Le candidat malheureux à l’élection présidentielle de décembre 2018, Martin Fayulu Madidi, a poursuivi sa tournée provinciale à Kisangani le 9 juillet 2022. Dans la province de la Tshopo où il compte un certain nombre de partisans, un accueil diversement commenté lui a été réservé, suivi d’un meeting populaire Place de la Poste et d’un congrès ordinaire, le deuxième de son parti l’Ecidé après celui organisé à Kinshasa en 2017.
Ce congrès ordinaire qui a rassemblé quelques 300 délégués venus de différentes provinces de la RDC s’est ouvert lundi 11 juillet dans les installations de l’Alliance française de Kisangani sous le thème «Congo ekolo moko» (Congo pays uni). Martin Fayulu y a réarmé ses troupes en vue des prochaines échéances électorales prévues en 2023. Et embrayé sur le credo de sa victoire à la présidentielle de 2018 qui aurait été ‘‘volée’’. «Le travail que nous avons abattu ces dernières années, au prix de sacrifices énormes, a abouti en 2018 lorsque le peuple congolais dans sa grande majorité, m’a élu président de la République lors du scrutin présidentiel du 30 décembre 2018», a déclaré le président de l’Ecidé face aux congressistes de Kisangani. «Contrairement à la volonté de notre peuple, les ennemis de la démocratie et de l’Etat de droit ont confisqué notre victoire au profit des imposteurs et autres receleurs», a-t-il enchaîné. Une dénonciation répétée devant le public venu assister à son meeting populaire et dont une partie a vertement remis en cause sa revendication de la victoire en 2018 en criant «Nani a votaki yo ? biso to ponaki Tshisekedi!» (Qui t’a voté ? Nous avons choisi Tshisekedi).
Contestation anticipée
Le patron de l’Ecidé a néanmoins continué à marteler son mot d’ordre aux sympathisants de son parti politique: «Si, d’aventure, quelqu’un ose encore voler ta victoire en 2023, tu n’auras pas d’autre choix que de descendre dans la rue pour la réclamer et la récupérer comme d’autres peuples souverains l’ont fait !». Au lendemain des événements du Sri Lanka, où la population a envahi le palais présidentiel et fait fuir un chef d’Etat, les propos du candidat malheureux à la présidentielle remportée par Félix Tshisekedi ne laissent planer aucun doute. Il prépare sa base électorale à la révolte populaire, quelle que soit l’issue des prochaines joutes électorales. Le «candidat de Genève», qui bénéficia du soutien d’acteurs politiques de l’alors opposition à Joseph Kabila, ne tient manifestement pas compte du fait qu’il a perdu la confiance de ses anciens collègues de la coalition Lamuka qui ont tous rallié le camp du président Tshisekedi. «Nous leur disons ici et maintenant que 2023 arrive. Le peuple congolais qui a déjà tout compris, ne se laissera plus faire une deuxième fois (…) Cette fois-ci, quoi qu’il advienne, nous allons récupérer notre victoire», assure-t-il, sans convaincre.
Un air de déjà entendu
A Kisangani, Martin Fayulu n’a pas raté l’occasion de pourfendre son adversaire au pouvoir en dénonçant, quasiment dans les mêmes termes que ceux qu’ils utilisaient contre Joseph Kabila, «une insécurité généralisée dans le pays, une misère profonde de notre peuple et une instabilité criante des institutions, face auxquelles les gouvernants de fait ne proposent que la mégestion, les détournements des fonds publics, la corruption, l’achat des consciences, l’impunité, la jouissance et l’irresponsabilité, voire la compromission», alors que de graves menaces pèsent sur l’intégrité du territoire et que plane l’inquiétude sur la gestion du processus électoral, selon lui.
Les couleurs de la défaite
Le candidat malheureux de 2018 semble ainsi anticiper sa déconvenue au prochain scrutin en dénonçant un processus électoral «qui souffre du manque d’indépendance, de neutralité et d’impartialité au niveau des organes chargés de le conduire, notamment la cour constitutionnelle, le conseil d’Etat et la CENI» dont les animateurs auraient été selon lui mis en place en violation de la constitution et du consensus entre les parties prenantes.
«Congo eloko moko», le thème du congrès ordinaire de l’Ecidé, a été organisé pour préparer la base fayuliste à la contestation des élections de 2023 et exiger de nouvelles élections. «C’est la condition sine qua non pour doter notre pays d’un leadership responsable et redevable à notre peuple et à même de défendre l’unité et l’intégrité de notre territoire ainsi que la cohésion nationale. Seul un tel leadership peut efficacement mobiliser notre peuple face aux agresseurs et répondre à ses aspirations profondes de sécurité, de paix, de justice et de bien-être», a soutenu Fayulu. Même si pour ce politologue de l’Université de Kisangani qui s’est confié au Maximum, «on ne voit pas très bien par quel miracle Fayulu et son parti réussiront le pari de l’unité nationale en dénonçant comme il le fait l’apparente cohésion qui se dessine entre les tenants du pouvoir».
J.N.