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La Rwandaise Mushikiwabo, secrétaire générale de la Francophonie ou propagandiste de Kigali ?
Les divergences entre la RDC et le Rwanda ont été aggravées ce week-end. Alors que Kinshasa accuse depuis plusieurs mois Kigali de soutenir les terroristes du M23 qui sèment la mort et la désolation à l’Est du pays, la sortie médiatique de Mme Louise Mushikiwabo, patronne de l’Organisation internationale de la Francophonie a rallumé la tension entre les deux Etats. L’adage selon lequel «lorsque l’on a un problème avec le cochon, on ne prend pas le sanglier pour témoin» se confirme.
En effet, s’exprimant au cours du 18ème sommet de l’OIF en Tunisie, Louise Mushikiwabo a affirmé que des éléments en RDC juste à la frontière du Rwanda sont une menace pour la sécurité du Rwanda. Une prise de position surprenante, quand on connaît la stricte neutralité qui s’impose aux animateurs des organisations internationales dont la Francophonie en cas de conflit entre Etats.
Les propos de Mme Mushikiwabo présentent le Rwanda comme une victime innoncente alors que sur terrain, la réalité est toute autre, car les attaques terroristes ont bien lieu au Congo. Pas un centimètre du sol rwandais n’a été ciblé ces dernières années. Cette prise de position du n° 1 de l’OIF en faveur de son pays rencontre celle du pouvoir de Kigali pour justifier ses incursions maccabres en RDC et démontre à suffisance que Louise Mushikiwabo n’est pas «fit for the job» comme diraient les aglophones.
La RDC représentée par son premier ministre Jean-Michel Sama Lukonde lors de ce 18e Sommet de la Francophonie a réagi à cette prise de position partisane de la secrétaire générale de l’OIF. Il a, au cours d’une interview à TV5 Monde, fustigé cette attitude totalement inacceptable, tout en affirmant que la RDC se serait abstenue de voter pour la reconduction de Mushikiwabo, s’il y avait eu vote.
«La RDC était à la table-ronde. Moi, personnellement, je n’y étais pas. Si jamais nous avions été sur une question de vote, nous aurions eu une position effectivement d’abstention par rapport à la position de la Secrétaire générale qui doit rester neutre dans la question de la RDC », a déclaré le chef du gouvernement.
Au sein de l’opinion publique congolaise, l’opposant Martin Fayulu est revenu sur cette prise de position de la secrétaire générale de la Francophonie justifiant l’agression du Rwanda contre la RDC. Il a appelé l’OIF à tirer les conséquences après ces propos «inacceptables» de sa secrétaire générale. «Dans ses propos avant le sommet de Djerba, Madame Louise Mushikiwabo a violé intentionnellement l’article Ier de la Charte de la Francophonie. Cette organisation se doit d’en tirer les conséquences qui s’imposent», a-t-il affirmé.
Tirer les conséquences pour les Congolais c’est se retirer de cette francophonie qui n’est plus qu’un instrument de la diplomatie française et même abandonner la langue française pour celle anglaise d’ailleurs prédominante dans le monde. Il est bon que les uns et les autres y pensent sérieusement dorénavant.
Kangudia Jacques
Analyste politique
La CPI doit poursuivre le M23 pour destruction du Parc national des Virunga
Je partage l’inquiétude d’Alain Mukiranya, directeur adjoint du programme Gorrila Ambassadors qui déplore, depuis le début des attaques du M23 dans les territoires de Rutshuru et Nyiragongo, la menace d’extinction de plusieurs animaux du parc national des Virunga au Nord-Kivu dont le milieu d’habitation est envahi par les troupes d’occupation rwandaise et leurs supplétifs du M23.
En effet, en plus du pillage systématique des biens et des richesses qui, depuis
la création du parc, constituent une richesse non seulement pour le Congo mais également pour le reste du monde, on assiste à une destruction de l’écosystème dans cette région qui pousse nombre d’espèce se trouvant dans la partie congolaise du parc à trouver refuge soit en Ouganda, soit au Rwanda.
Il est indispensable à mon avis que la Cour pénale internationale (CPI) envisage sérieusement d’ouvrir des poursuites en vue de l’incrimination des auteurs de ces pillages et de cette destructuration intentionnelle de l’écosystème de ce patrimoine de l’humanité, comme elle l’a fait récemment à l’encontre des djihadistes, auteurs des destructions analogues à Tombouctou au Mali.
La déstabilisation du parc national des Virunga, dont les auteurs sont vivants et bien connus de tous, doit être également qualifiée de crime de guerre par la Cour pénale internationale.
50 ans viennent de s’écouler depuis que la conférence générale de l’Unesco du 16 novembre 1972, au cours de laquelle a été édictée la Convention sur la protection du patrimoine mondial de l’Unesco.
Il a été décidé en 1979 que ce patrimoine, où qu’il se trouve, doit être l’objet d’un commun effort de préservation, de protection et de sauvegarde en vue de sa transmission aux générations futures.
Il s’agit d’une valeur universelle exceptionnelle que la communauté des nations s’était officiellement engagée à considérer comme tel car appartenant à l’humanité toute entière et on ne comprend pas le silence aussi bien des Nations Unies que de ses organes spécialisées comme l’Unesco face à la destruction méchante entreprise délibérément par le M23 et ses mentors rwandais sur le parc national des Virunga au Kivu.
En rappelant à la suite d’Alain Mukiranya que la situation de désastre patrimonial dont la destruction du parc national des Virunga est l’objet aujourd’hui, constitue une atteinte directe à un site du patrimoine mondial de l’UNESCO, j’invite cette dernière organisation à prendre les choses en main auprès de la Cour pénale internationale pour que ce crime prévu aux critères 7.8 et 10 de la déclaration de 1979 ne reste pas impuni.
De telles atteintes au patrimoine mondial sont aujourd’hui considérées comme une menace pour la paix et la sécurité internationale. Et les dispositions de l’arsenal des instruments de prévention et de lutte contre cette forme de criminalité se sont considérablement renforcées ces dernières années.
On ne doit plus se focaliser exclusivement sur les actes de trafic illicite. Il faut également prendre en compte toute destruction de ce patrimoine imatériel de l’humanité.
Il est de notoriété publique que de nombreux biens en provenance de zones en situation d’instabilité comme l’Est de la RDC alimentent un trafic assez substantiel dans le marché international.
Ce trafic criminel doit être traité avec la même sévérité qui fut observée à l’encontre de certains dignitaires de l’Allemagne nazies auteurs des pillages des biens culturels des juifs victimes de l’holocauste après la 2ème guerre mondiale.
Magloire Tsongo