Vincent Biruta ministre rwandais des Affaires étrangères, et Priti Patel la ministre britannique en charge de l’Immigration ont signé le 14 avril 2022 un accord en vertu duquel le gouvernement britannique va déporter vers Kigali de personnes dont les demandes d’asile ont été rejetées à Londres non moyennant une somme de 120 millions de livres sterling (145 millions d’euros) pour l’installation de ces indésirables au Rwanda. Dès la conclusion de cette entente entre les deux pays, de nombreuses réactions ci-dessous ont fusé de partout.
L’Église anglicane dont la Reine Élisabeth II est le chef a fustigé dimanche 17 avril ce projet d’envoyer des migrants venus du monde entier vers le Rwanda. Dans son message de Pâques, l’Archevêque de Canterburry Justin Welby a estimé qu’envoyer des demandeurs d’asile à l’étranger « pose de graves questions éthiques. Le principe doit résister au jugement de Dieu et il ne le peut pas ». Il s’est inscrit en faux contre cette démarche qui consiste à « sous-traiter nos responsabilités, même à un pays qui cherche à faire le bien comme le Rwanda. C’est contraire à la nature de Dieu qui lui-même a pris la responsabilité de nos échecs ». Stephen Cottrel, archevêque d’York, a jugé tellement déprimant et désolant de voir que les demandeurs d’asile qui fuient la guerre, la famine et l’oppression « ne seront pas traités avec la dignité et la compassion qui sont le droit de chaque être humain. Nous pouvons faire mieux que ça ! ».
Pour sa part, l’opposition britannique estime que la décision du gouvernement du premier ministre Boris Johnson de transférer les réfugiés entrant illégalement au Royaume-Uni et ceux arrivés depuis le 1er janvier 2022 vers Rwanda est une violation des règles internationales. Le Chef du parti travailliste, Sir Keir Starmer, a qualifié le projet d’irréaliste et exorbitant affirmant qu’il s’agissait d’une tentative de détourner l’attention des turpitudes du «partygate» pour lesquelles M. Johnson fait l’objet de poursuites.
Sur ce projet macabre, une étude d’Ipsos Moris indique que 60% de la population du Royaume-Uni ne sont pas d’accord avec la politique migratoire du gouvernement de Boris Johnson.
LewisMudge, DirecteurAfrique centrale pour Human Rights Watch (HRW), pointe à ce sujet « l’hypocrisie de la Grande Bretagne. Le Rwanda a des antécédents d’abus des droits humains. C’est aussi un pays dans lequel la liberté d’expression n’est pas respectée. Et cela n’est pas seulement basé sur les conclusions de Human Rights Watch et des autres organisations des droits de l’homme. C’est aussi basé sur les conclusions du gouvernement britannique pas plus tard que l’année dernière. Il s’agit d’une pure hypocrisie de la part de considérer aujourd’hui le Rwanda comme un des pays les plus sûrs du monde »
Pour être plus clair sur la position britannique à l’égard du Rwanda, le 1er ministre anglais n’avait-il pas manifesté ses inquiétudes lorsqu’il faisait part aux Nations Unies, du comportement du président Paul Kagame qui avait, selon ses propres mots, « institué une politique de restriction contenue de droits civils et politiques et de la liberté des médias au Rwanda » ?
De fait, le bilan du gouvernement rwandais et de son président, Paul Kagame, en matière des Droits de l’homme, est un grand fiasco. Pour le Directeur Afrique centrale de HRW, « Le Rwanda est le pays présentant la plus forte densité de la population du continent africain. Il n’y a pas beaucoup de terres libres. Il est difficile de voir comment ce pays peut prendre encore des dizaines et des dizaines de milliers de personnes sur son territoire ».
Un humaniste scandalisé, a déclaré sous le sceau de l’anonymat que « la décision de Boris Johnson, viole plusieurs traités, notamment la Déclaration universelle des droits de l’homme, la Convention de Genève de 1951 dans ses articles 1, 32 et 33 ; le protocole additionnel de 1969, Déclaration de Carthagène. Le transfert de ces réfugiés vers Kigali qui n’a aucune autorité d’appliquer le statut de réfugié, est une façon de déroger à toutes ces règles et de renoncer aux engagements pris par la Grande-Bretagne dans le cadre de ladite Convention de Genève ».
En RDC, le Fonds pour les Femmes Congolaises (FFC), a, dans son communiqué du 20 avril 2022, affirmé que « le Rwanda est non seulement un pays autoritaire qui ne garantit pas nécessairement le respect des droits humains mais aussi et surtout ne possède pas de terres suffisantes pour abriter dans les meilleurs conditions tous ces demandeurs d’asile ou réfugiés devant être transférés sur son sol. On sait que le Rwanda, pays enclavé et n’ayant qu’une superficie de 26.338 kilomètres, le Rwanda est le quatrième plus petit pays d’Afrique. Ce deal va impacter des pays limitrophes. En effet, l’un des risques majeurs de cette situation est que le Rwanda, à son tour, transfère ces personnes vers les pays voisins comme la RDC et les autres États de la région des Grands Lacs. Vu la porosité des frontières congolaises, la fragilité de la situation sécuritaire au niveau de la région, on peut s’attendre à une instabilité et à des actions terroristes à cette fin ».
Quant au Directeur général de Refugee Action, Tim Naor Hilton, il est d’avis « c’est une manière lâche, barbare et inhumaine de traiter les personnes fuyant la persécution et la guerre ».
Qu’en pensent les Rwandais ? Des critiques ont été enregistrées en provenance de Kigali où Frank Habineza, président du Parti démocratique du Rwanda redoute que cette situation entraîne de tensions. « Le Rwanda a déjà une population assez dense, il n’y a pas assez de terre pour tout le monde. On assiste à plusieurs conflits fonciers et pour le contrôle des ressources naturelles… Accueillir des migrants venant de Grande-Bretagne ne fera qu’accentuer ces problèmes posera de nouveaux défis aux quotidiens et des querelles entre Rwandais et migrants. Nous avonsdéjà nos propresproblèmes à résoudre : les jeunes, par exemple, qui essayent de survivre sans travail. Le chômage s’est aggravé avec l’épidémie de Covid 19. Recevoir des migrants va exacerber ces problèmes. Les autorités du Rwanda qui vont recevoir Commonwealth dans quelques mois veulent faire plaisir au Royaume-Uni, mais les Rwandais, eux, n’ont rien à gagner de cet accord», a-t-il déclaré.
Quant à Amnesty international, elle critique « cette idée scandaleuse et mal conçue qui fera souffrir tout en gaspillant d’énormes sommes d’argent public».
Le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) s’oppose au projet britannique car, « les personnes fuyant la guerre, les conflits et les persécutions méritent compassion et empathie. Elles ne devraient pas être échangées comme des marchandises et transférées à l’étranger pour voir leurs dossiers traités ».
Pour Tahn Tarek, un vitrier de 25 ans d’Erbil, (Kurdistan, Irak), qui a économisé pour financer son voyage vers l’Europe, et qui devait être déporté vers Kigali, ce projet britannique fait froid dans le dos. «Vivre ici et supporter les difficultés, c’est mieux que de vivre au Rwanda. Je ne pense pas que quiconque va accepter cette décision et aller là-bas. S’ils donnent le choix aux réfugiés entre se faire expulser vers le Rwanda ou leur pays, ils choisiront leur propre pays », estime-t-il.
Les motivations triviales de Kagamé
Le mépris affiché par le président rwandais Paul Kagamé à l’égard de la RDC et de son peuple, n’est pas le fait du hasard. Il a toujours été au service de ceux, dans les pays occidentaux, profitent sans contrepartie des richesses du continent africain et du Congo et qui lui fournissent de l’aide matérielle, des armes et des financements pour soutenir divers groupes rebelles pour piller les ressources de l’eldorado africain.
Les conservateurs amércains et les institutions financières internationales comme la Banque mondiale, le Fonds monétaire International (F.M.I.) ainsi que certaines multinationales qui écumentquiconvoitentlesminerais (Or, Coltan) du Nord-Kivu et de l’Ituri lui font toujours les yeux doux.
La guerre quasi permanente à l’Est de la RDC depuis 1996, est soutenue par des multinationales comme AMFI, BGC, Banro, Heritage oil, AAC, De Beers, Anglo-Gold Ashanti, Coled International, RRG, SOMIGL, SAKIMA, RMA, Grands Lacs Metal, SOGEM, COGECOM, etc. qui ont joué et continuent un rôle de premier plan dans le pillage de ressources congolaises. Le soutien de la Banque Mondiale et du F.M.I. Créées en 1944 ces deux institutions sont dominées par les États-Unis et leurs alliés qui n’ont que faire agissent des Intérêts Nationaux des peuples africains.
Certes, la politique de prêts de la Banque Mondiale aux pays du Tiers monde est influencée par des considérations politiques et géostratégiques. Ces deux institutions de Breton Woods qui soutiennent des dictateurs n’ont jamais développé un pays en voie de développement.
Elles préfèrent aider les régimes « forts » même au détriment de la démocratie et des droits humanitaires. Eric Toussaint (Banque mondiale : Le coup d’État permanent, 2006, écrit à ce sujet que « la partialité des nstitutions de Breton Woods est démontrée par le soutien financier apporté aux dictatures qui ont sévi au Chili, au Brésil, au Nicaragua, au Zaire (Congo- Kinshasa), en Roumanie et en Afrique du Sud de l’Apartheid ». Le Rwanda est pointé du doigt pour son implication active dans le soutien aux groupes armés de l’Est de la RDC. Les performances attribuées à Paul Kagamé réalisées ne sont qu’une manipulation des puissances occidentales, (USA-UE, Banque Mondiale, FMI et les multinationales), car lui seul ne peut pas envoyer les escadrons de la mort en RDC et y permettre l’interminable guerre hybride des occidentaux.
Une croissance en trompe-l’oeil
Le Rwanda connaît une croissance économique sans précédent depuis le génocide de 1994 et le développement au plan macro-économique grâce à l’appui et l’assistance de la Banque Mondiale et autres bailleurs de fonds. Toute cette amélioration socioéconomique provient du pillage au Congo, de la répression politique, notamment des violences systématiques des droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion. Quant à l’armée rwandaise, elle a toujours commis des exactions en RDC, en violation de l’embargo sur les armes des Nations-Unies. Kigali a bénéficié d’un grand soutien de l’Occident, en dépit des preuves évidentes d’atteintes aux droits humains fondamentaux à l’échelle nationale ainsi qu’en RDC sa voisine. La Banque Mondiale est l’un des bailleurs des fonds les plus importants au Rwanda. Un portefeuille de prêts de près de 300 millions USD est affecté à ces projets actifs depuis mars 2012 dont 100 millions USD accordés au titre de soutien budgétaire général par an. Par ailleurs, la Banque Mondiale a accordé à Kigali 88 millions USD au titre de fonds fiduciaires. De tels apports sont légions en faveur du petit pays des Mille collines.
On peut regretter le fait que la B.M. a toujours fait l’impasse sur les violations massives des droits humains commises par le gouvernement de Paul Kagamé. Cela prouve à suffisance le manque du respect des obligations en matière des droits humains de la part de la Banque mondiale en tant qu’institution spécialisée de Nations Unies et autres.
Une barbarie humainement inacceptable
Le soutien du Rwanda aux groupes armés est confirmé par le rapport d’un Groupe d’expert des Nations-Unies qui a documenté la fourniture d’armes, de munitions, de recrues et d’autres formes de soutien par des responsables militaires rwandais aux groupes armés congolais M23 en violation de l’embargo des Nations-Unies sur les armes à destination des forces irrégulières en RDC.
Les excès de Kigali dans ce comportement barbare avaient poussé plusieurs grands bailleurs de fonds au Rwanda, de cesser leur assistance à ce pays. Il s’agit notamment des États- Unis, des Pays-Bas, de l’Allemagne, de la Suède et même du Royaume Uni qui, dans un passé récent avaient suspendu, ou retardé, une partie de leur aide au Rwanda, isolant ainsi pendant un moment Paul Kagamé et ses sbires.
De tout ce qui précède, le groupe des Professeurs d’universités de Kinshasa ayant constaté la politique hégémonique et néocoloniale du valet des occidentaux Paul Kagamé, a décidé de se mobiliser pour fustiger la mégalomanie de l’autocrate sanguinaire de Kigali, qui, avec ses parrains occidentaux, se comporte en RDC comme en pays conquis, sans institutions ni autorité, se moquant même de la justice internationale, en assassinant, massacrant, tuant, violant les paisibles citoyennes et citoyens, pillant les matières premières stratégiques, occupant les terres non seulement en RDC mais aussi du Congo-Brazzaville.
Pour ce dernier cas, les universitaires kinois signalent que lors de son dernier voyage à Brazzaville, Paul Kagamé et le président Denis Sassou Nguesso avaient signé, le 12 avril 2022, à Oyo (Département de la cuvette au Nord-est du pays), huit accords en vertu desquels Kigali s’est vu attribué 12.000 hectares de terres arables. Question : Comment un pays qui est à quête de terres peut-il se permettre d’accueillir des milliers de réfugiés non africains en provenance de la Grande-Bretagne ?
Il ne faut pas être savant pour comprendre que cette stratégie n’est qu’un leurre qui cache la vraie intention de créer au coeur de l’Afrique centrale, un ‘’empire’’ pour les rêves hégémoniques du « tough guy ». C’est manifestement la raison pour laquelle Kagamé se donne le luxe de signer l’accords « sécuritaire et économique » contre-nature avec Boris Johson, représenté par la ministre Priti Patel, une britannique d’origine indienne dont la famille installée en Ouganda pendant des décennies en fut expulsée par Idi Amin Dada et qui ne rêve que de prendre sa revanche sous le premier prétexte venu.
On rappelle que Paul Kagamé avait récemment proposé sans rire d’offrir au gouvernement congolais un «village modèle» dont le coût est évalué à 30 millions USD, comprenant des logements, des écoles et un hôtel moderne, en échange de sites pour des activités agricoles et pastorales. Sa boulimie a poussé le Conseil supérieur de la Défense de RDC, réuni autour du président Félix Tshisekedi, à suspendre tous les traités conclus avec cette principauté militaire sans foi ni lois, notamment les trois accords commerciaux signés à Goma, le samedi 26/06/2021, portant respectivement sur la promotion et la protection des investissements, la prévention de l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et une exploitation aurifère commune entre les sociétés congolaise Sakima SA et rwandaise Dither Ltd.
Le Groupe des Professeurs d’universités des Kinshasa déclare propose au gouvernement congolais de (i) faire campagne pour la résiliation pure et simple de cet accord macabre signé entre le Rwanda et la Grande-Bretagne relatif à l’envoi de demandeurs d’asile refusés par Londres au pays du belliciste Paul Kagamé qui n’a que la RDC pour seul exutoire pour ces déportés (ii) tenir le gouvernement du premier ministre Boris Johnson pour responsable de cette opération flagrante de traite des êtres humains en ce début du 3ème millénaire ; (iii) promouvoir aux Nations-Unies la condamnation de l’agitation criminelle du gouvernement rwandais dans la région des Grands Lacs ; (iv) résilier (et non simplement suspendre) tous les accords liant la RDC au Rwanda Parlement congolais (v) mobiliser toutes les associations et les Organisations des droits Humais de toutes les 26 provinces congolaises pour dénoncer et faire échec aux projets funestes du président Paul Kagamé ; (vi) saisir, au besoin la Cour Internationale de Justice et la Cour Pénale Internationale pour les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis par les troupes rwandaises en RDC ; (vii) fermer sans délai toutes les frontières entre la RDC ; (viii) instituer un comité de Défense et de salut public qui regrouperait tous les autorités traditionnelles, et toutes les catégories socio-professionnelles (jeunes, femmes etc.) au cas où la Grande-Bretagne et le Rwanda matérialisaient leur accord susmentionné et (ix). envisager sérieusement une conscription nationale (recrutement des jeunes de certaines couches d’âge pour accroître la résilience du pays face à de telles saillies criminelles d’où qu’elles proviennent.
Kinshasa, le 11 Juin 2022.
Dr. Mafelly Mafelly Makambo
Professeur Ordinaire