Quelle que soit l’issue des procès Bemba par rapport à l’affaire principale (expédition armée en Centrafrique) et à l’affaire secondaire (subornation des témoins), il restera dans la mémoire de l’intéressé, comme dans celle des observateurs avertis, cette évidence implacable : Bangui aura été l’aventure de trop.
Oui, de trop en ce que le 26 octobre 2002, lorsque les troupes de la branche armée du Mlc débarquaient dans la capitale Centrafricaine, la branche politique venait de réaliser cinq mois plus tôt l’exploit de placer Chairman au poste de Premier ministre, dans le cadre de l’Accord de Sun City conclu le 19 avril 2002.
Hélas ! En raison, d’une part, de la contestation de cet accord par le Rcd et l’Udps et, de l’autre, des prestations belliqueuses que Bemba développait avant son investiture lors son itinérance dans son fief de l’Equateur, la branche politique du parti se résignera à participer aux négociations qui ont abouti à l’Accord de Pretoria du 17 décembre 2002. D’où le schéma «1+4» entériné le 4 avril 2003 à Sun City II avec la signature de l’Acte de clôture du Dialogue intercongolais.
Ainsi, du poste de Premier ministre, Jean-Pierre Bemba sera propulsé à celui de Vice-Président de la République, en charge de la Commission économique et financière. En d’autres termes, s’étant engagé dans le processus de normalisation de la situation générale dans son pays, enclenché à partir du 15 octobre 2001 avec le premier round du Dialogue intercongolais à Addis-Abeba, le Chairman savait qu’il avait plus à gagner de la solution politique escomptée pour son pays que d’une aventure armée quelconque, et qui pis est, en dehors de la RDC. Qu’est-ce qu’il a donc été chercher de l’autre côté de la rivière Ubangui qu’il ne pouvait obtenir de Kinshasa, déjà à sa portée ?
Ce qu’il y a de plus à déplorer, c’est la politisation à outrance d’une question pourtant hautement, en dépit des aspects «politiques» inhérents à la personnalité politique de Jean-Pierre Bemba (président de parti et sénateur) et aux enjeux.
S’ils peuvent être excusés par les « contraintes » leur imposées par le devoir de solidarité à l’égard du Président-PDG, les dirigeants influents du Mlc ont eu le tort de n’avoir pas préparé la «base» à envisager la possibilité d’une condamnation, pourtant imaginable, à l’analyse froide des éléments en présence.
Cette dérive – car c’en est une – est d’une gravité extrême dans la mesure où l’aventure banguisoise paraît de trop par les conséquences fâcheuses qu’elle génère et dont la première, on s’en doute, est la mort politique de Jean-Pierre Bemba, et donc du Mlc, quoi que l’on prétende. Un chroniqueur politique – Kimpozo Mayala pour ne pas le citer – l’a relevé dans sa livraison du 22 mars 2016 dans le journal «Le Phare» lorsqu’il écrit que , «Bemba : c’est fini» : «Avec un casier judiciaire désormais lourdement chargé, Jean-Pierre Bemba devrait disparaître à jamais des écrans des candidats aux mandats électifs en République Démocratique du Congo. Politiquement fini, il ne pourrait plus, logiquement, postuler ni pour la présidence de la République, ni pour la députation nationale, ni pour les élections sénatoriales, provinciales ou locales. Son passé de bagnard de la CPI risque de lui coller à la peau jusqu’à sa mort, car manifestement inéligible à vie».
Personne de raisonnable ne voit effectivement le Chairman, devenu animateur de l’une ou l’autre des Institutions politiques de la République (Président de la République, Président de l’Assemblée nationale, Président du Sénat ou Premier ministre), reçu dignement à New York (symbole des organisations communautaires internationales) ou à Washington (symbole de la capitale d’un pays), après confirmation des crimes contre l’humanité dont il est reconnu coupable, même s’il venait à être libéré. Personne ne voit non plus les princes couronnés du monde en visite en RDC s’afficher avec lui.
Oui, l’aventure de Bangui est celle qu’elle était et qu’elle est : celle de trop.
LE MAXIMUM AVEC OMER NSONGO DL