Trois ans après l’élection du gouverneur et du vice-gouverneur du Sankuru, qui a vu accéder à la tête de la province un certain Joseph Stéphane Mukumadi, une nouvelle élection est prévue dans cette entité le 6 mai 2022. Elle mettra en lice 13 candidats. Ils ont officiellement déposé leurs dossiers au bureau de réception et traitement des candidatures (BRTC) de la CENI pour ce nouveau rendez-vous électoral dont on espère qu’il ne fera plus bégayer l’histoire.
Après les multiples dérapages reprochés à Mukumadi, nul ne pourra dire qu’il ne savait pas. Lorsqu’ils ont déployé leurs tentacules jusqu’au Sankuru, le gouverneur déchu de la province de Patrice Lumumba et ses amis à Kinshasa n’ignoraient pas qu’ils sacrifiaient l’avenir et le développement de cette entité en préférant un enlisement dont le peuple sankurois a été la première victime et qui a compromis l’image du président de la République, Félix Tshisekedi dans cette partie du pays.
La province du Sankuru, qui a offert à la RDC les meilleurs de ses fils, à l’instar du Héros national Patrice Lumumba n’aura cependant pas été une proie facile à dompter après la victoire annoncée et fêtée de l’ancien gouverneur Mukumadi, alias ‘‘Wolo weko’’ (j’ai la force).
Nombreux ont été les sankurois qui ont interpellé l’imposteur Mukumadi et ceux qui partageaient avec lui le fruit de son aventure en leur demandant qui au juste ils croyaient cibler par leurs machinations puériles.
Aucune réponse ne leur a été donnée.
C’est dans un silence glacial et complice que les préoccupations légitimes des hommes et des femmes de cette province déshéritée ont vécu leur descente aux enfers.
C’est sur le tard, 3 ans après, que par un sursaut salutaire, l’Assemblée provinciale du Sankuru a résolu de mettre un terme à la dégringolade en renvoyant l’imposteur à ses fourneaux lillois.
Pourtant, les contribuables sankurois n’ont pas été les seuls à avoir mis en garde Mukumadi et ses parrains sur leurs dérives criminelles. De hauts responsables de l’Union sacrée de la Nation (USN), plateforme politique du président Tshisekedi, avaient aussi prévenu du danger qui guettait la jeune province.
Leur diagnostic réaliste ne fut pas pris en compte jusqu’au moment où le gouverneur déchu dans sa folie de grandeur commença à cracher sans vergogne sur ceux dont il était l’émanation. Les députés provinciaux sont appelés à choisir entre autres candidats gouverneurs et vice-gouverneurs : Lodi Emongo Jules & Bekanga Ansala Patrick ; Nsase Muetutuikale Dieu Donne & Ndjate Okitandeke Yannick ; Nyombo Lenga Odile & Lokeka Okito Armand ;Edungu Mbutshu Cécile & Lopatsha Mbomba César ; Yango Owondje Jean Paul & Mukole Yamusungu Augustin ; Loseke Nembalemba Tharcisse & Kotananga Kete Cyrilla ; Epenge koko Djongomanga Albert & Nonge Kakese Jean ; Wanya Dambo Henri & Ngoie Muana Ngoie Simon ; Shongo Osongo Zorobabel & Akalanga Fils Gilon ; Elonge Djanga Albert & Djesse Katabalay Arsène ; Akuka Kalonda Bernadette & Djomondo Lombe Jean- Vincent ; Tchyabilo Nckoto Paul & Asha Ndongo Thérèse ; Yambayamba Shungu Norbert & Shakasaka Kete Benoît.
Le pouvoir pour le pouvoir
L’emphase délirante et l’engouement de cette campagne pour le gouvernorat du Sankuru sont inversement proportionnels à la pertinence des projets pour le développement de la province. Il n’est pas exclu que les uns et les autres veuillent accéder au pouvoir, comme il y a trois ans, soit dans le seul but de s’enrichir indûment, soit dans celui de mater des adversaires politiques, soit enfin de régler des comptes à des communautés ‘‘rivales’’ aux leurs en étouffant toute voix dissidente pendant que la doxa monocorde s’empressera de blanchir le futur potentat.
Déjà, plusieurs concurrents s’entre accusent de paranoïa, comme si la critique des idées de l’adversaire ne faisait pas partie des ficelles normales de toute propagande électorale.
Cette hystérie est à double tranchant. Car ceux qui dépeignent leurs adversaires sous les traits de fous dangereux ne se livrent en réalité qu’à une sorte de critique – miroir. Ils projettent sur les autres ce qu’ils sont eux-mêmes au lieu de démontrer en quoi ils sauront rassembler les filles et fils de la province en mettant le cap sur le développement.
Défi de la stabilité interinstitutionnelle
Au plus fort de la ruée vers l’élection du gouverneur et de son adjoint au Sankuru, ce tintamarre monocorde, qui assourdit et empêche toute réflexion ne devrait pas occulter une analyse pondérée du contexte de la partie d’échecs qui continuera au-delà des élections, entre l’Assemblée et l’ exécutif de la province sur le défi de la stabilité politique des institutions provinciales.
Le VPM de l’Intérieur et sécurité, Daniel Aselo, un fils du Sankuru qui vient d’être publiquement désavoué par les députés provinciaux de tout le pays pour ses interférences irréfléchies et illégales dans les matières de la compétence exclusive des provinces en marge de l’atelier de sensibilisation, d’information et d’appropriation du programme de développement des 145 territoires , tenu à Kinshasa en mars 2022 à l’initiative du président de la République n’avait peut-être pas totalement tort lorsqu’il accusait les députés provinciaux de «vouloir continuer à oeuvrer à la déstabilisation des exécutifs provinciaux». Sans sortir lui-même blanc comme neige de cette controverse qu’il alimente par ses pratiques intrusives constantes dans la gestion de sa province d’origine, le Sankuru qu’il considère comme un démembrement de son cabinet.
Pendant que les états-majors des partis, plateformes et coalitions politiques s’activent pour la grande explication entre les députés provinciaux, du reste frustrés de ne pas percevoir régulièrement leurs indemnités, et les différents candidats à divers niveaux, il convient de condamner ce qui apparaît comme un mercantilisme politique des députés provinciaux qui ont, au cours des trois dernières années, ont fait de la survie des gouverneurs à la tête de leurs provinces un fonds de commerce. Ce postulat est vérifiable à bien des égards même au Sankuru. Mais l’immense majorité des commentateurs qui s’abîment en explications vaseuses pour tenter d’endiguer ce virus oublient que le prochain scrutin risque d’aboutir à un statu quo ante au Sankuru comme ailleurs. Sauf à voir les grands électeurs que sont les députés provinciauxrenoncer àlavoie de la facilité pour mettre en tête de leurs préoccupations l’intérêt général des populations.
Dans la pratique et comme l’a si bien reconnu Albert Camus, «nous étouffons parmi des gens qui pensent avoir absolument raison». Idéalismes préfabriqués, manichéisme idéologique, meutes vindicatives, velléités dogmatiques, logique binaire, tout y passe. L’air devient de plus en plus irrespirable dans la libre administration des provinces et les membres du parlement national, représentants légitimes du peuple devraient y mettre bon ordre dans le vote de la nouvelle loi électorale devant encadrer le 4ème cycle électoral en RDC.
Le président de la République, Félix Tshisekedi semble l’avoir bien compris, lui qui a, à l’occasion de la 8ème conférence des gouverneurs de provinces tenue à Kinshasa, du 22 au 23 décembre 2021, insisté sur «la stabilité dans la gouvernance, gage de la réussite du Programmededéveloppement local de 145 territoires et du Programme d’urgence intégré du développement communautaire», donnant ainsi le ton et exhortant les participants à réfléchir sur la manière dontles provinces et leurs assemblées devraient désormais travailler en harmonie.
Pour ce faire, le collectif des gouverneurs des provinces, soucieux de la stabilité des institutions provinciales, avait sollicité du chef de l’Etat la mise en place d’un moratoire suspendant l’usage des motions de défiance et de censure par les assemblées provinciales pour le reste de l’actuelle législature en ces termes : «Pour terminer, le collectif des gouverneurs des provinces, soucieux de la stabilité des institutions provinciales, sollicite de votre très haute autorité, une instruction ordonnant la mise sur pied d’un moratoire suspendant l’usage des motions de défiance et de censure par les assemblées provinciales pour le reste de l’actuelle législature», avaient-ils recommandé.
Sans ce préalable, d’aucuns prédisent que les mêmes causes produiront les mêmes effets.
Quand la sottise infecte le discours, quand la boulimie et les certitudes étouffent toute pensée libre, tenir sa langue est parfois la meilleure des parades.
Bientôt, une nouvelle histoire va s’écrire avec l’élection du gouverneur et du vice-gouverneur au Sankuru. Il ne reste plus qu’à espérer que la province ne rate pas son nouveau départ.
A.M AVEC LE MAXIMUM