Entre la RDC et le Kenya, l’adage selon lequel seuls priment les intérêts dans les relations entre les Etats semble se vérifier. L’arrivée au pouvoir à Nairobi de William Ruto, vainqueur de la dernière présidentielle kényane solennellement investi mardi 13 septembre 2022, ne devrait pas changer grand’chose dans les relations entre les deux pays. A en juger par les images de la cérémonie d’investiture à laquelle prenaient part de nombreux chefs d’Etat de la région, dont le Congolais Félix Tshisekedi, retransmises à partir du Stade Kasarani de Nairobi, et les échos en provenance de la capitale kényane. Ils se révèlent rassurant, contrairement aux appréhensions de certains observateurs tablant sur la proximité réputée entre le vainqueur de Raila Odinga et l’Ougandais Yoweri Museveni et l’incident né d’un discours de campagne du nouveau président du Kenya, jugé trop sévère à l’égard des Congolais. Les signaux émis par William Ruto sont sans équivoque : Nairobi tient à l’excellence des relations entre Nairobi et Kinshasa et ne dérogera pas aux engagements souscrits dans le cadre de l’EAC pour mettre un terme à l’insécurité qui compromet les échanges commerciaux au sein de l’organisation sous-régionale.
Propos rassurants
Arrivé lundi 12 septembre à Nairobi pour assister à la cérémonie d’investiture du nouveau chef d’Etat, le Congolais Félix Tshisekedi a eu le privilège d’être reçu par William Ruto le même soir pour un entretien en tête-à-tête qualifiés par les observateurs d’amical et très détendu. «Dans les prochains jours, j’enverrai une équipe pour rencontrer vos collaborateurs et les briefer sur les grands dossiers autour desquels portera notre collaboration et qui seront au menu de nos prochaines discussions ici à Nairobi et à Kinshasa», a annoncé Félix Tshisekedi à son nouvel homologue, ont rapporté des médias. Au cours du discours prononcé à l’occasion de son investiture, un jour plus tard, William Ruto a tenu à rassurer son hôte congolais en déclarant attendre «avec impatience l’approfondissement de l’intégration de l’EAC» et en rappelant que «le Kenya s’est pleinement engagé dans la mise en œuvre des protocoles» de l’organisation régionale, et même plus. Le successeur d’Uhuru Kenyatta a annoncé la nomination de son prédécesseur en qualité de chargé de la paix pour la région des Grands Lacs et de la Corne de l’Afrique. Une nomination qui a la particularité d’assurer la continuité dans la gestion du dossier de l’intégration de la RDC au sein de l’EAC et surtout, du déploiement attendu de la force militaire régionale charger de neutraliser les groupes armés étrangers et nationaux qui écument l’est du territoire congolais. «Je me suis engagé à ce que le gouvernement du Kenya soutienne ces initiatives qui seront présidées par le président Kenyatta et je tiens à vous remercier, Excellence, d’avoir gracieusement accepté de nous soutenir et de m’aider dans ces interventions», a déclaré William Ruto à ce sujet.
Equation sécuritaire
Entre Nairobi et Kinshasa, tout semble donc rencontrer les desseins d’un Félix Tshisekedi soucieux de régler définitivement l’équation sécuritaire de l’Est du territoire national en recourant à la fois aux mécanismes de dissuasion et à la force militaire. Lundi 12 septembre 2022, Serge Tshibangu, un des experts de la présidence chargé des négociations avec les groupes armés a annoncé la préparation de Nairobi III, un nouvel accord qui met un accent particulier sur les mécanismes de réinsertion des combattants dans le cadre du PDDRCS après la cessation des hostilités.
Sur le plan militaire, les délégués et experts des pays membres de l’EAC réunis du 7 au 9 septembre à Kinshasa dans le cadre de la Commission économique de l’organisation sous-régionale avaient signé, en présence du président Tshisekedi, l’accord portant statut de la force militaire régionale. Le chef de l’Etat congolais approuvant à cette occasion le déploiement de cette force militaire qui sera dirigée par le général FARDC Emma Kaputa et commandée par le général kenyan Jeff Nyagah.
Accord de déploiement
Certaines hypothèques, et non des moindres, qui retardaient la mise en œuvre de la force militaire de l’EAC semblent avoir été levées. Notamment en ce qui concerne le financement, préalablement dévolu aux pays fournisseurs de troupes. La dernière réunion des chefs d’Etat de l’EAC à Arusha en Tanzanie a décidé la création d’un fonds spécial destiné aux interventions armées en RDC et des contributions de certains Etats annoncées et mêmes versées. «Le Sénégal avait annoncé 1.000.000 d’Euros. L’Angola aussi. Je crois que ces 2 millions sont déjà effectivement versés», a annoncé, lundi 12 septembre, Christophe Lutundula. Le vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères de la RDC a également fait état la possibilité pour l’EAC de dégager un montant à consacrer aux mêmes opérations. De même qu’un certain nombre de mécanismes de financement prévus par l’UA, notamment, le recours à la facilité pour la paix, l’appel aux contributions des partenaires de l’Afrique désireux de soutenir ce déploiement militaire en RDC.
L’accord signé à Kinshasa définit également la mission de la force militaire régionale et détermine les régimes des facilités fiscales et administratives lui reconnues. De même qu’il détermine le régime des immunités des participants, les règles d’éthiques à observer et le code de bonne conduite. Auxquels il faut ajouter le mode de règlement des différends et de réparations des dégâts et dommages collatéraux inhérents à une force d’imposition de la paix.
Ainsi que l’annonçait Le Maximum dans ces mêmes colonnes (Force militaire de l’EAC : retard à l’allumage), les zones de déploiement des armées des pays membres de l’EAC ont été définies par l’accord de Kinshasa. Le Burundi se déploiera à sa frontière avec la RDC dans le territoire d’Uvira ; le Kenya au Nord-Kivu, du côté de Rutshuru ; l’Ouganda demeura dans la partie du pays où se déroulent les opérations conjointes avec les FARDC, en Ituri ; et le Soudan du Sud au Nord de l’ex-province Orientale. Quant au Rwanda, il déploiera ses troupes à l’intérieur de son territoire, le long de sa frontière avec la RDC pour la protéger, a expliqué Christophe Lutundula aux médias.
LE MAXIMUM