Il n’est pas le porte-parole du parti de Moïse Katumbi, Ensemble pour la République. En tout cas pas après les dernières restructurations opérées par l’ancien gouverneur du Katanga, qui remontent à début mars 2022, et font de l’avocat Laurent Onyemba, le chargé de la communication et médias, et donc son porte-parole.
Pourtant, c’est en cette qualité que Olivier Kamitatu Etsu, directeur de cabinet de Moïse Katumbi Chapwe, s’est présenté devant les téléspectateurs de TV5 il y a quelques jours. Comme s’il fallait parer au plus pressé. Le plus pressé, c’est la situation sécuritaire au Nord-Kivu, marquée par les affrontements entre les rebelles du M23 et l’armée de la RDC. Ils font rage depuis notamment que Félix Tshisekedi a décrété l’état de siège dans les provinces du Nord Kivu et de l’Ituri, un coup de pied dans une fourmilière qui a révélé que dans la région, il ne pouvait rien décider sans les voisins Rwandais et Ougandais. Au moins deux sommets de l’organisation des Etats de l’Afrique de l’Est (EAC) à laquelle la RDC a récemment adhéré, consacrés à la situation sécuritaire dans les territoires de l’Est du pays de Lumumba, ont décidé l’envoi d’une force régionale de plus pour éradiquer les forces négatives qui écument la région.
Contre le gouvernement
Le président de la République et son gouvernement accusent nommément le Rwanda de soutenir les rebelles et d’attaquer le pays. Vendredi 24 juin au cours de la réunion du Conseil des ministres, Félix Tshisekedi l’a réaffirmé sans mettre de gants. «Notre pays fait face à une agression perpétrée par un groupe terroriste d’inspiration étrangère avec l’appui irréfutable du Rwanda», a-t-il martelé. Après que le vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères, Christophe Lutundula, ainsi que le ministre de la Communication porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, l’eurent ressassé sur tous les tons et sur tous les toits la semaine d’avant. Y compris sur TV5.
Sur la même chaîne de télévision, le 26 juin 2022, Olivier Kamitatu s’est posé en contradicteur du gouvernement Tshisekedi, prenant à contre-pied l’élan patriotique qui anime depuis quelques semaines des Congolais lassés par les agressions à répétition du territoire national par les phalanges armées rwandaises. Une sortie médiatique traîtresse et révélatrice, selon nombre d’observateurs en RDC, manifestement destinée à contrer la campagne médiatique gouvernementale contre le pouvoir de Kagame.
Pour Kigali
Interrogé au sujet du soutien du Rwanda aux rebelles du M23, Olivier Kamitatu parlant au nom de Moïse Katumbi s’est littéralement jeté dans l’eau en récitant l’argumentaire rwandais sur la question. «Nous avons vu récemment à Nairobi le président Tshisekedi à côté du président Kagame et ensemble ils ont signé un communiqué. Je n’ai entendu nulle part le qualificatif de pays agresseur et je n’ai pas entendu, non plus, le M23 (désigné, ndrl) comme un groupe terroriste», a soutenu le dircab de Katumbi, sur la défensive. En RDC, la posture est apparue carrément anti-patriotique, tant il existe des preuves de l’implication rwandaise dans la résurgence des affrontements du Nord-Kivu en raison d’intérêts économiques et de prédation qui n’échappent plus à personne. A l’exception notable d’une frange d’une bien-pensante «communauté internationale» à la traîne de multinationales pilleuses des ressources naturelles du pays de Patrice Lumumba. Même le dernier rapport du Groupe d’experts des Nations-Unies sur la RDC adressé au Conseil de sécurité début mai 2022, le reconnaît entre les lignes lorsqu’il fait état d’images de drones attestant de la présence d’individus vêtus de tenues de l’armée rwandaise sur les collines occupées par le M23.
Cerise sur le gâteau, Olivier Kamitatu s’est extasié dimanche dernier en critiquant de front la diplomatie du gouvernement dont, en principe, Moïse Katumbi et sa constellation de partis et regroupements politiques font partie. «J’ai vu qu’il y avait manifestement comme un symptôme de paranoïa dans notre diplomatie congolaise. D’un côté, on crie au loup, de l’autre côté, on veut discuter … il faut que la diplomatie engage un vrai dialogue avec tous nos voisins», a-t-il enchaîné.
Négocier avec l’agresseur
Négocier avec l’éternel agresseur ? Sur le sujet, le dircab Katumbi aura raté une occasion de communier avec ses compatriotes dans le chef desquels un regain de patriotisme voit le jour et s’accentue depuis quelques semaines sur fond des évidences qui crèvent les yeux. Y compris ceux de certains Rwandais, à l’instar de l’opposant Faustin Twagiramungu, qui affirme que «le mal du 21ème siècle pour les pays subsahariens, c’est Kagame, ancien Major de l’armée ougandaise, un des planificateurs de la guerre contre le Rwanda, assassin du chef de l’Etat Rwandais et déclencheur du génocide rwandais. Il est président du Rwanda, gardien de la RDC pour l’Occident».
Dialoguer avec l’agresseur rwandais, c’est dialoguer avec «le gardien de la RDC pour l’Occident» et ses multinationales.
Sur TV5 dimanche, Olivier Kamitatu et son mentor Katumbi se seront révélés tels qu’en eux-mêmes : «des relais néocolonialistes et des agents des multinationales occidentales qui ont fait main basse sur les ressources naturelles de la RDC», selon le politologue déjà cité, mais aussi une partie de l’opinion nationale offusquée par tant de cynisme. «Depuis le début de cette agression rwandaise, ils (les communicateurs de Katumbi, ndlr) se sont particulièrement montrés mal à l’aise face à la mobilisation des Congolais. Leurs communicateurs ont désespérément essayé de démobiliser et de faire échec à la campagne ‘Rwanda is killing’», notre cet internaute. Mais il n’eut pas que cela.
Rhétorique xénophobe rwandaise
S’agissant de la sécurisation des populations congolaises de l’Est, Kamitatu s’est montré particulièrement amnésique en occultant le tribut payé depuis la première agression du pays en 1966, qui a entraîné la mort de plus de 6 millions de ses compatriotes, selon des chiffres onusiens en dénonçant «des messages de haine». Dans l’opinion en RDC, la stigmatisation des messages de haine est ressentie comme une sorte d’obligation de silence face aux atrocités perpétrées contre des populations civiles congolaises depuis près de 30 ans. Parce qu’il s’agit plutôt «d’un élan de révolte patriotique face à la violence et aux humiliations subies d’un Etat voisin», explique cet activiste des droits humains basé à Goma, qui dénonce une campagne de victimisation des agresseurs rwandais engagés dans un processus de néantisation de la patrie congolaise.
La fin de la RDC en tant que patrie et Nation, c’est manifestement ce que prônent Katumbi et ses comparses. Sur TV5, Olivier Kamitatu a soutenu que le «message de haine a commencé depuis longtemps. C’est une longue glissade à travers d’abord la congolité. Essayer d’exclure une communauté, puis aujourd’hui on sort des machettes à Kinshasa. Il faut à la fois, de manière exemplaire, punir, sévir (contre) ceux qui veulent cette nouvelle épuration».
Le lexique est, carrément rwandais, ou, à tout le moins, étranger à la RDC. Par congolité, le dircab Katumbi fait allusion à une proposition de loi introduite au parlement qui suggère l’exclusion des personnalités à nationalité douteuse ou multiple des fonctions de souveraineté. Comme partout ailleurs à travers le monde. Le mentor de Kamitatu, né de père Juif-Grec et de mère plus ou moins zambienne, ainsi que beaucoup d’autres Congolais se trouvant dans la même situation, ne devraient pas postuler à la fonction présidentielle, dans l’esprit de cette proposition de loi. Ça enrage dans les rangs katumbistes. Au point de prendre fait et cause pour la campagne d’inspiration rwandaise manifeste qui présente la communauté tutsie-banyamulenge comme une victime de la haine des autres tribus congolaises. Seulement, il y en a plus de 400 qui vivent en paix depuis des lustres, l’affaire ne tient donc pas la route. «Vous avez adhéré à la campagne de victimisation dont se servent les pro-Kagame pour accuser les Congolais de xénophobie», affiche cet autre internaute congolais sur son compte Twitter. «Sommes-nous encore ensemble pour la République (allusion à la dénomination du parti de Moïse Katumbi dont fait partie Kamitatu) ?», demande-t-il au porte-parole auto-proclamé de Moïse Katumbi.
Chez les katumbistes, les intérêts proprement congolais ne sont pas visibles sans des loupes. Aucune trace de congolité.
J.N