Jeudi 14 juillet 2022, la directrice de la division ‘Crise et conflits’ de l’Ong internationale Human Rights Watch (HRW), Ida Sawyer, a été invitée par la division Droits de l’homme du Congrès américain à éclairer la lanterne des législateurs de Washington sur le travail des enfants et les violations des droits humains dans l’industrie minière de la République démocratique du Congo. L’ancienne chercheuse senior en charge de la RDC qui, en dépit de ses nouvelles charges au sein de HRW maîtrise parfaitement l’évolution de la situation au pays de Lumumba, a indiqué d’emblée que le respect des droits des enfants, et de maints autres droits humains, étaient tributaire de la sécurité qui est gravement perturbée dans une grande partie de ce pays qui est livré aux exactions de plus de 120 groupes armés irréguliers, pour la plupart soutenus par le Rwanda et l’Ouganda. «Il est important d’aborder le contexte plus large des droits humains dans le pays aujourd’hui en prenant en compte l’importance de soutenir l’Etat de droit, l’établissement des responsabilités pour les crimes passés et récents et la gouvernance démocratique afin de créer les conditions nécessaires pour s’attaquer efficacement aux phénomènes comme le travail des enfants et autres violations», a-t-elle expliqué en liminaire.
Pour Mme Sawyer, le changement intervenu au sommet de l’Etat en RDC n’a pas encore produit les résultats escomptés en matière des droits de l’homme. Trois ans et demi après, «on n’a toujours pas vu de progrès significatifs en matière des droits humains ou de réformes systémiques nécessaires pour, enfin, briser les cycles de violence, d’abus, de corruption et d’impunité qui accablent la RD Congo depuis des décennies».
Les ADF dirigés à partir de l’Ouganda
Mais c’est de l’insécurité entretenue en permanence par les pays voisins, l’Ouganda et le Rwanda particulièrement, qu’il a été essentiellement question dans le témoignage de l’experte américaine de HRW. «Les Forces démocratiques alliées (ADF), un groupe islamiste salafiste armé et dirigé à partir de l’Ouganda et lié à l’Etat islamique (EI), sont responsables de la plupart des attaques les plus meurtrières perpétrées contre des civils ces dernières années», affirme-t-elle, établissant ainsi pour la première fois la responsabilité directe de Kampala et ces rebelles ougandais qui ne s’attaquent quasiment plus à leur pays d’origine depuis plusieurs décennies. «Nombre de ces groupes (armés, ndlr), ainsi que leurs soutiens au sein de l’élite politique et militaire congolaise, contrôlent des ressources minérales lucratives, les terres et les rackets fiscaux», ajoute Ida Sawyer.
S’agissant du Rwanda, la directrice de HRW relève que la résurgence du mouvement terroriste M23 a aggravé une situation sécuritaire déjà difficile en RDC et rappelle l’historique de cette rébellion « soutenue à l’origine par le Rwanda et l’Ouganda» et (qui) s’était rendue «responsable de crimes de guerre à grande échelle commis il y a dix ans. Ses combattants ont recours aux mêmes tactiques brutales et il y a de plus en plus d’indications que le Rwanda les soutient. Human Rights Watch a pu ainsi établir que le M23 a délibérément tué au moins 30 civils dans les zones placées sous son contrôle entre la mi-juin et le début de juillet. Lors de l’un de ces incidents, survenus dans le village de Ruvumu le 21 juin, ses éléments ont abattu quelques 20 civils, dont deux adolescents, accusés d’avoir informé l’armée congolaise de leurs positions et de leurs cachettes. Certains ont été tués alors qu’ils tentaient de fuir, d’autres exécutés à bout portant », a-t-elle révélé.
Obus tirés du territoire rwandais
Dans la même foulée, la directrice de Human Rights Watch rapporte que « des civils ont également été blessés par des attaques manifestement indiscriminées des forces du M23. Deux garçons âgés de 6 et 7 ans, ont été tués par un obus du M23 qui a ciblé une aire de jeux à Biruma, une femme et un enfant ont péri suite à des tirs de mortier du M23 à Kisiza et Katwa ».
L’implication rwandaise dans la résurgence du M23 coule de source sur base de ce rapport de HRW, même si Ida Sawyer a préféré laisser son auditoire en tirer eux-mêmes des conclusions quant à la responsabilité du pays de Paul Kagame. «Un obus qui aurait été tiré depuis le côté rwandais de la frontière a détruit une école primaire à Katale», après que des obus aient atterri en territoire rwandais, blessant grièvement une femme et son bébé de dix mois, a-t-elle pourtant reconnu.
La directrice de HRW estime que c’est parce que les commandants du M23 n’ont jamais été traduits en justice pour les crimes de guerre passés qu’ils se sont permis de reprendre de la sorte les armes contre la République Démocratique du Congo. « Après avoir été défaits en 2013, les dirigeants de ce mouvement rebelle sont restés en liberté, protégés de la justice par les gouvernements rwandais et ougandais, bien que nombre d’entre eux figurent sur les listes de sanctions des Etats-Unis et de l’ONU et soient visés par des mandats d’arrêt congolais pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité », a dénoncé Ida Sawyer avant de formuler quelques autres recommandations.
O.H. AVEC LE MAXIMUM