Le ministre de la communication et médias, porte-parole du Gouvernement, Lambert Mende Omalanga, a animé lundi 29 février 2016, le deuxième point de presse de l’année au studio de la RTNC II à Kinshasa. Parmi les points à l’ordre du jour, le mépris affiché par des organisations internationales comme le Bureau Conjoint des Nations-Unies pour les Droits de l’Homme et les gouvernements américains, français et belge sur les institutions de la RD Congo. A la suite d’un arrêt de justice rendu par le tribunal de grande instance de Goma contre des activistes d’un mouvement anarchiste, Lucha, qui ne reconnaît aucune autorité en place au pays et refuse de s’enregistrer auprès des services qui gèrent les organisations non gouvernementales, la RD Congo a essuyé une avalanche de contestation d’une décision rendue à la suite d’une procédure judiciaire régulière. Lambert Mende a tenu, comme à son habitude, à relever l’infamie qui se cache derrière l’attitude de ces partenaires de son pays : sous d’autres cieux, un arrêt de justice n’appelle aucun commentaire. D’autant plus que l’organisation de la justice dans notre pays prévoit un degré d’appel des décisions judiciaires. Le fait est inadmissible. Autant que le traitement que nos confrères de RFI ont réservé à l’information : les autorités rd congolaises ont attendu plus de 24 heures avant de voir la chaîne publique française faire droit au point de vue officiel sur ce dossier, diffusé à une heure de faible audience, et de mauvaise grâce. Le gouvernement a adressé une lettre de protestation à qui de droit quant à ce, a déclaré Lambert Mende.
Le lecteur lira ci-après le texte intégral de la communication du porte-parole du gouvernement.
POINT DE PRESSE DU MINISTRE DE LA COMMUNICATION ET MÉDIAS DU 29 FÉVRIER 2016
I. LA VISITE EN RDC DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L’ONU
Le dernier séjour à Kinshasa de M. Ban Ki Moon nous a permis de noter que la situation en RDC et dans l’ensemble de la région des Grands Lacs reste au premier rang des priorités des Nations Unies. Il faut cependant rappeler que le principal objectif de cette cinquième visite de M. Ban Ki Moon dans la région était de participer à la conférence sur les investissements du secteur privé dans les pays de la région des Grands Lacs organisée sous les auspices du bureau de son Envoyé spécial M. Saïd Djinit et de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs.
M. Ban Ki Moon s’est longuement étendu à ce sujet sur le grand potentiel que possèdent la RD Congo et la région de même que sur la croissance économique impressionnante qu’elles connaissent même s’il reste encore beaucoup à faire pour en améliorer l’inclusivité. C’est la raison de l’appel pathétique lancé par cette conférence de Kinshasa à la contribution du secteur privé, dont les investissements sont hautement souhaités et aux acteurs politiques de tous les pays et de toutes tendances pour qu’ils s’abstiennent de compromettre l’assurance dont les investisseurs ont besoin que leurs placements ne seront pas menacés par des crises politiques et sécuritaires.
Certains acteurs politiques ont vu dans la visite à Kinshasa du Secrétaire général de l’ONU M. Ban Ki Moon où il venait participer à la Conférence sur les Investissements privés dans la Région des Grands Lacs l’opportunité de le supplier, toute honte bue, de les « rassurer » quant aux élections devant marquer la fin du mandat de notre Chef d’Etat, comme si la Constitution et les lois en vigueur en RDC ainsi que les nombreuses prises de position antérieures en ce sens de l’ONU et d’autres grandes organisations internationales n’y suffisaient pas. Comme si le Secrétaire Général de l’ONU avait vocation à se substituer au peuple congolais et à ses institutions comme la CENI ou, le cas échéant, la Cour Constitutionnelle. Des institutions auxquelles ils s’amusent à distribuer bons et mauvais points au gré de leurs propres intérêts partisans tout en faisant semblant de promouvoir leur indépendance.
Lorsqu’il a évoqué la mission des Nations Unies dans notre pays, M. Ban Ki Moon a parlé essentiellement du mandat de protection des civils « ensemble avec le Gouvernement » et de l’amélioration de l’assistance humanitaire ainsi que de la promotion d’un dialogue politique ouvert, car « la population de la RDC mérite de vivre en paix et en toute sécurité ». Il a ajouté avoir exhorté aussi bien le Président de la République, les responsables du Gouvernement et du Parlement ainsi que les représentants des partis politiques de l’opposition et acteurs de la société civile qu’il a rencontré à « s’engager dans un dialogue politique constructif (et à) placer les intérêts de la population au centre de leurs débats ».
Au sujet du processus électoral dans notre pays, M. Ban Ki Moon a appelé toutes les parties prenantes à tout mettre en œuvre afin que les élections soient crédibles, inclusives et conformes à la Constitution en insistant sur le respect de la liberté d’expression et d’association et le droit des réunions pacifiques qui sont indispensables à une vie politique dynamique et à la démocratie, ce qui nous paraît être un encouragement à persévérer dans la libération des espaces d’expression qui sont une réalité indéniable dans notre pays.
Il a exprimé sa préoccupation face au retard intervenu dans le calendrier électoral et a encouragé toutes les parties prenantes à convenir d’un calendrier électoral consensuel. Le dialogue national qui a été proposé par le président, qui est un dialogue inclusif est crédible, et peut véritablement permettre d’apaiser les tensions et partant, de créer un environnement favorable à des élections pacifiques, transparentes et crédibles.
Le Secrétaire général de l’organisation des Nations unies derrière lequel quelques protagonistes se cachent pour snober l’initiative du Président Joseph Kabila a dit clairement que toutes les parties qu’il a rencontrées ont indiqué qu’elles souhaitaient participer à un dialogue inclusif. Il a ajouté que de toutes les façons, il n’y a pas d’autres solutions en RDC que celle du dialogue inclusif.
Sur la question de la politique discriminatoire appliquée à l’encontre du contingent rd congolais envoyé en République Centrafricaine qu’un de vos confrères particulièrement alerte lui a posée, le Secrétaire Général des Nations Unies a fait allusion aux normes d’ordre logistiques et matérielles. Signalons que pour des raisons similaires (rétrécissement des ressources budgétaires), l’Armée sud africaine qui est une des forces armées les plus puissantes du continent, est en train de se retirer du Darfour au Soudan. Tout ceci pour dire que le Secrétaire général Ban Ki Moon n’a pas formulé les accusations quant au comportement des troupes congolaises sur lesquelles certains médias périphériques s’étaient livrés à des commentaires infamants contre notre contingent. Mieux, il a remercié la RD Congo pour sa contribution à la paix en République Centrafricaine, dans le cadre de la MISCA et dans le cadre de la MINUSCA et exprimé le souhait de continuer à travailler en étroite collaboration avec l’armée congolaise, afin d’améliorer ses performances dans le cadre de différentes opérations en reconnaissant que des progrès ont été réalisés bien que beaucoup reste à faire.
II. INTERPRETATIONS ERRONÉES DU PLAN STRATÉGIQUE DE DÉVELOPPEMENT DE LA RDC
L’opinion a été informée par voie de presse du Plan Stratégique de Développement de la RDC du Chef de l’Etat présenté par son Directeur de Cabinet. Aussitôt, une frange de l’opposition politique congolaise et certaines associations dont on est en droit de se demander en quoi elles sont de la société civile qui est par définition neutre se sont répandues en jérémiades et spéculations spécieuses autour de cette initiative présidentielle.
Contester d manière rituelle et systématique tout ce qui se réalise dans la sphère publique de l’Etat est devenu chez les uns et les autres une seconde nature. Sous le prétexte de militer pour le respect des délais constitutionnels, ils vont jusqu’à dénier au Chef de l’Etat le droit de projeter une réflexion prospective pour la Nation congolaise. A les en croire, le destin individuel d’un acteur politique devrait limiter son devoir de penser le devenir et l’avenir de son peuple à l’instar de tout citoyen. Une attitude aussi incorrecte qu’insensée.
On se souviendra à cet égard que le début du deuxième quinquennat du Président de la République avait été littéralement pourri avec des débats irrationnels de légitimité. Il est heureux que Joseph Kabila dont on connaît bien l’élévation d’esprit qu’il a popularisé à travers l’expression « momeki maki asuwanaka te, abundaka te » ( traduction : le porteur des œufs dans une communauté ne doit pas rentrer dans la mêlée au risque de casser sa précieuse cargaison) ne s’est pas laissé entrainer dans cette distraction délibérée et a su maintenir le cap en réalisant autant que possible ses promesses électorales en termes de pacification, de réunification du pays, de reconstruction nationale et de décentralisation.
Aujourd’hui, les mêmes acteurs auxquels se sont joints d’autres aigris tentent de museler l’action du Chef de l’Etat sous prétexte que son mandat arrive bientôt à son terme. Pourtant, le Plan Stratégique de Développement du Président de la République, programmé depuis 2013 n’est qu’une mise en œuvre de l’invitation contenue dans notre hymne national appelant tout Congolais, à quelque catégorie sociale qu’il appartienne à mettre la main à la pâte pour contribuer à “bâtir un pays plus beau qu’avant”. La question que l’on est en droit de se poser est celle de savoir si une telle contribution peut se circonscrire dans des délais temporels. La réponse est évidemment négative parce que le développement autocentré d’un pays ne s’accommode pas des improvisations et doit, au contraire, s’inscrire dans un cheminement linéaire qui transcende les mandats politiques des dirigeants et même les générations.
Prétendre comme le font les pourfendeurs du Plan Stratégique du Président que pareille stratégie participe d’une violation de la constitution est tout simplement aberrant.
Nous avons entendu avec ahurissement une critique concernant cette initiative dans laquelle un acteur politique s’est permis de dire que le fait que les articulations de ce Plan Stratégique de Développement de la RDC, couvraient deux décennies constituait la preuve que le Président Joseph Kabila veut s’accrocher au pouvoir jusqu’en 2035 alors que « les Congolais sont habitués à vivre au jour le jour et n’ont pas besoin de projets à long terme... ».
Une véritable insulte à l’intelligence des hommes et des femmes qui vivent dans ce pays !
III. ATTAQUES CONTRE L’INDÉPENDANCE DE LA JUSTICE
Un jugement a été rendu mercredi 24 février 2016 par le Tribunal de grande instance de Goma au Nord Kivu dans l’affaire Ministère public contre des membres d’un mouvement non enregistré et prônant ouvertement l’anarchie et le chaos en RDC dont ils disent ne pas reconnaître les institutions. Depuis ce verdict condamnant ces individus à deux ans de servitudes pénales, la justice congolaise fait l’objet de fortes pressions de la part de certains partenaires étrangers de notre pays qui se déclarent préoccupés, voire choqués, par ce qu’ils considèrent comme une restriction de l’espace politique et une atteinte aux libertés publiques.
Alors que les gouvernements américains, belges et français condamnaient, en des termes identiques, le verdict des juges de Goma qui gênerait la participation de la société civile et des acteurs politiques au débat démocratique, à Kinshasa, le responsable du Bureau Conjoint des Nations-Unies pour les Droits de l’Homme (BCNUDH) s’est lancé dans une attaque virulente sur les médias contre cette décision de justice qui, selon ses mots, « révèle l’instrumentalisation de la justice congolaise dans la répression des droits constitutionnels ». Les uns et les autres demandent rien moins que la révision de ce jugement et appellent les autorités congolaises à respecter les libertés publiques et leurs engagements internationaux.
Ces Etats partenaires de la RDC et la représentation locale du Haut Commissariat aux Droits de l’Homme des Nations – Unies s’en prennent ainsi de front à une procédure judiciaire régulièrement menée dans un pays tiers et susceptible de voies de recours selon les règles de l’art. Le fait est tout à fait inhabituel et inacceptable car il viole délibérément l’un des fondamentaux des relations internationales. En effet, il révèle un mépris à l’égard de la Constitution et des lois congolaises qui consacre l’indépendance des institutions judiciaires aussi bien du Gouvernement congolais lui-même qu’à celui de toute autres puissance étrangère.
À cela s’ajoute le principe universel du double degré de juridiction, prévu en RDC, et qui réserve aux seuls juges la responsabilité de corriger, le cas échéant, les abus, réels ou supposés, d’autres juges. Ces principes sont sacrés pour tout État de droit digne de ce nom et sont scrupuleusement respectés dans les trois Etats dont les exécutifs se permettent de monter au créneau contre le pouvoir judiciaire congolais.
C’est sur cette base que le Gouvernement congolais rejette leur démarche cavalière. La République Démocratique du Congo en souscrivant comme tous les autres pays aux instruments internationaux garantissant la liberté d’expression et les droits de l’homme, n’a pas plus qu’un autre Etat de la planète, renoncé à appliquer ses propres textes législatifs qui sont du reste conformes auxdits instruments internationaux. C’est le lieu d’affirmer que tout exercice dans notre pays de ces droits et libertés garantis aussi par la constitution et les lois nationales dans des conditions portant atteinte aux lois, à l’ordre public, à la sécurité et aux droits des autres citoyens constitue un délit ou un crime qui expose à des sanctions pénales. C’est la position des juges du Tribunal de Grande Instance de Goma dans la province martyre du Nord Kivu qui a trop souffert de l’impunité au cours de ces dernières années.
Dans cette affaire, tout s’est passé comme si on voulait obliger les juges congolais à soumettre les jugements et arrêts qu’ils s’apprêtent à rendre sur les causes portées devant leurs prétoires à l’avis conforme du Bureau conjoint des Nations unies pour les Droits de l’Homme ou des Gouvernements américains, belges et français. Une pratique inacceptable à laquelle aucun citoyen congolais doué de raison ne saurait souscrire.
La République Démocratique du Congo ne peut que s’inscrire en faux contre les attitudes contradictoires de ceux de ses partenaires qui donnent l’impression de vouloir en même temps que soit mis fin à l’insécurité qui hypothèque la stabilisation d’une partie du pays mais se démènent pour empêcher aux institutions judiciaires d’assumer pleinement leurs responsabilités quant à ce. Il déplore particulièrement le fait que organisations internationales et des gouvernements étrangers se permettent à l’encontre de nos institutions ce qu’ils se gardent eux-mêmes dans leurs propres Etats, à savoir : émettre officiellement des jugements de valeur sur un verdict judiciaire au lieu de se limiter à recommander aux justiciables qu’ils voudraient aider de faire appel à une juridiction supérieure.
Au sujet de ces inqualifiables pressions d’une agence internationale et de Gouvernements étrangers contre les institutions judiciaires d’un pays souverain, je compte, au nom du Gouvernement, adresser une protestation officielle aux responsables de la chaine publique française RFI dont nous avons accepté l’ouverture d’un bureau de représentation à Kinshasa pour poser la question de l’impartialité de ce média dans le traitement de l’information concernant notre pays la RDC. En effet, après la volée de bois vert infligée aux autorités congolaises que cette chaine avait abondamment relayée, j’avais été approché par une journaliste depuis Paris pour un droit de réponse du Gouvernement mais il nous a fallu attendre plus de vingt quatre heures au cours desquelles le seul point de vue initial hostile à la RDC était martelé à satiété sur les ondes et d’intenses démarches de notre part pour qu’enfin la réponse du gouvernement passe sur les antennes à une heure de faible audience. Nous ne sommes pas loin de considérer ce fait comme une tentative délibérée de museler le Gouvernement. Dont acte.
Je vous remercie.
Lambert MENDE OMALANGA
Ministre de la Communication et Médias
Porte-parole du Gouvernement