquelle assistait le ministre d’Etat à la justice, mercredi 24 juillet 2024, le ministère public a accusé l’ancien président de la CENI et ses complices de crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis sur les populations civiles dans les territoires de Rutshuru et Masisi dans la province du Nord-Kivu dans l’Est de la RDC, depuis février 2024 à ce jour. Corneille Nangaa et ses alliés du M23 soutenus par le Rwanda et les mercenaires de diverses nationalités sont également accusés de n’avoir pas pris de mesures nécessaires pour empêcher les homicides intentionnels de 6 hommes en représailles aux hostilités entre les forces armées de la RDC et le M23. Il leur est également reproché d’avoir laissé se commettre viols et meurtres par balles de plusieurs personnes dans les territoires sous son contrôle.
Dans le détail, l’acte d’accusation reproche aux accusés d’avoir largué 5 bombes à Goma, précisément au site des déplacés internes de Lushagala, le 6 mai 2024. En plus des crimes de guerre commis individuellement ou conjointement, par homicide intentionnelle, torture ou traitement inhumain par le fait d’attaquer des habitants qui ne sont pas des objectifs militaires. Il relève aussi que plusieurs bébés ont été tués dans les territoires de Rutshuru et de Masisi par les terroristes du M23 soutenus par le Rwanda et plusieurs mercenaires étrangers sous le contrôle de Corneille Nangaa.
Mercredi 24 juillet à la prison militaire de Ndolo, les avocats de la défense ont sollicité et obtenu un délai de 24 heures pour consulter les dossiers et préparer leurs répliques.
Condamnations et mandats d’arrêts internationaux
Interrogé par la presse au sujet de ce projet inédit en RDC, le président de la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH), Paul Nsapu, a salué l’ouverture de ce procès.
Même si 20 des 25 accusés du procès ouvert à Kinshasa seront jugés et condamnés par contumace, des observateurs notent que le jugement condamnant tout individu poursuivi pour des actes criminels se trouvant hors du territoire contrôlé par les autorités légitimes du pays peut renforcer la force juridique d’un mandat d’arrêt international. Ce dernier permet l’activation de la coopération judiciaire bilatérale et multilatérale ou l’émission d’une notice rouge par Interpol à la demande du gouvernement. L’individu visé sera impacté par la réduction de son périmètre de mouvement. Et si par malheur il lui arrive de se déplacer dans un pays coopérant avec la RDC, son extradition sera obtenue.
C’est, manifestement, l’objectif des procédures judiciaires mises en œuvre sous l’égide du ministre congolais de la justice.
J.N. AVEC LE MAXIMUM